Le "oui" au référendum sur l'extension des pouvoirs du président Erdogan pourrait être un nouveau coup porté aux négociations sur l'entrée de la Turquie dans l'UE.
Ce n'est pas un plébiscite, mais c'est une "victoire". C'est le président Erdogan qui l'a dit dimanche. Il est sorti du siège de l'AKP, son parti, avec sa femme et a parlé d'une ère nouvelle qui s'ouvrait pour la Turquie. Il y avait plusieurs milliers de personnes qui hurlaient, fous de joie, agitant des drapeaux devant lui.
C'était le soir, après que l'annonce des premiers résultats: plus de 51% des électeurs ont voté pour l'extension de ses pouvoirs. Deux partis d'opposition ont contesté le score mais voilà, Erdogan a revendiqué son triomphe. Et c'est lui le président.
"Les négociations sont déjà gelées"
Une nouvelle ère, donc. Et un homme qui basculerait un peu plus dans l'autocratie. De quoi enterrer les négociations sur l'entrée de la Turquie dans l'UE? "Ça ne change pas grand chose", assure Didier Billion, spécialiste de la Turquie à l'Institut de Relations internationales et Stratégiques (Iris). "Les négociations sont gelées de facto depuis longtemps", explique-t-il, assurant que ce référendum n'est qu'un coup de plus. "Ce qui est sûr, c'est que ça va devenir encore plus compliqué de discuter avec un pays dont le pouvoir est entre les mains d'un seul homme" poursuit le chercheur
C'est aussi ce que pensent certains candidats à la présidentielle. "Avec un régime qui prend ces décisions-là, il n'y aura aucune avancée de l'adhésion à l'Union européenne", a fustigé Emmanuel Macron ce lundi. Pour Benoît Hamon, le président turc est "trop peu coopératif" pour envisager une intégration.
Un risque de rupture réelle
Mais ce qui inquiète surtout, c'est la dernière sortie du président Erdogan. C'était juste après l'annonce de sa "victoire", dimanche. Devant une foule en délire criant "peine de mort", il a évoqué la possibilité d'organiser un référendum sur le retour de la peine capitale. Ce qui serait "rédhibitoire", explique Didier Billion. "Là, il y a un risque réel de rupture", selon le chercheur. Car si "les deux parties ne se rencontrent plus depuis longtemps dans les faits", le rétablissement de la peine de mort signerait la fin juridique des négociations.
Dès lors, une question se pose. La Turquie veut-elle adhérer à l'UE? Erdogan en a-t-il la volonté? On l'a vu, ses récentes déclarations attisent les tensions. Dernièrement, il y a eu ces menaces de laisser passer les migrants, ces meetings annulés en Europe et puis la comparaison des Pays-Bas à un "régime nazi". Pas sûr que le président turc souhaite réellement devenir le 29e pays de l'Union. "Mais au-delà des postures, il y a des choses concrètes: 40% des importations et exportations de la Turquie se font avec l'UE. C'est la réalité des faits", rappelle Didier Billion. Surtout que le patronnât turc, lui, "sait où sont ses intérêts".
Il y a autre chose, c'est l'accord sur les migrants. L'Union européenne alloue six milliards d'euros à la Turquie pour qu'elle retienne les réfugiés syriens. En contrepartie, l'Europe a accéléré la levée des visas pour les ressortissants turcs. "Les intérêts sont mutuels", estime Didier Billion.
Les arguments pour
Et du côté des États européens? Qui soutient l'adhésion de la Turquie? C'est simple, il n'y a en a qu'un: le Royaume-Uni, "qui a toujours été défavorable à une union politique et favorable à l'élargissement le plus vaste. Mais c'est aussi le seul pays à vraiment saisir l'importance géostratégique de la Turquie. Même les Français ont du mal à l'entendre", tranche Didier Boullion. Ironie de l'histoire, le Brexit est passé par là et les Britanniques ne pourront pas défendre la cause turque au sein de l'UE.
Pourtant, les arguments ne manquent pas, estime le chercheur. "Si l'Europe veut avoir un rôle sur la scène internationale, elle doit trouver des systèmes d'alliance. La Turquie est incontournable pour la stabilité dans la région", assure Didier Billion. Et puis il y a un autre argument, économique: la Turquie, "c'est 80 millions de consommateurs", fait-il remarquer. Surtout, le pays dispose d'une population jeune et bien formée. "On peut établir des partenariats sans voir déferler des millions de Turcs dans nos pays", défend le chercheur. *
Une incapacité à s'entendre
Le problème de l'adhésion de la Turquie à l'UE ne date pas d'hier. Les négociations ont commencé en 2005, mais les relations se sont dégradées petit à petit. "On est tombé dans un dialogue de sourds", tacle Didier Billion. "Ce que disent les Turcs n'est pas écouté. Il y a une incapacité des deux côtés à entendre les arguments de l'autre", ajoute-t-il. "A ce rythme-là, la Turquie entrera dans l'UE en 3128", ironise-t-il encore, avant d'aller plus loin. "Il est clair que l'adhésion de la Turquie à l'UE n'a plus aucun sens dans ce contexte. Ce n'est pas réaliste à court ni moyen terme. Il faut refonder complètement les relations", affirme le chercheur, qui avait pourtant pris position pour l'entrée du pays l'Union politique et économique.
l'express fr
Ce n'est pas un plébiscite, mais c'est une "victoire". C'est le président Erdogan qui l'a dit dimanche. Il est sorti du siège de l'AKP, son parti, avec sa femme et a parlé d'une ère nouvelle qui s'ouvrait pour la Turquie. Il y avait plusieurs milliers de personnes qui hurlaient, fous de joie, agitant des drapeaux devant lui.
