Les fonds souverains s'installent durablement dans les pays occidentaux
Emblèmes du rééquilibrage économique Nord-Sud, sources d'inquiétudes autant que de fantasmes, les fonds souverains confirment leur montée en puissance dans l'économie mondiale.
Après avoir volé au secours des grandes banques américaines terrassées par la crise financière, ces fonds d'Etat des pays émergents font mentir la rumeur qui les avait qualifiés de purs opportunistes. Gorgés d'excédents commerciaux et de pétrodollars, ils participent à la deuxième vague de recapitalisation du secteur bancaire, en cours aux Etats-Unis mais aussi en Europe.
Outre-Atlantique, le fonds de Singapour Temasek détiendrait désormais 15 % de la banque d'affaires Merrill Lynch, ex-fleuron de Wall Street. En Grande-Bretagne, la Barclays, fondée au XVIIe siècle, a pour actionnaires principaux l'Autorité d'investissement du Qatar (QIA), le premier d'entre eux avec 6,4 % du capital, mais aussi le fonds Challenger du premier ministre qatari (2 %) et Temasek (3 %).
Ce mouvement n'en est qu'à ses débuts. Ces géants de la finance, dont la puissance financière pourrait être multipliée par cinq d'ici à cinq ans, passant de 3 000 milliards de dollars (1 920 milliards d'euros) à 15 000 milliards de dollars, s'intéressent maintenant à d'autres secteurs de l'économie. La ville de Milan en Italie a révélé, lundi 28 juillet, que des fonds du Qatar, "et d'autres pays du Golfe", se pressaient à sa porte, pour financer les grands projets d'infrastructures liés à l'exposition universelle de 2015.
Inédite, cette annonce est symbolique, puisqu'elle ferait des fonds souverains du Golfe, des partenaires stratégiques de l'Etat et des collectivités territoriales italiennes. Elle confirme le statut d'investisseurs à long terme de ces fonds.
Pour Alain Demarolle, inspecteur des finances, auteur d'un rapport sur les fonds souverains, remis au gouvernement en mai, il va falloir s'habituer à voir ces grands investisseurs s'installer durablement dans l'économie des "vieux pays développés". "Les fonds souverains constituent l'une des principales sources de liquidités, souligne-t-il. De plus en plus, la demande d'investissement au Nord va rencontrer l'offre au Sud".
"NI DIABOLISATION NI ANGÉLISME"
Pour Jean-Hervé Lorenzi, le président du Cercle des économistes, le déploiement des fonds souverains constitue l'un des points saillants "du monde très particulier qui émerge, un monde fait de tensions, caractérisé par la flambée du prix des ressources rares". L'occasion d'une réflexion sur la propriété du capital.
"Il ne faut céder ni à la diabolisation ni à l'angélisme, estime M. Lorenzi, il est normal que les pays émergents cherchent à assurer leur sécurité énergétique, alimentaire, leur sécurité financière aussi". Soulignant pour sa part qu'après être entrés au capital des banques, ces fonds cherchent à diversifier leurs investissements, Jean-Jacques de Balasy, directeur de Barclays Capital, insiste sur "leur professionnalisme, leur intérêt pour le long terme, pour des opérations qui n'offrent pas forcément de dividende rapide".
L'essor des fonds souverains dans l'économie occidentale se mesure déjà dans les chiffres. Une enquête réalisée pour Le Monde, par le cabinet britannique Dealogic, montre un essor spectaculaire de leurs acquisitions depuis quinze ans. Celles-ci sont passées de 60 millions de dollars en 1995 à 429 millions de dollars en 2000, 5,1 milliards en 2004, 18,5 milliards en 2006, 54,1 milliards en 2007 et déjà 49,2 milliards cette année avec 43 acquisitions.
De son côté, dans une étude parue fin juin, la banque américaine State Street estime que les fonds souverains pourraient détenir ensemble, dans cinq ans, 5,5 % du capital des 8 000 plus grandes entreprises mondiales cotées en Bourse.
