2 - L'Arabie saoudite et les racines du djihad planétaire
La doctrine pratiquée en Arabie saoudite et connue en Occident sous le vocable de « wahhabisme » est née en Arabie centrale au milieu du XVIIIe siècle avec les enseignements de Muhammad ibn Abd al-Wahhab. Le réformateur voulait débarrasser l’islam des innovations étrangères qui en compromettaient les fondements monothéistes et restaurer les pratiques qu’il croyait être celles de l’époque du Prophète et de ses successeurs immédiats, au VIIe siècle. En 1744, il conclut avec Muhammad ibn Saoud, souverain de Diriya – proche de l’actuelle Riyad –, un pacte (mithaq) selon lequel ibn Abd al-Wahhab verrait sa protection assurée par ibn Saoud et, en échange, légitimerait l’extension du pouvoir de celui-ci à un réseau plus important de tribus arabes : c’est dans ce pacte que se fonde l’Arabie saoudite moderne.
Le wahhabisme apparaît donc avant que les Européens n’arrivent au Moyen-Orient : Napoléon n’avait pas encore envahi l’Égypte et il n’y avait pas trace de l’Empire britannique en Irak ni dans les mini-États du golfe Persique. Le wahhabisme est un pur produit des terres de la péninsule Arabique les plus isolées, très peu en contact avec le monde extérieur.
Le wahhabisme présente rétrospectivement un double intérêt.
D’abord, il a redonné vigueur à l’idée de djihad, la guerre sainte. Avec la fin de l’expansion de l’islam et la dislocation de l’État musulman unitaire, en effet, l’idée de djihad universel s’estompait, évoluant sous l’influence du soufisme vers un concept de combat spirituel de l’individu. Le wahhabisme allait inverser la tendance.
Ensuite, le djihad était considéré comme un instrument essentiel de l’éradication de toutes les innovations qui avaient compromis la pureté du monothéisme au sein de l’islam. Le verset du Coran : « Vous frapperez les polythéistes (mushrikun) là où vous les trouverez » devait s’appliquer plus largement que jamais, au point d’inclure d’autres musulmans. La vénération que portent les chiites à Ali, le gendre de Mahomet, en fit les cibles désignées d’attaques militaires tel le massacre perpétré dans la ville ottomane de Karbala en 1802 – 5 000 morts –, bien avant qu’Abou Moussab al-Zarqaoui ne lance sa campagne contre les mosquées chiites d’Irak. En somme, le wahhabisme légitimait le djihad contre tous ceux qui ne partageaient pas ses articles de foi. Il n’est pas inintéressant de relever un fait historique : le sultan calife de l’Empire ottoman, qui était la plus haute autorité spirituelle de l’islam sunnite au moment où émergeait le wahhabisme, considérait les adhérents de cette doctrine comme hérétiques et leur fit la guerre.
L’Arabie saoudite moderne fut officiellement créée en 1932, après que le roi Abd al-Aziz ibn Saoud eut achevé ses campagnes militaires commencées trente ans plus tôt et utilisé ses guerriers imprégnés de wahhabisme militant pour recouvrer le patrimoine de ses ancêtres. Le wahhabisme serait resté une obscure doctrine sans grand rayonnement si ne s’étaient produits trois développements. D’abord, les armées d’ibn Saoud conquirent le Hedjaz, où se trouvaient les deux villes saintes de l’islam, La Mecque et Médine : les pèlerins du monde entier allaient être désormais confrontés à l’enseignement de la doctrine. Ensuite, l’exploitation de ses vastes réserves de pétrole fournit à l’État saoudien des ressources lui permettant de propager la doctrine sur la planète : au XXe siècle, le pacte impliquait non seulement la protection du mouvement par la famille royale, mais également le transfert d’un pactole de pétrodollars. Enfin, les champs pétroliers saoudiens constituant les réserves les plus importantes au monde et les compagnies américaines en ayant obtenu la concession, l’Arabie saoudite, malgré ses liens historiques avec l’extrémisme wahhabite, passa sous le parapluie américain.
