le 10 décembre 2015
La vérité sur le wahhabisme : des Saoud à Daech, par Youssef Hindi
Youssef Hindi est écrivain et historien de l’eschatologie messianique. Il est l’auteur de « Occident et Islam – Sources et genèse messianiques du sionisme. De l’Europe médiévale au Choc des civilisations » (éditions Sigest), dans lequel il révèle les origines mystiques, jusqu’ici méconnues, du sionisme et de la doctrine stratégique du Choc des civilisations. Vous pouvez le retrouver dans notre émission Guerre & Paix sur le thème de l’Etat Islamique.
Récemment les médias occidentaux ont opéré un tournant radical à propos du wahhabisme. Ils en parlent ouvertement, alors que jusqu’ici ils faisaient silence sur cette doctrine. Cela signifie que les USA s’apprêtent à lâcher l’Arabie Saoudite et le Qatar. Cela fait des mois que je dis publiquement que l’Arabie Saoudite va bientôt imploser…
Le présent texte est une clarification s’appuyant sur de solides et incontestables documents et faits historiques ; loin du storytelling saoudien. Il s’est imposée à moi après qu’un certain nombre de jeunes musulmans, ayant acquis une éducation religieuse et des certitudes sur youtube, m’aient réclamé des preuves quant à ce que j’avançais à propos de l’histoire et de la doctrine wahhabite, dont ils ignorent apparemment tout, s’accrochant à la fable que les wahhabites leur racontent, à savoir que Mohamed Ibn Abd al-Wahhab aurait revivifié la religion musulmane, qu’il aurait été un fondamentaliste ayant appelé les musulmans à revenir au véritable Islam.
Je ne reviendrai pas ici sur l’alliance fondatrice entre Mohamed Ibn Abd al-Wahhab et la tribu des Saoud, les différentes phases d’expansion des wahhabo-saoudiens (du milieu du XVIIIe siècle à l’instauration du dernier royaume saoudite en 1932), les grands massacres qui les ont accompagnés[1] – qui ont servi de modèle à l’Armée syrienne libre (ASL), al-Nosra (al-Qaïda) et Daech… –, le soutien que les wahhabo-saoudiens ont reçu des Britanniques, puis des Etasuniens, combiné au sponsoring des pétrodollars, dans le but de faire de la doctrine wahhabite la nouvelle orthodoxie de l’Islam. Sans oublier la façon dont les réformistes de l’Islam, les disciples de Mohamed Abduh, dont Rachid Ridha (le maître de Hassan al-Banna), ont au préalable promu et légitimé, avec l’argent des Saoud, le wahhabisme dans les pays arabes.
Occident & Islam V2Tout ceci je l’ai exposé dans mon ouvrage Occident et Islam – Sources et genèse messianiques du sionisme, en replaçant dans une perspective historique, eschatologique et géopolitique, le rôle du wahhabisme et du réformisme islamique, dont l’origine est, comme je l’ai expliqué, messianique.
Je me limiterai ici aux débuts du wahhabisme, à sa doctrine et à l’attitude des grands savants et muftis contemporains de Mohamed Ibn Abd al-Wahhab, afin de livrer un point de vu exclusivement islamique sur le wahhabisme.
Mohamed Ibn Abd al-Wahhab[2] (1703-1792) est issu d’une famille de savants ; son père, Abd al-Wahhab, était un juge respecté auprès duquel il apprit les bases de la théologie, mais avant qu’il ne termine le cursus, il quitte sa terre natale (le Nadjd) afin de trouver des maîtres auprès desquels il pourrait étudier. Il se rend d’abord dans le Hedjaz (région de la Mecque et de Médine), revient chez lui avant de partir en Irak, à Bassora (ville majoritairement chiite). Après un séjour de quatre années, vers 1727, il en est expulsé, et retourne dans le Nadjd, dans la province de Huraymala, où se trouve son père.
Vers 1740 il rédige son plus célèbre ouvrage : Le livre de l’unicité divine (qui fait seulement 50 pages), et décide de prêcher publiquement, mais son père l’en empêche ; nous comprendrons par la suite pourquoi. Par ailleurs, la tradition voulait que le fils ainé du juge lui succède, or, le père de Mohamed Ibn Abd al-Wahhab nomme à sa place son frère cadet, Suleyman, qui succède donc au père au poste de juge. De fait, Mohamed Ibn Abd al-Wahhab est désavoué par son père.