Anne Michel
Le Monde
Emblèmes du rééquilibrage économique Nord-Sud, sources d'inquiétudes autant que de fantasmes, les fonds souverains confirment leur montée en puissance dans l'économie mondiale.
Après avoir volé au secours des grandes banques américaines terrassées par la crise financière, ces fonds d'Etat des pays émergents font mentir la rumeur qui les avait qualifiés de purs opportunistes. Gorgés d'excédents commerciaux et de pétrodollars, ils participent à la deuxième vague de recapitalisation du secteur bancaire, en cours aux Etats-Unis mais aussi en Europe.
Outre-Atlantique, le fonds de Singapour Temasek détiendrait désormais 15 % de la banque d'affaires Merrill Lynch, ex-fleuron de Wall Street. En Grande-Bretagne, la Barclays, fondée au XVIIe siècle, a pour actionnaires principaux l'Autorité d'investissement du Qatar (QIA), le premier d'entre eux avec 6,4 % du capital, mais aussi le fonds Challenger du premier ministre qatari (2 %) et Temasek (3 %).
Ce mouvement n'en est qu'à ses débuts. Ces géants de la finance, dont la puissance financière pourrait être multipliée par cinq d'ici à cinq ans, passant de 3 000 milliards de dollars (1 920 milliards d'euros) à 15 000 milliards de dollars, s'intéressent maintenant à d'autres secteurs de l'économie. La ville de Milan en Italie a révélé, lundi 28 juillet, que des fonds du Qatar, "et d'autres pays du Golfe", se pressaient à sa porte, pour financer les grands projets d'infrastructures liés à l'exposition universelle de 2015.
Inédite, cette annonce est symbolique, puisqu'elle ferait des fonds souverains du Golfe, des partenaires stratégiques de l'Etat et des collectivités territoriales italiennes. Elle confirme le statut d'investisseurs à long terme de ces fonds.
Pour Alain Demarolle, inspecteur des finances, auteur d'un rapport sur les fonds souverains, remis au gouvernement en mai, il va falloir s'habituer à voir ces grands investisseurs s'installer durablement dans l'économie des "vieux pays développés". "Les fonds souverains constituent l'une des principales sources de liquidités, souligne-t-il. De plus en plus, la demande d'investissement au Nord va rencontrer l'offre au Sud".
"NI DIABOLISATION NI ANGÉLISME"
Pour Jean-Hervé Lorenzi, le président du Cercle des économistes, le déploiement des fonds souverains constitue l'un des points saillants "du monde très particulier qui émerge, un monde fait de tensions, caractérisé par la flambée du prix des ressources rares". L'occasion d'une réflexion sur la propriété du capital.
"Il ne faut céder ni à la diabolisation ni à l'angélisme, estime M. Lorenzi, il est normal que les pays émergents cherchent à assurer leur sécurité énergétique, alimentaire, leur sécurité financière aussi". Soulignant pour sa part qu'après être entrés au capital des banques, ces fonds cherchent à diversifier leurs investissements, Jean-Jacques de Balasy, directeur de Barclays Capital, insiste sur "leur professionnalisme, leur intérêt pour le long terme, pour des opérations qui n'offrent pas forcément de dividende rapide".
L'essor des fonds souverains dans l'économie occidentale se mesure déjà dans les chiffres. Une enquête réalisée pour Le Monde, par le cabinet britannique Dealogic, montre un essor spectaculaire de leurs acquisitions depuis quinze ans. Celles-ci sont passées de 60 millions de dollars en 1995 à 429 millions de dollars en 2000, 5,1 milliards en 2004, 18,5 milliards en 2006, 54,1 milliards en 2007 et déjà 49,2 milliards cette année avec 43 acquisitions.
De son côté, dans une étude parue fin juin, la banque américaine State Street estime que les fonds souverains pourraient détenir ensemble, dans cinq ans, 5,5 % du capital des 8 000 plus grandes entreprises mondiales cotées en Bourse.
Anne Michel
Le Monde
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