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  • Risk n est plus là, servez vous un café et prenez le temps de vous inspirer de ce fabuleux récit de et écrit par Risk






    Titre : il pleut sur mon école


    Ma mémoire me fait souvent défaut, elles sont nombreuses les fois où je me ridiculise devant des proches face auxquels je soutiens mordicus que tel ou tel événement s’est déroulé de telle ou telle manière, allant jusqu’à décrire en détail des goûts, des odeurs, des sensations que j’avais ressentis avant de m’apercevoir que je n’ai jamais vécu ces événements ou que j’avais piqué le rôle du héros à un autre, mais il y a des souvenirs que je suis certain d’avoir vécu, immuables, il m’arrive de les revivre comme s’ils venaient de se produire.

    Cette matinée du milieux des années 90 était très fraîche, le soleil commençait à peindre de sa lumière les murs de la classe, aux travers des fenêtres entre-ouvertes aux vitres peintes à moitié, notre mou3allima, assise derrière son bureau nous expliquait de quoi les abeilles se nourrissaient, je ne devais pas être très attentif à la leçon puisque je regardais en direction de la porte, perdu dans mes pensées, je rêvais du moment où je pouvais la franchir et me précipiter vers la sortie de l’école, lorsqu’il la sonnette m’autorisant à le faire retentira, pour débouler la descente qui me séparait de mon chez moi et de la télévision qui allait me régaler des quelques dessins animés, programmés à l’époque chaque midi, juste après la diffusion de la récitation du coran et de 9assamen. Je demeurais ainsi, ailleurs, jusqu’à ce que j’entendis des coups feu, une petite série de crépitements très puissants immédiatement accompagnée par d’autres plus longues qui venaient de partout autour de nous, je restais abasourdi par le spectacle sonore lorsque'au milieu du vacarme, subitement devenu assourdissant, je perçus une voix hystérique et stridente qui m’arracha de ma torpeur, notre institutrice nous hurlait de toutes ses forces de nous coucher tandis qu’elle-même plongeait sous son bureau.

    Tous les élèves se jetèrent sur le sol, et les coups de feux augmentaient en intensité, comme lors de la fête du mouloud, il n’y avait presque pas de moment de répit, quelques-uns de mes camarades d’à côté laissaient éclater des sanglots étouffés, je tournai la tête et aperçu deux de mes camarades qui étaient derrière ma table entrain de rire, je me mis à rire à mon tour lorsqu’ils regardèrent vers moi pour prouver que comme eux, je n’avais pas peur alors que j’étais terrorisé.

    Nous sommes est restés ainsi, tous allongés par terre de longues minutes, ceux qui était les proches de la porte pleuraient, disant qu’ils allaient être les premiers à mourir, quand le calme est revenue subitement, mais lorsqu’on croyais que ca s’était terminé, les coups reprenaient, je me souviens que j’avais trouvé les bruits de ces coups de feu différents de ce que j’avais l’habitude d’entendre dans les films, moins impressionnants, semblables aux bruits que faisaient les pétards qu’on jetait dans les boites à lettres des voisins.


    A aucun moment je n’avais pensé à mes deux sœurs, l’une était en 2ème année primaire, l’autre en 7ème année au C.E.M qui se trouvait à limite sud de la cité, je savais que quelque chose de grave se produisait, que des terroristes, ceux qui semaient la mort derrière eux, ceux qui étaient capable des pires atrocités, des massacres que je voyais à la télé malgré les deux mains de mon père collées sur mes yeux, étaient tout près, ils attaquaient notre école primaire, ils voulaient nous tuer tous parce qu’ils aimaient ca, tuer, ôter la vie, ils aimaient aussi le spectacle du sang répandu sur le sol, ils venaient la nuit pendant que tout le monde dormait, et arrachaient les gens de leur sommeil pour les égorger, l’un après l’autre, j’en faisais des cauchemars, même éveillé, surtout depuis une certaine date.