Ce serait pourtant une erreur que de faire du wahhabisme la seule et unique source idéologique du nouveau terrorisme planétaire. L’Arabie saoudite moderne des années 1950 et 1960 a abrité d’autres mouvements militants dont l’impact a été considérable. Ainsi, les rois Saoud et Faysal, tout comme leurs successeurs, donnèrent asile à des éléments des Frères musulmans d’Égypte, du Soudan, de Jordanie et de Syrie. Certains furent appointés, d’autres obtinrent des postes dans les institutions éducatives, y compris dans les universités, ou au sein des vastes organisations caritatives du pays, par exemple la Ligue islamique mondiale fondée en 1962. Alors que Nasser, en 1966, avait fait exécuter Sayyid Qutb, l’idéologue de la confrérie, le frère de celui-ci, Muhammad Qutb, s’enfuit en Arabie saoudite, où il enseigna à la King Abdul Aziz University de Jedda. Devait l’y rejoindre dans les années 1970 l’un des chefs des Frères musulmans de Jordanie, Abdullah Azzam. Tous deux furent en 1979 les professeurs d’Oussama ben Laden.
Les organisations caritatives saoudiennes de taille planétaire comme la Ligue islamique mondiale furent les canaux de transmission du nouveau militantisme forgé dans la coopération entre clercs wahhabites et Frères musulmans exilés. Après 1973, ces organisations allaient bénéficier des énormes ressources du pétrole, fournies par le gouvernement, qui contribuèrent sans aucun doute à leur rayonnement planétaire. Azzam était à la tête des services de la Ligue islamique mondiale à Peshawar, au Pakistan, quand le pays servait de base arrière à la résistance contre l’occupant soviétique en Afghanistan. Il y fut rejoint par son élève ben Laden, qui monta avec des fonds saoudiens le Maktab Khadmat al-Mujahiddin pour les volontaires contre l’Armée rouge. Après la défaite des Soviétiques, ce service devint al-Qaïda.
De riches Saoudiens se firent également les soutiens de l’extrémisme musulman à travers le monde. En 1993, Charles Pasqua, ministre français de l’Intérieur, rencontra son homologue saoudien, le prince Naïef, pour l’inciter à mettre un terme au transfert de fonds privés saoudiens en direction du Front islamique du salut algérien (FIS) et d’autres milices [6] Cf. Roland Jacquard, In the Name of Osama Bin Laden,... [6] . Un an plus tard, le président Clinton faisait escale en Arabie saoudite pour s’y plaindre que les financements privés du Hamas sapaient le processus de paix israélo-palestinien.
Mais il s’agissait là de montants relativement modestes. Ce sont les organisations caritatives au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, dans lesquelles venait désormais s’incarner l’alliance entre Riyad et l’establishment wahhabite malgré le soutien avéré de celui-ci au djihad mondial, qui allaient principalement financer les groupes extrémistes. Aux Philippines, par exemple, on trouvait à la tête des services de l’International Islamic Relief Organization (IIRO, Organisation du secours islamique international), qui est elle-même une ramification de la Ligue islamique mondiale, le beau-frère de ben Laden, Muhammad Jamal Khalifa ; le renseignement local le soupçonnait de servir de canal financier à l’organisation Abu Sayyaf. Muhammad al-Zawahiri, frère du partenaire égyptien de ben Laden, Ayman al-Zawahiri, allait par la suite travailler pour l’IIRO en Albanie. Un employé bangladais de l’IIRO, Sayed Abu Nasir, dirigeait la cellule – entre-temps démantelée par la police indienne – qui avait l’intention de frapper les consulats américains de Madras et de Calcutta ; ses supérieurs lui auraient expliqué que 40 % à 50 % des dons étaient détournés pour financer les camps d’entraînement en Afghanistan et au Cachemire Cf. Stephen Emerson, Jonathan Levin, « Terrorism Financing :... .
Robert Baer, ancien agent de la CIA, résume : « Quand, au début des années 1980, l’Arabie saoudite décida de financer les moudjahiddin afghans, l’IIRO se révéla parfaite, à la fois canal de financement et instrument plausible de dénégation [8] Cf. Robert Baer, Sleeping with the Devil : How Washington... [8] . » En 2002, les Forces de défense d’Israël mirent au jour une documentation étayant des liens immédiats entre l’IIRO et le Hamas ; l’un des documents, qui remontait à 2000, révélait le détail d’une allocation de 280 000 dollars à quatorze groupes d’assaut [9] Cf. Dore Gold, Hatred’s Kingdom : How Saudi Arabia... [9] . Robert Baer affirme que le prince Salman, alors gouverneur de Riyad et frère du roi Abdallah, gérait d’une main de fer cette sorte de partage des fonds par l’IIRO.