Si vous voulez comme Olivier Cromwell (1599-1658) ou Ibn Abd al-Wahhab, imposer une nouvelle idéologie pour subvertir une religion majoritaire et bien établie, vous devez commencer par vous présenter comme étant un fondamentaliste – au sens du retour à la pureté originelle –, et dans le même temps, pointer du doigt vos « coreligionnaires » comme étant déviants au regard des fondements de la religion dont vous prétendez être le revivificateur et le représentant.
l-unicite-de-dieuC’est précisément ce qu’a fait Ibn Abd al-Wahhab. Dans son ouvrage, Le livre de l’unicité divine – pauvre du point de vu intellectuel et théologique – il énonce des banalités relatives à l’unicité divine, dogme fondamental de la foi monothéiste dont tout musulman d’hier et d’aujourd’hui est familier. Mais le but du livre d’Ibn Abd al-Wahhab n’était pas, comme il le prétendait, de rétablir les fondements de la foi que les musulmans auraient oublié, mais plutôt, les accuser d’être des associateurs, des impies et des mécréants, avec pour objectif de leur imposer sa doctrine.
Il accusera ouvertement les musulmans d’Arabie et des régions avoisinantes d’être des païens, des adorateurs des saints et de leurs tombeaux.
Dès lors, en 1740, il commence à envoyer des lettres à ses partisans comme à ses ennemis et aux musulmans dans leur généralité. Ces lettres, dont je livre ci-dessous un extrait, comportent des menaces à peine voilées ainsi que l’ombre de l’excommunication (takfir) :
« La croyance dominante en la sainteté (il fait allusion aux saints que des musulmans vénéraient) et en des choses semblables est de l’associationnisme. Si vous en êtes convaincus, vous devrez savoir aussi que ceux qui disent que nous ferions mieux de cesser d’accuser les gens d’impiété et de leur faire la guerre se trompent. Nous vous conseillons seulement de connaître et d’appliquer la religion de Dieu et de son Prophète, si tant est que vous apparteniez à la communauté de Muhammad. »[3]
Dans ces quelques lignes, il accuse l’ensemble des musulmans d’associationnisme (shirk) et d’impiété, et les menaces de leur faire la guerre s’ils ne se soumettent pas à lui.
Or, le Prophète Muhammad a dit (hadith notoire et authentique) :
« Ma communauté ne tombera jamais d’accord sur une erreur. »
Par conséquent, Mohamed Ibn Abd al-Wahhab, conformément à ce hadith, ne pouvait être dans la voie de la Vérité et les musulmans dans l’erreur.
Le mouvement que l’on appelle aujourd’hui takfiri, vient précisément de cette doctrine de l’excommunication érigée par le bédouin Ibn Abd al-Wahhab. Takfir signifie excommunier ; le mouvement takfiri excommunie toute personne qui ne partage pas les idées du wahhabisme, ce qui justifie d’après eux l’exécution de « l’impie ». Une arme politique aussi cruelle qu’efficace.
Mais le Prophète Muhammad a déclaré au sujet de celui qui dit d’un musulman qu’il est mécréant :
« Lorsqu’un musulman dit de son frère qu’il est mécréant, l’un des deux l’est nécessairement. Si l’homme est tel qu’il l’a décrit, il sera traité comme tel, sinon l’accusation se retournera contre lui (celui qui l’a prononcée) »[4]
La combinaison de ces deux seuls hadith du Prophète suffirait pour conclure qu’Ibn Abd al-Wahhab était un mécréant. Ce qui va dans le sens des avis de la totalité des savants de son époque qui se sont prononcés sur son cas (j’y viendrai plus bas).
Dans une de ses lettres, Ibn Abd al-Wahhab expose son système d’excommunication et désigne ceux qui sont visés par l’accusation d’impiété. D’une façon assez habile mais sans aucune base théologico-juridique, il élargi le champs de l’excommunication à tous ceux qui ne partagent pas son avis :
« Celui qui connaît l’unicité divine et n’agit pas en conséquence est un infidèle, obstiné comme le Pharaon ou Satan. Et celui qui innocente le coupable d’un tel acte, qu’il s’agisse des Anciens ou des impies de notre époque, est lui-même un infidèle ! Ils sont tous coupables de la grande impiété, c’est-à-dire de l’associationnisme. »[5]
bn Abd al-Wahhab intègre à l’associationnisme toute une série d’actes qu’il juge impies et ne laisse aucune échappatoire au musulman « coupable », sinon celle de l’excommunication.
