05/01/2010 13:01:27 | Jeune Afrique | Par : Christophe Boisbouvier
Réaliste et prudent, le président américain s’efforce de ménager les susceptibilités de chacun tout en veillant à la défense des intérêts de tous – et des États-Unis. Décryptage de la nouvelle politique de la Maison Blanche dans la région.
Le changement le plus frappant depuis l’arrivée au pouvoir de Barack Obama, c’est que les États-Unis considèrent de nouveau le Maghreb comme une entité politique. Fini le « Grand Moyen-Orient » (Greater Middle East), ce vaste ensemble hétéroclite dans lequel George W. Bush avait voulu rassembler quelque vingt-cinq pays musulmans, de la Mauritanie au Pakistan. Dès sa prise de fonctions, la secrétaire d’État, Hillary Clinton, a proposé un mini-sommet à ses trois homologues algérien, marocain et tunisien. La rencontre a eu lieu le 2 mars à Charm el-Cheikh, en Égypte, en marge d’une réunion sur Gaza. « Je vous invite à mieux coopérer sur les plans de la sécurité et de l’économie », a lancé l’Américaine à Mourad Medelci, Taïeb Fassi Fihri et Abdelwaheb Abdallah. Aujourd’hui, à Washington, un haut responsable du département d’État précise : « Nous travaillons dur pour consolider nos relations avec ces trois pays et pour construire de nouvelles relations avec la Libye. »
Se dirige-t-on vers de grandes retrouvailles entre Washington et Tripoli ? Pas si sûr ! Jusqu’à présent, Barack Obama a tout fait pour éviter Mouammar Kaddafi. Certes, en juillet dernier, les deux hommes se sont serré la main furtivement, à l’occasion du G8 de L’Aquila, en Italie. Mais en septembre, à New York, lors d’un déjeuner avec une vingtaine de chefs d’État africains, Obama s’est arrangé pour ne pas inviter… le président en exercice de l’Union africaine (UA). Obama, le champion d’un monde sans armes nucléaires, apprécie vivement que la Libye ait renoncé à l’arme atomique. Mais de là à déjeuner avec le « Guide »…
Washington et le Sahara
En réalité, pour l’instant, le président américain privilégie les contacts avec les vieux amis de l’Amérique. À commencer par son homologue tunisien, Zine el-Abidine Ben Ali. En 2003, c’est à Tunis que les Américains ont installé le siège régional du Middle East Partnership Initiative (Mepi), vaste plan de coopération avec le monde musulman. Barack Obama sait gré au régime tunisien d’être ouvert à une coopération technique (échange d’étudiants, formation des élites, etc.). En revanche, il regrette que le régime ne soit pas plus ouvert aux réformes politiques. Le 26 octobre, au lendemain de la réélection du président Ben Ali, le porte-parole de la Maison Blanche s’est dit « préoccupé » par le manque de transparence du scrutin. Vive réaction à Tunis. Analyse d’Amel Boubekeur, du centre de recherches américain Carnegie : « Depuis les accrochages de 2007 entre salafistes et forces de l’ordre dans la banlieue de Tunis, les Américains craignent une radicalisation de la jeunesse tunisienne. D’où l’appel d’Obama à l’ouverture. »
Autre grand ami de l’Amérique, le roi du Maroc. Longtemps Washington a soutenu ouvertement la politique de Rabat sur le Sahara occidental. Mais, le 4 juillet dernier, dans une lettre au souverain chérifien, Barack Obama a fait un « oubli ». À la différence de son prédécesseur George W. Bush, il a évoqué le conflit du Sahara sans mentionner le plan marocain en faveur de l’autonomie du territoire et a souhaité une solution qui garantisse « la bonne gouvernance, l’État de droit et une justice équitable ». Aussitôt, plusieurs observateurs ont cru déceler une évolution des États-Unis en faveur du Front Polisario et de l’Algérie. « Aux yeux de la diplomatie espagnole, la lettre d’Obama signifie que celui-ci veut laisser travailler l’ONU sans lui montrer la voie à suivre ou bien que, dans l’hypothèse la plus osée, il se démarque du plan d’autonomie des Marocains », écrit le journal espagnol El País (de gauche) dès le 19 juillet.