    Durant mon enfance, une obsession s’était emparée de moi, une question à laquelle je n’osais apporter de réponses tant je devinais l’horreur qu’elles pourraient susciter en moi, j’essayais de la chasser de mon esprit, cette idée, mais plus on veut s’empêcher de penser à quelque chose, plus on y se rappelle qu’il faut l’oublier et on finit par l’imprimer dans notre esprit, s’en rappeler constamment, plus que les choses qu’on voulait garder en mémoire. Je ne pouvais résister aux assauts répétés et incessants de cette obsession, qui me jetait brutalement, à n’importe quel moment de mes journées, vers une terreur indescriptible. Je me demandais sans cesse à quoi pouvaient ressembler les derniers moments de quelqu’un sur le point de passer sous le couteau des terroristes, j’essayais malgré moi de m’imaginer sa détresse, le désespoir absolu qu’il ressentait en attendant son tour, me projetant même à sa place.


    Aurait-t-il eu à un moment ou un autre l’espoir d’en réchapper ? Après avoir assisté, impuissant, à la mise à mort implacable et méticuleuse de ses enfants, ses parents, ou son épouse, les voir se tordre violemment dans leur propre sang, et leur gémissements ! leurs regards !, ils l’appelleraient à l’aide de leur voix mourante et lui pris de terreur, paralysé, sous l’emprise ferme et suintant la transpiration de… d’Hommes ! Qui rigolent, qui discutent « organisation » et « technicité » ! … ca y est, je rechute, je m’arrête là, je prends la corde et remonte à la surface, je suis face à mon clavier entrain d’honorer une promesse faite suite à une charmante invitation, je viens de comprendre, à l’instant, pourquoi j’ai tant de mal avec l’Aïd el Kebir.


    Les coups de feu avaient cessés de hurler autour de nous, le silence était total, même les arbres se balançaient en silence, quelques élèves voulaient se relever mais l’institutrice leur ordonnait de rester couchés, c’est alors qu’on entendit des voix depuis les fenêtres entre-ouvertes, des voix d’hommes, bien rauques mais inquiétantes, l’un fit irruption dans notre classe, il était grand, en treillis militaire et arme à la main, il nous hurlait de nous enfuir en soulevant violemment par le bras l’élève le plus proche de lui, l’institutrice se rua alors vers les deux fillettes assises à la première table en face de son bureau, les tira par leur blouses et les mis debout, voyant qu’elles étaient incapables de tenir sur leurs pieds, elles les prit dans ses bras et courra les confier au soldat, le fuseau gris clair de l’une des gamines était trempé à l’entrejambe, ca lui a valu des moqueries quelques jours plus tard.

    L’institutrice nous cria de sortir en vitesse et nous nous relevâmes aussitôt pour nous amasser devant la porte de la quelle la silhouette du djoundi venait de disparaître, dans la cour, j’enchainais les pas difficilement avec la sensation que mes genoux étaient mous, faits de coton, je craignais de flancher, de me retrouver à terre et de finir sous les semelles des dizaines d’élèves se précipitant vers la sortie, je jetai pendant ma course maladroite un furtif coup d’œil vers le drapeau national, planté au milieu de la grande cour, indifférent.
    Sur le point d’atteindre la sortie de l’école, je vis un autre militaire en train d’asséner des coups de godasses au portail qui résistait péniblement, le directeur le suppliait d’arrêter, le portail s’écoula dans un fracas, je le franchis, imperturbable.