L’IIRO n’était pas la seule organisation caritative que finançaient les Saoudiens. Il y avait aussi la World Assembly of Muslim Youth (WAMY) et la nébuleuse des fondations al-Haramain. Toutes trois sont soupçonnées par divers services de renseignement de financer le terrorisme. L’interrogatoire d’un agent d’al-Qaïda révéla par exemple qu’al-Haramain servait de canal à al-Qaïda dans le Sud-Est asiatique. Mieux, les services de renseignement de la Fédération de Russie accusèrent al-Haramain d’avoir télégraphié des fonds aux Tchétchènes en 1999. Le 2 juin 2004, le Trésor américain parlait d’al-Haramain comme de « l’une des principales ONG islamiques soutenant al-Qaïda et promouvant le militantisme islamiste sur la planète ».
Il serait cependant incorrect de présenter ces organisations comme purement non gouvernementales ou privées, comme le font souvent – à tort – en particulier les commentateurs américains. Leurs conseils de direction sont tous coiffés par un officiel saoudien. Le grand mufti saoudien, qui est également membre du cabinet, préside le Conseil représentatif de la Ligue islamique mondiale. Le ministre des Affaires islamiques préside le secrétariat exécutif de WAMY et le conseil d’administration d’al-Haramain. Des périodiques saoudiens ont détaillé les dons de la famille royale à ces trois organisations. Si l’on en croit les documents juridiques soumis par les conseils saoudiens au sein de la firme Baker Botts lors de la procédure qui suivit le 11 Septembre, le prince Sultan a apporté à l’IIRO 266 000 dollars par an pendant seize ans . Michael Isikoff, Mark Hasenbill, « ALegal Counterattack »,... . Il a également fourni une somme bien moindre à WAMY. Cela ne signifie pas, pour rester équitable, que Sultan finançait délibérément le terrorisme ; cela montre tout simplement que l’Arabie officielle subventionnait ces organisations caritatives : en bref, c’étaient d’authentiques organisations gouvernementales.
La doctrine pratiquée en Arabie saoudite et connue en Occident sous le vocable de « wahhabisme » est née en Arabie centrale au milieu du XVIIIe siècle avec les enseignements de Muhammad ibn Abd al-Wahhab. Le réformateur voulait débarrasser l’islam des innovations étrangères qui en compromettaient les fondements monothéistes et restaurer les pratiques qu’il croyait être celles de l’époque du Prophète et de ses successeurs immédiats, au VIIe siècle. En 1744, il conclut avec Muhammad ibn Saoud, souverain de Diriya – proche de l’actuelle Riyad –, un pacte (mithaq) selon lequel ibn Abd al-Wahhab verrait sa protection assurée par ibn Saoud et, en échange, légitimerait l’extension du pouvoir de celui-ci à un réseau plus important de tribus arabes : c’est dans ce pacte que se fonde l’Arabie saoudite moderne.
Le wahhabisme apparaît donc avant que les Européens n’arrivent au Moyen-Orient : Napoléon n’avait pas encore envahi l’Égypte et il n’y avait pas trace de l’Empire britannique en Irak ni dans les mini-États du golfe Persique. Le wahhabisme est un pur produit des terres de la péninsule Arabique les plus isolées, très peu en contact avec le monde extérieur.
Le wahhabisme présente rétrospectivement un double intérêt.
D’abord, il a redonné vigueur à l’idée de djihad, la guerre sainte. Avec la fin de l’expansion de l’islam et la dislocation de l’État musulman unitaire, en effet, l’idée de djihad universel s’estompait, évoluant sous l’influence du soufisme vers un concept de combat spirituel de l’individu. Le wahhabisme allait inverser la tendance.