Un vol direct Alger-New York
Le 2 novembre, Hillary Clinton arrive au Maroc. C’est sa première visite dans un pays maghrébin depuis sa nomination à la tête de la diplomatie américaine. Officiellement, elle vient participer au Forum pour l’avenir, à Marrakech, mais, bien évidemment, tout le monde l’attend sur le Sahara. Conférence de presse aux côtés de Taïeb Fassi Fihri. Un journaliste : « Madame la secrétaire d’État, est-ce que le plan marocain en faveur de l’autonomie vous paraît crédible et sérieux ? – Oui. Et il est important pour moi de réaffirmer ici au Maroc que notre politique n’a pas changé. » Pas un mot de plus. Aujourd’hui, notre haut responsable du département d’État explique à Jeune Afrique : « Nous attendons avec impatience que les discussions entre les parties reprennent en présence de l’envoyé spécial de l’ONU, Christopher Ross. Plusieurs propositions ont été mises sur la table. L’une d’entre elles est le plan marocain pour l’autonomie, qui est intéressant. Mais, actuellement, nous comptons sur le rôle leader de l’ONU pour démêler ce conflit. » Et à la question « Ce plan est-il meilleur que les autres ? » il répond du tac au tac : « Non, il n’est pas meilleur ou pire. C’est une proposition sérieuse qui doit être traitée comme telle et qui mérite une réflexion de la part de toutes les parties. »
Prudence, prudence… En fait, le maître mot de la nouvelle politique américaine au Maghreb, c’est « équilibre ». Qu’il est loin le temps de la guerre froide où l’Algérie avait rompu ses relations diplomatiques avec le « Grand Satan » américain (1967-1974)… Aujourd’hui, Washington et Alger sont de vrais partenaires. D’abord grâce aux hydrocarbures. Halliburton, BP-Amoco-Arco, Exxon, Amerada Hess, Schlumberger, Anadarko, Burlington… Les plus grands groupes américains sont associés à Sonatrach dans l’exploration, la production et l’ingénierie pétrolières et gazières. Autant dire que le lobby texan est très attaché à la qualité de cette relation.
Réaliste et prudent, le président américain s’efforce de ménager les susceptibilités de chacun tout en veillant à la défense des intérêts de tous – et des États-Unis. Décryptage de la nouvelle politique de la Maison Blanche dans la région.
Le changement le plus frappant depuis l’arrivée au pouvoir de Barack Obama, c’est que les États-Unis considèrent de nouveau le Maghreb comme une entité politique. Fini le « Grand Moyen-Orient » (Greater Middle East), ce vaste ensemble hétéroclite dans lequel George W. Bush avait voulu rassembler quelque vingt-cinq pays musulmans, de la Mauritanie au Pakistan. Dès sa prise de fonctions, la secrétaire d’État, Hillary Clinton, a proposé un mini-sommet à ses trois homologues algérien, marocain et tunisien. La rencontre a eu lieu le 2 mars à Charm el-Cheikh, en Égypte, en marge d’une réunion sur Gaza. « Je vous invite à mieux coopérer sur les plans de la sécurité et de l’économie », a lancé l’Américaine à Mourad Medelci, Taïeb Fassi Fihri et Abdelwaheb Abdallah. Aujourd’hui, à Washington, un haut responsable du département d’État précise : « Nous travaillons dur pour consolider nos relations avec ces trois pays et pour construire de nouvelles relations avec la Libye. »
Se dirige-t-on vers de grandes retrouvailles entre Washington et Tripoli ? Pas si sûr ! Jusqu’à présent, Barack Obama a tout fait pour éviter Mouammar Kaddafi. Certes, en juillet dernier, les deux hommes se sont serré la main furtivement, à l’occasion du G8 de L’Aquila, en Italie. Mais en septembre, à New York, lors d’un déjeuner avec une vingtaine de chefs d’État africains, Obama s’est arrangé pour ne pas inviter… le président en exercice de l’Union africaine (UA). Obama, le champion d’un monde sans armes nucléaires, apprécie vivement que la Libye ait renoncé à l’arme atomique. Mais de là à déjeuner avec le « Guide »…
Washington et le Sahara