La vérité sur le wahhabisme : des Saoud à Daech, par Youssef Hindi
Youssef Hindi est écrivain et historien de l’eschatologie messianique. Il est l’auteur de « Occident et Islam – Sources et genèse messianiques du sionisme. De l’Europe médiévale au Choc des civilisations » (éditions Sigest), dans lequel il révèle les origines mystiques, jusqu’ici méconnues, du sionisme et de la doctrine stratégique du Choc des civilisations. Vous pouvez le retrouver dans notre émission Guerre & Paix sur le thème de l’Etat Islamique.
Récemment les médias occidentaux ont opéré un tournant radical à propos du wahhabisme. Ils en parlent ouvertement, alors que jusqu’ici ils faisaient silence sur cette doctrine. Cela signifie que les USA s’apprêtent à lâcher l’Arabie Saoudite et le Qatar. Cela fait des mois que je dis publiquement que l’Arabie Saoudite va bientôt imploser…
Le présent texte est une clarification s’appuyant sur de solides et incontestables documents et faits historiques ; loin du storytelling saoudien. Il s’est imposée à moi après qu’un certain nombre de jeunes musulmans, ayant acquis une éducation religieuse et des certitudes sur youtube, m’aient réclamé des preuves quant à ce que j’avançais à propos de l’histoire et de la doctrine wahhabite, dont ils ignorent apparemment tout, s’accrochant à la fable que les wahhabites leur racontent, à savoir que Mohamed Ibn Abd al-Wahhab aurait revivifié la religion musulmane, qu’il aurait été un fondamentaliste ayant appelé les musulmans à revenir au véritable Islam.
Je ne reviendrai pas ici sur l’alliance fondatrice entre Mohamed Ibn Abd al-Wahhab et la tribu des Saoud, les différentes phases d’expansion des wahhabo-saoudiens (du milieu du XVIIIe siècle à l’instauration du dernier royaume saoudite en 1932), les grands massacres qui les ont accompagnés[1] – qui ont servi de modèle à l’Armée syrienne libre (ASL), al-Nosra (al-Qaïda) et Daech… –, le soutien que les wahhabo-saoudiens ont reçu des Britanniques, puis des Etasuniens, combiné au sponsoring des pétrodollars, dans le but de faire de la doctrine wahhabite la nouvelle orthodoxie de l’Islam. Sans oublier la façon dont les réformistes de l’Islam, les disciples de Mohamed Abduh, dont Rachid Ridha (le maître de Hassan al-Banna), ont au préalable promu et légitimé, avec l’argent des Saoud, le wahhabisme dans les pays arabes.
Occident & Islam V2Tout ceci je l’ai exposé dans mon ouvrage Occident et Islam – Sources et genèse messianiques du sionisme, en replaçant dans une perspective historique, eschatologique et géopolitique, le rôle du wahhabisme et du réformisme islamique, dont l’origine est, comme je l’ai expliqué, messianique.
Je me limiterai ici aux débuts du wahhabisme, à sa doctrine et à l’attitude des grands savants et muftis contemporains de Mohamed Ibn Abd al-Wahhab, afin de livrer un point de vu exclusivement islamique sur le wahhabisme.
Mohamed Ibn Abd al-Wahhab[2] (1703-1792) est issu d’une famille de savants ; son père, Abd al-Wahhab, était un juge respecté auprès duquel il apprit les bases de la théologie, mais avant qu’il ne termine le cursus, il quitte sa terre natale (le Nadjd) afin de trouver des maîtres auprès desquels il pourrait étudier. Il se rend d’abord dans le Hedjaz (région de la Mecque et de Médine), revient chez lui avant de partir en Irak, à Bassora (ville majoritairement chiite). Après un séjour de quatre années, vers 1727, il en est expulsé, et retourne dans le Nadjd, dans la province de Huraymala, où se trouve son père.
Vers 1740 il rédige son plus célèbre ouvrage : Le livre de l’unicité divine (qui fait seulement 50 pages), et décide de prêcher publiquement, mais son père l’en empêche ; nous comprendrons par la suite pourquoi. Par ailleurs, la tradition voulait que le fils ainé du juge lui succède, or, le père de Mohamed Ibn Abd al-Wahhab nomme à sa place son frère cadet, Suleyman, qui succède donc au père au poste de juge. De fait, Mohamed Ibn Abd al-Wahhab est désavoué par son père.