Ensuite, le djihad était considéré comme un instrument essentiel de l’éradication de toutes les innovations qui avaient compromis la pureté du monothéisme au sein de l’islam. Le verset du Coran : « Vous frapperez les polythéistes (mushrikun) là où vous les trouverez » devait s’appliquer plus largement que jamais, au point d’inclure d’autres musulmans. La vénération que portent les chiites à Ali, le gendre de Mahomet, en fit les cibles désignées d’attaques militaires tel le massacre perpétré dans la ville ottomane de Karbala en 1802 – 5 000 morts –, bien avant qu’Abou Moussab al-Zarqaoui ne lance sa campagne contre les mosquées chiites d’Irak. En somme, le wahhabisme légitimait le djihad contre tous ceux qui ne partageaient pas ses articles de foi. Il n’est pas inintéressant de relever un fait historique : le sultan calife de l’Empire ottoman, qui était la plus haute autorité spirituelle de l’islam sunnite au moment où émergeait le wahhabisme, considérait les adhérents de cette doctrine comme hérétiques et leur fit la guerre.
L’Arabie saoudite moderne fut officiellement créée en 1932, après que le roi Abd al-Aziz ibn Saoud eut achevé ses campagnes militaires commencées trente ans plus tôt et utilisé ses guerriers imprégnés de wahhabisme militant pour recouvrer le patrimoine de ses ancêtres. Le wahhabisme serait resté une obscure doctrine sans grand rayonnement si ne s’étaient produits trois développements. D’abord, les armées d’ibn Saoud conquirent le Hedjaz, où se trouvaient les deux villes saintes de l’islam, La Mecque et Médine : les pèlerins du monde entier allaient être désormais confrontés à l’enseignement de la doctrine. Ensuite, l’exploitation de ses vastes réserves de pétrole fournit à l’État saoudien des ressources lui permettant de propager la doctrine sur la planète : au XXe siècle, le pacte impliquait non seulement la protection du mouvement par la famille royale, mais également le transfert d’un pactole de pétrodollars. Enfin, les champs pétroliers saoudiens constituant les réserves les plus importantes au monde et les compagnies américaines en ayant obtenu la concession, l’Arabie saoudite, malgré ses liens historiques avec l’extrémisme wahhabite, passa sous le parapluie américain.
Ce serait pourtant une erreur que de faire du wahhabisme la seule et unique source idéologique du nouveau terrorisme planétaire. L’Arabie saoudite moderne des années 1950 et 1960 a abrité d’autres mouvements militants dont l’impact a été considérable. Ainsi, les rois Saoud et Faysal, tout comme leurs successeurs, donnèrent asile à des éléments des Frères musulmans d’Égypte, du Soudan, de Jordanie et de Syrie. Certains furent appointés, d’autres obtinrent des postes dans les institutions éducatives, y compris dans les universités, ou au sein des vastes organisations caritatives du pays, par exemple la Ligue islamique mondiale fondée en 1962. Alors que Nasser, en 1966, avait fait exécuter Sayyid Qutb, l’idéologue de la confrérie, le frère de celui-ci, Muhammad Qutb, s’enfuit en Arabie saoudite, où il enseigna à la King Abdul Aziz University de Jedda. Devait l’y rejoindre dans les années 1970 l’un des chefs des Frères musulmans de Jordanie, Abdullah Azzam. Tous deux furent en 1979 les professeurs d’Oussama ben Laden.
Les organisations caritatives saoudiennes de taille planétaire comme la Ligue islamique mondiale furent les canaux de transmission du nouveau militantisme forgé dans la coopération entre clercs wahhabites et Frères musulmans exilés. Après 1973, ces organisations allaient bénéficier des énormes ressources du pétrole, fournies par le gouvernement, qui contribuèrent sans aucun doute à leur rayonnement planétaire. Azzam était à la tête des services de la Ligue islamique mondiale à Peshawar, au Pakistan, quand le pays servait de base arrière à la résistance contre l’occupant soviétique en Afghanistan. Il y fut rejoint par son élève ben Laden, qui monta avec des fonds saoudiens le Maktab Khadmat al-Mujahiddin pour les volontaires contre l’Armée rouge. Après la défaite des Soviétiques, ce service devint al-Qaïda.
De riches Saoudiens se firent également les soutiens de l’extrémisme musulman à travers le monde. En 1993, Charles Pasqua, ministre français de l’Intérieur, rencontra son homologue saoudien, le prince Naïef, pour l’inciter à mettre un terme au transfert de fonds privés saoudiens en direction du Front islamique du salut algérien (FIS) et d’autres milices [6] Cf. Roland Jacquard, In the Name of Osama Bin Laden,... [6] . Un an plus tard, le président Clinton faisait escale en Arabie saoudite pour s’y plaindre que les financements privés du Hamas sapaient le processus de paix israélo-palestinien.