    Maintenant, J’étais dehors, je continuais de courir, revigoré par la vision de notre immeuble au loin, sentant la force regagner mes genoux, je me lançai à toutes jambes, aidé par la pente raide qui menait vers les deux rangées d’immeubles et au milieu desquelles je devais passer avant d’atteindre la deuxième pente, encore plus raide, je courrai comme je ne l’avais jamais fait de toute ma courte vie, au moment d’atteindre la 2ème pente les coups de feu reprirent violemment, un déluge de crépitements, qui semblaient venir de toutes les directions, je ressentait une douleur au ventre, mes genoux étaient redevenus mous, je flanchais, je distinguais au milieu du bruit de la grêle les hurlements de femmes et d’enfants, des gamins étaient par terre, d’autres leur marchaient dessus, à un moment, voyant que je ne pouvais plus me tenir debout, je me mis à la recherche d’un refuge où m’abriter alors que je me faisait bousculer par les gosses entrain de courir dans une folie indescriptible, j’aperçus l’énorme bloc de béton duquel on avait l’habitude de sauter avec mes amis, mais il était trop loin et je n’avais pas le courage de sortir du groupe, alors, je suis resté immobile, accroupi au milieu des gens entrain de courir, lorsque......


    je reconnu le visage de maman.



    Elle fonçait vers moi, se frayant un chemin dans le déluge d’enfants, avant que je ne me lève elle était déjà en train de passer sa main sur mon corps en me demandant, toute paniquée, si je n’avais rien, sans attendre la réponse elle me cria à l’oreille « cours vers la maison !!, je vais chercher ta sœur » et elle fonça pieds nus, dans le tas de gosses horrifiés tandis que la grêle assourdissante déchirait le ciel, je me relevai et me mis à courir en direction de notre immeuble après deux ou trois pas je me retournai pour la chercher des yeux sans pouvoir l’apercevoir, je me rappelle juste que je vis un hélicoptère survoler la partie de la cité à coté de l’école.

    La porte était grande ouverte et la maison vide, j’allai immédiatement vers la fenêtre et je pu avoir une vision pleine du spectacle, des gens courir dans tous les sens, les 4x4 des gendarmes fusant vers l’école, rugissant et laissant trainer d’énormes nuages de poussière sous les crépitements continu des coups de feu, qui retentissaient d’un endroit, puis d’un autre comme lors d’une dispute, et parfois, depuis plusieurs endroits à la fois, ma mère apparue alors, traversant la rue séparant notre bloc de son voisin, elle portait ma petite sœur silencieuse et pieds nus elle aussi.

    Quelques minutes plus tard, le calme était revenu, la cité était déserte, toute la famille à l’exception de mon père était à la maison, on trompait la vigilance de maman pour jeter un coup d’œil par la fenêtre, et on apercevait par ci par là un militaire ou un véhicule de l’armée se déplacer et des hélicoptères planer, effectuant de grands cercles avant de marquer un arrêt en vol stationnaire, puis reprendre leur mouvement.
    Aux infos, ils ont annoncé une douzaine de terroristes éliminés, une filature a mené les forces de sécurité jusqu’à leur cachette, dans une grande maison de l’autre côté de la cité au milieu d’exploitations agricoles à quelques dizaines de mètres de l’école primaire.
    J’avais jusqu’à récemment gardé en souvenir une douille que j’avais ramassé le lendemain, au milieu d’une dizaine d’autres, dans la cour de l’école, les impacts de balles étaient par dizaines, heureusement, aucun drame du côté des civiles, quelques témoignages nous ayant parvenus plus tard faisaient état de plusieurs militaires tombés, quelques un nous assuraient avoir aperçu les corps inanimés de soldats jonchés sur le sol.

    Je garderai toujours en moi cette vision de ma mère, courant pieds nus, cheveux au vent, se rayant un chemin jusqu’à moi au milieu d’une nuée de gosses en pleur, alors qu’il pleuvait des coups de feu, puis, foncer immédiatement après, vers l’école, théâtre d’une scène ahurissante ou des dizaines d’AK-47 se déchaînaient, pour chercher ma sœur, et l’expression de son visage blême, ses yeux grands ouverts, ses lèvres tremblantes, et ses mains glaciales sur mes joues lorsqu’elle me commandait de courir vers la maison.

    Maintenant, elle ne sort que rarement, couffin à la main et 3jar sur le visage, et, elle ne court plus.

