en hommage à une amie,
Si tu peux…
Si tu peux voir détruit l'ouvrage de ta vie,
Et, sans dire un seul, te mettre à rebâtir,
Ou perdre en un instant le gain de cent parties,
Sans un geste et sans un seul soupir.
Si tu peux être amant sans être fou d'amour,
Si tu peux être fort sans cesser d'être tendre,
Et, te sentant haï sans haïr à ton tour,
Pourtant lutter et te défendre,
Si tu peux supporter d'entendre tes paroles
Travesties par des gueux pour exciter des sots,
Et d'entendre mentir sur toi leurs bouches folles
Sans mentir toi-même d'un mot;
Si tu peux rester digne en étant populaire,
Si tu peux rester peuple en conseillant les rois,
Et si tu peux aimer tous tes amis en frères,
Sans qu'aucun d'eux soit tout pour toi,
Si tu peux observer, méditer et connaître
Sans jamais devenir sceptique ou destructeur
Rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maître,
Penser sans n'être qu'un penseur;
Si tu peux être dur sans jamais être en rage,
Si tu peux être brave et jamais imprudent,
Si tu peux être bon, si tu sais être sage,
Sans être moral ni pédant;
Si tu peux rencontrer triomphe après défaite,
Et revoir les deux menteurs d'un même front,
Si tu peux conserver ton courage et ta tête
Quand tous les autres les perdront
Alors les rois, les dieux, la chance et la victoire
Seront à tout jamais tes esclaves soumis;
Enfin, ce qui vaut mieux que les rois et la gloire,
Tu seras un homme, mon fils.
Rudyard Kipling.
Traduit par : André Maurois.
Si tu peux…
Si tu peux voir détruit l'ouvrage de ta vie,
Et, sans dire un seul, te mettre à rebâtir,
Ou perdre en un instant le gain de cent parties,
Sans un geste et sans un seul soupir.
Si tu peux être amant sans être fou d'amour,
Si tu peux être fort sans cesser d'être tendre,
Et, te sentant haï sans haïr à ton tour,
Pourtant lutter et te défendre,
Si tu peux supporter d'entendre tes paroles
Travesties par des gueux pour exciter des sots,
Et d'entendre mentir sur toi leurs bouches folles
Sans mentir toi-même d'un mot;
Si tu peux rester digne en étant populaire,
Si tu peux rester peuple en conseillant les rois,
Et si tu peux aimer tous tes amis en frères,
Sans qu'aucun d'eux soit tout pour toi,
Si tu peux observer, méditer et connaître
Sans jamais devenir sceptique ou destructeur
Rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maître,
Penser sans n'être qu'un penseur;
Si tu peux être dur sans jamais être en rage,
Si tu peux être brave et jamais imprudent,
Si tu peux être bon, si tu sais être sage,
Sans être moral ni pédant;
Si tu peux rencontrer triomphe après défaite,
Et revoir les deux menteurs d'un même front,
Si tu peux conserver ton courage et ta tête
Quand tous les autres les perdront
Alors les rois, les dieux, la chance et la victoire
Seront à tout jamais tes esclaves soumis;
Enfin, ce qui vaut mieux que les rois et la gloire,
Tu seras un homme, mon fils.
Rudyard Kipling.
Traduit par : André Maurois.
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