Mais il s’agissait là de montants relativement modestes. Ce sont les organisations caritatives au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, dans lesquelles venait désormais s’incarner l’alliance entre Riyad et l’establishment wahhabite malgré le soutien avéré de celui-ci au djihad mondial, qui allaient principalement financer les groupes extrémistes. Aux Philippines, par exemple, on trouvait à la tête des services de l’International Islamic Relief Organization (IIRO, Organisation du secours islamique international), qui est elle-même une ramification de la Ligue islamique mondiale, le beau-frère de ben Laden, Muhammad Jamal Khalifa ; le renseignement local le soupçonnait de servir de canal financier à l’organisation Abu Sayyaf. Muhammad al-Zawahiri, frère du partenaire égyptien de ben Laden, Ayman al-Zawahiri, allait par la suite travailler pour l’IIRO en Albanie. Un employé bangladais de l’IIRO, Sayed Abu Nasir, dirigeait la cellule – entre-temps démantelée par la police indienne – qui avait l’intention de frapper les consulats américains de Madras et de Calcutta ; ses supérieurs lui auraient expliqué que 40 % à 50 % des dons étaient détournés pour financer les camps d’entraînement en Afghanistan et au Cachemire Cf. Stephen Emerson, Jonathan Levin, « Terrorism Financing :... .
Robert Baer, ancien agent de la CIA, résume : « Quand, au début des années 1980, l’Arabie saoudite décida de financer les moudjahiddin afghans, l’IIRO se révéla parfaite, à la fois canal de financement et instrument plausible de dénégation [8] Cf. Robert Baer, Sleeping with the Devil : How Washington... [8] . » En 2002, les Forces de défense d’Israël mirent au jour une documentation étayant des liens immédiats entre l’IIRO et le Hamas ; l’un des documents, qui remontait à 2000, révélait le détail d’une allocation de 280 000 dollars à quatorze groupes d’assaut [9] Cf. Dore Gold, Hatred’s Kingdom : How Saudi Arabia... [9] . Robert Baer affirme que le prince Salman, alors gouverneur de Riyad et frère du roi Abdallah, gérait d’une main de fer cette sorte de partage des fonds par l’IIRO.
L’IIRO n’était pas la seule organisation caritative que finançaient les Saoudiens. Il y avait aussi la World Assembly of Muslim Youth (WAMY) et la nébuleuse des fondations al-Haramain. Toutes trois sont soupçonnées par divers services de renseignement de financer le terrorisme. L’interrogatoire d’un agent d’al-Qaïda révéla par exemple qu’al-Haramain servait de canal à al-Qaïda dans le Sud-Est asiatique. Mieux, les services de renseignement de la Fédération de Russie accusèrent al-Haramain d’avoir télégraphié des fonds aux Tchétchènes en 1999. Le 2 juin 2004, le Trésor américain parlait d’al-Haramain comme de « l’une des principales ONG islamiques soutenant al-Qaïda et promouvant le militantisme islamiste sur la planète ».
Il serait cependant incorrect de présenter ces organisations comme purement non gouvernementales ou privées, comme le font souvent – à tort – en particulier les commentateurs américains. Leurs conseils de direction sont tous coiffés par un officiel saoudien. Le grand mufti saoudien, qui est également membre du cabinet, préside le Conseil représentatif de la Ligue islamique mondiale. Le ministre des Affaires islamiques préside le secrétariat exécutif de WAMY et le conseil d’administration d’al-Haramain. Des périodiques saoudiens ont détaillé les dons de la famille royale à ces trois organisations. Si l’on en croit les documents juridiques soumis par les conseils saoudiens au sein de la firme Baker Botts lors de la procédure qui suivit le 11 Septembre, le prince Sultan a apporté à l’IIRO 266 000 dollars par an pendant seize ans . Michael Isikoff, Mark Hasenbill, « ALegal Counterattack »,... . Il a également fourni une somme bien moindre à WAMY. Cela ne signifie pas, pour rester équitable, que Sultan finançait délibérément le terrorisme ; cela montre tout simplement que l’Arabie officielle subventionnait ces organisations caritatives : en bref, c’étaient d’authentiques organisations gouvernementales.
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