C'était le soir, après que l'annonce des premiers résultats: plus de 51% des électeurs ont voté pour l'extension de ses pouvoirs. Deux partis d'opposition ont contesté le score mais voilà, Erdogan a revendiqué son triomphe. Et c'est lui le président.
"Les négociations sont déjà gelées"
Une nouvelle ère, donc. Et un homme qui basculerait un peu plus dans l'autocratie. De quoi enterrer les négociations sur l'entrée de la Turquie dans l'UE? "Ça ne change pas grand chose", assure Didier Billion, spécialiste de la Turquie à l'Institut de Relations internationales et Stratégiques (Iris). "Les négociations sont gelées de facto depuis longtemps", explique-t-il, assurant que ce référendum n'est qu'un coup de plus. "Ce qui est sûr, c'est que ça va devenir encore plus compliqué de discuter avec un pays dont le pouvoir est entre les mains d'un seul homme" poursuit le chercheur
C'est aussi ce que pensent certains candidats à la présidentielle. "Avec un régime qui prend ces décisions-là, il n'y aura aucune avancée de l'adhésion à l'Union européenne", a fustigé Emmanuel Macron ce lundi. Pour Benoît Hamon, le président turc est "trop peu coopératif" pour envisager une intégration.
Un risque de rupture réelle
Mais ce qui inquiète surtout, c'est la dernière sortie du président Erdogan. C'était juste après l'annonce de sa "victoire", dimanche. Devant une foule en délire criant "peine de mort", il a évoqué la possibilité d'organiser un référendum sur le retour de la peine capitale. Ce qui serait "rédhibitoire", explique Didier Billion. "Là, il y a un risque réel de rupture", selon le chercheur. Car si "les deux parties ne se rencontrent plus depuis longtemps dans les faits", le rétablissement de la peine de mort signerait la fin juridique des négociations.
Dès lors, une question se pose. La Turquie veut-elle adhérer à l'UE? Erdogan en a-t-il la volonté? On l'a vu, ses récentes déclarations attisent les tensions. Dernièrement, il y a eu ces menaces de laisser passer les migrants, ces meetings annulés en Europe et puis la comparaison des Pays-Bas à un "régime nazi". Pas sûr que le président turc souhaite réellement devenir le 29e pays de l'Union. "Mais au-delà des postures, il y a des choses concrètes: 40% des importations et exportations de la Turquie se font avec l'UE. C'est la réalité des faits", rappelle Didier Billion. Surtout que le patronnât turc, lui, "sait où sont ses intérêts".
Il y a autre chose, c'est l'accord sur les migrants. L'Union européenne alloue six milliards d'euros à la Turquie pour qu'elle retienne les réfugiés syriens. En contrepartie, l'Europe a accéléré la levée des visas pour les ressortissants turcs. "Les intérêts sont mutuels", estime Didier Billion.
Les arguments pour
Et du côté des États européens? Qui soutient l'adhésion de la Turquie? C'est simple, il n'y a en a qu'un: le Royaume-Uni, "qui a toujours été défavorable à une union politique et favorable à l'élargissement le plus vaste. Mais c'est aussi le seul pays à vraiment saisir l'importance géostratégique de la Turquie. Même les Français ont du mal à l'entendre", tranche Didier Boullion. Ironie de l'histoire, le Brexit est passé par là et les Britanniques ne pourront pas défendre la cause turque au sein de l'UE.
Pourtant, les arguments ne manquent pas, estime le chercheur. "Si l'Europe veut avoir un rôle sur la scène internationale, elle doit trouver des systèmes d'alliance. La Turquie est incontournable pour la stabilité dans la région", assure Didier Billion. Et puis il y a un autre argument, économique: la Turquie, "c'est 80 millions de consommateurs", fait-il remarquer. Surtout, le pays dispose d'une population jeune et bien formée. "On peut établir des partenariats sans voir déferler des millions de Turcs dans nos pays", défend le chercheur. *
Une incapacité à s'entendre
Le problème de l'adhésion de la Turquie à l'UE ne date pas d'hier. Les négociations ont commencé en 2005, mais les relations se sont dégradées petit à petit. "On est tombé dans un dialogue de sourds", tacle Didier Billion. "Ce que disent les Turcs n'est pas écouté. Il y a une incapacité des deux côtés à entendre les arguments de l'autre", ajoute-t-il. "A ce rythme-là, la Turquie entrera dans l'UE en 3128", ironise-t-il encore, avant d'aller plus loin. "Il est clair que l'adhésion de la Turquie à l'UE n'a plus aucun sens dans ce contexte. Ce n'est pas réaliste à court ni moyen terme. Il faut refonder complètement les relations", affirme le chercheur, qui avait pourtant pris position pour l'entrée du pays l'Union politique et économique.
l'express fr
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