Si vous voulez comme Olivier Cromwell (1599-1658) ou Ibn Abd al-Wahhab, imposer une nouvelle idéologie pour subvertir une religion majoritaire et bien établie, vous devez commencer par vous présenter comme étant un fondamentaliste – au sens du retour à la pureté originelle –, et dans le même temps, pointer du doigt vos « coreligionnaires » comme étant déviants au regard des fondements de la religion dont vous prétendez être le revivificateur et le représentant.
l-unicite-de-dieuC’est précisément ce qu’a fait Ibn Abd al-Wahhab. Dans son ouvrage, Le livre de l’unicité divine – pauvre du point de vu intellectuel et théologique – il énonce des banalités relatives à l’unicité divine, dogme fondamental de la foi monothéiste dont tout musulman d’hier et d’aujourd’hui est familier. Mais le but du livre d’Ibn Abd al-Wahhab n’était pas, comme il le prétendait, de rétablir les fondements de la foi que les musulmans auraient oublié, mais plutôt, les accuser d’être des associateurs, des impies et des mécréants, avec pour objectif de leur imposer sa doctrine.
Il accusera ouvertement les musulmans d’Arabie et des régions avoisinantes d’être des païens, des adorateurs des saints et de leurs tombeaux.
Dès lors, en 1740, il commence à envoyer des lettres à ses partisans comme à ses ennemis et aux musulmans dans leur généralité. Ces lettres, dont je livre ci-dessous un extrait, comportent des menaces à peine voilées ainsi que l’ombre de l’excommunication (takfir) :
« La croyance dominante en la sainteté (il fait allusion aux saints que des musulmans vénéraient) et en des choses semblables est de l’associationnisme. Si vous en êtes convaincus, vous devrez savoir aussi que ceux qui disent que nous ferions mieux de cesser d’accuser les gens d’impiété et de leur faire la guerre se trompent. Nous vous conseillons seulement de connaître et d’appliquer la religion de Dieu et de son Prophète, si tant est que vous apparteniez à la communauté de Muhammad. »[3]
Dans ces quelques lignes, il accuse l’ensemble des musulmans d’associationnisme (shirk) et d’impiété, et les menaces de leur faire la guerre s’ils ne se soumettent pas à lui.
Or, le Prophète Muhammad a dit (hadith notoire et authentique) :
« Ma communauté ne tombera jamais d’accord sur une erreur. »
Par conséquent, Mohamed Ibn Abd al-Wahhab, conformément à ce hadith, ne pouvait être dans la voie de la Vérité et les musulmans dans l’erreur.
Le mouvement que l’on appelle aujourd’hui takfiri, vient précisément de cette doctrine de l’excommunication érigée par le bédouin Ibn Abd al-Wahhab. Takfir signifie excommunier ; le mouvement takfiri excommunie toute personne qui ne partage pas les idées du wahhabisme, ce qui justifie d’après eux l’exécution de « l’impie ». Une arme politique aussi cruelle qu’efficace.
Mais le Prophète Muhammad a déclaré au sujet de celui qui dit d’un musulman qu’il est mécréant :
« Lorsqu’un musulman dit de son frère qu’il est mécréant, l’un des deux l’est nécessairement. Si l’homme est tel qu’il l’a décrit, il sera traité comme tel, sinon l’accusation se retournera contre lui (celui qui l’a prononcée) »[4]
La combinaison de ces deux seuls hadith du Prophète suffirait pour conclure qu’Ibn Abd al-Wahhab était un mécréant. Ce qui va dans le sens des avis de la totalité des savants de son époque qui se sont prononcés sur son cas (j’y viendrai plus bas).
Dans une de ses lettres, Ibn Abd al-Wahhab expose son système d’excommunication et désigne ceux qui sont visés par l’accusation d’impiété. D’une façon assez habile mais sans aucune base théologico-juridique, il élargi le champs de l’excommunication à tous ceux qui ne partagent pas son avis :
« Celui qui connaît l’unicité divine et n’agit pas en conséquence est un infidèle, obstiné comme le Pharaon ou Satan. Et celui qui innocente le coupable d’un tel acte, qu’il s’agisse des Anciens ou des impies de notre époque, est lui-même un infidèle ! Ils sont tous coupables de la grande impiété, c’est-à-dire de l’associationnisme. »[5]
bn Abd al-Wahhab intègre à l’associationnisme toute une série d’actes qu’il juge impies et ne laisse aucune échappatoire au musulman « coupable », sinon celle de l’excommunication.
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