En réalité, pour l’instant, le président américain privilégie les contacts avec les vieux amis de l’Amérique. À commencer par son homologue tunisien, Zine el-Abidine Ben Ali. En 2003, c’est à Tunis que les Américains ont installé le siège régional du Middle East Partnership Initiative (Mepi), vaste plan de coopération avec le monde musulman. Barack Obama sait gré au régime tunisien d’être ouvert à une coopération technique (échange d’étudiants, formation des élites, etc.). En revanche, il regrette que le régime ne soit pas plus ouvert aux réformes politiques. Le 26 octobre, au lendemain de la réélection du président Ben Ali, le porte-parole de la Maison Blanche s’est dit « préoccupé » par le manque de transparence du scrutin. Vive réaction à Tunis. Analyse d’Amel Boubekeur, du centre de recherches américain Carnegie : « Depuis les accrochages de 2007 entre salafistes et forces de l’ordre dans la banlieue de Tunis, les Américains craignent une radicalisation de la jeunesse tunisienne. D’où l’appel d’Obama à l’ouverture. »
Autre grand ami de l’Amérique, le roi du Maroc. Longtemps Washington a soutenu ouvertement la politique de Rabat sur le Sahara occidental. Mais, le 4 juillet dernier, dans une lettre au souverain chérifien, Barack Obama a fait un « oubli ». À la différence de son prédécesseur George W. Bush, il a évoqué le conflit du Sahara sans mentionner le plan marocain en faveur de l’autonomie du territoire et a souhaité une solution qui garantisse « la bonne gouvernance, l’État de droit et une justice équitable ». Aussitôt, plusieurs observateurs ont cru déceler une évolution des États-Unis en faveur du Front Polisario et de l’Algérie. « Aux yeux de la diplomatie espagnole, la lettre d’Obama signifie que celui-ci veut laisser travailler l’ONU sans lui montrer la voie à suivre ou bien que, dans l’hypothèse la plus osée, il se démarque du plan d’autonomie des Marocains », écrit le journal espagnol El País (de gauche) dès le 19 juillet.
Un vol direct Alger-New York
Le 2 novembre, Hillary Clinton arrive au Maroc. C’est sa première visite dans un pays maghrébin depuis sa nomination à la tête de la diplomatie américaine. Officiellement, elle vient participer au Forum pour l’avenir, à Marrakech, mais, bien évidemment, tout le monde l’attend sur le Sahara. Conférence de presse aux côtés de Taïeb Fassi Fihri. Un journaliste : « Madame la secrétaire d’État, est-ce que le plan marocain en faveur de l’autonomie vous paraît crédible et sérieux ? – Oui. Et il est important pour moi de réaffirmer ici au Maroc que notre politique n’a pas changé. » Pas un mot de plus. Aujourd’hui, notre haut responsable du département d’État explique à Jeune Afrique : « Nous attendons avec impatience que les discussions entre les parties reprennent en présence de l’envoyé spécial de l’ONU, Christopher Ross. Plusieurs propositions ont été mises sur la table. L’une d’entre elles est le plan marocain pour l’autonomie, qui est intéressant. Mais, actuellement, nous comptons sur le rôle leader de l’ONU pour démêler ce conflit. » Et à la question « Ce plan est-il meilleur que les autres ? » il répond du tac au tac : « Non, il n’est pas meilleur ou pire. C’est une proposition sérieuse qui doit être traitée comme telle et qui mérite une réflexion de la part de toutes les parties. »
Prudence, prudence… En fait, le maître mot de la nouvelle politique américaine au Maghreb, c’est « équilibre ». Qu’il est loin le temps de la guerre froide où l’Algérie avait rompu ses relations diplomatiques avec le « Grand Satan » américain (1967-1974)… Aujourd’hui, Washington et Alger sont de vrais partenaires. D’abord grâce aux hydrocarbures. Halliburton, BP-Amoco-Arco, Exxon, Amerada Hess, Schlumberger, Anadarko, Burlington… Les plus grands groupes américains sont associés à Sonatrach dans l’exploration, la production et l’ingénierie pétrolières et gazières. Autant dire que le lobby texan est très attaché à la qualité de cette relation.
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