    2/2
    Dernière modification par Illu, 22 novembre 2020, 15h57.

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    • Nadifleur, c'est gentil de sa part et comme on dit chez nous: isseqsi 3lih el khir
      “Si je ne brûle pas, si tu ne brûles pas, si nous ne brûlons pas,
      comment veux-tu que les ténèbres deviennent clarté!”

      Nazim Hikmet

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      • ...merci Risk pour tes bribes, comme je suis aussi dans les coulisses et je voudrais te lire tête reposée pour mieux le savourer...
        ...super sympa à toi de nous offrir ce récit...bonne lecture à tous...
        ..."Le sourire que tu m'envoies, revient vers toi" ...

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        • Je ne souris plus là.....

          Risk... tu réveilles des démons enfouis....:22::22:

          Merci pour ce témoigne et ce récit saisissant...
          “Si je ne brûle pas, si tu ne brûles pas, si nous ne brûlons pas,
          comment veux-tu que les ténèbres deviennent clarté!”

          Nazim Hikmet

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          • Magnifique récit en effet, je l ai lu par 2 fois, quand je l ai reçu , et à l instant , les mêmes émotions comme si je le lisais pour la 1ere fois

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            • Illu...

              Risk va nous lire son texte? ça serait top!
              “Si je ne brûle pas, si tu ne brûles pas, si nous ne brûlons pas,
              comment veux-tu que les ténèbres deviennent clarté!”

              Nazim Hikmet

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              • Merci Riskou .. djebtili eddem3a!..

                C'est gravé à jamais cette décennie noire..
                PEACE

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                • t'as vu Mallow! je me sens toute bizarre.... Comme si j'avais reçu un choc!! Thérapie?
                  “Si je ne brûle pas, si tu ne brûles pas, si nous ne brûlons pas,
                  comment veux-tu que les ténèbres deviennent clarté!”

                  Nazim Hikmet

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                  • Purée, wallah kifkif!.. je n'oublierai jamais ya khti Hiro..
                    PEACE

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                    • Je suis incapable de raconter comme notre ami Risk! Ni de me rappler de détails.... Mes souvenirs sont entérrés....:22:

                      Pas le sentiment bizarre... lui est tjs là et vivace...
                      “Si je ne brûle pas, si tu ne brûles pas, si nous ne brûlons pas,
                      comment veux-tu que les ténèbres deviennent clarté!”

                      Nazim Hikmet

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                      • Non Hirondelle, risk ne le lira pas je ne pense pas


                        dans la présentation, j avais dit poème anecdote et je n ai pas dit qu il fallait un vocal, mais c est si bin écrit que moi aussi j en ai été bouleversé




                        Vraiment merci pour ce partage Risk aussi douloureux qu il soit


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                        • Merci Risk, l' Artiste écrivain un linéaire très bien conçus. Tu devrais éditer un recueil, belle mémoires avec beaucoup d'émotions, on s'y plongent directement dedans avec beaucoup de frissons et de peur tout de même...
                          Tu as essayer en audio book?
                          ❤️ ❤️ Two souls with but a single thought ❤️ Two hearts that beat as one❤️ ❤️

                          Commentaire


                          • Oui Illu, c'est tres bien ecrit!!!

                            Une belle plume Risk!
                            “Si je ne brûle pas, si tu ne brûles pas, si nous ne brûlons pas,
                            comment veux-tu que les ténèbres deviennent clarté!”

                            Nazim Hikmet

                            Commentaire


                            • les filles la prochaine soirée vous le débaucher pour qu il chante , moi j ai fait ma part

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                              • ...j'ai pu traverser des passages, en effet, douloureux est cette période...oeilfermé
                                ...nous laisserons bien évidemment le texte pour encore mieux l'apprécier et que tous les artistes puissent le savourer...
                                ...énorme merci à toi Riksou

                                ...il se peut qu'un artiste le reprenne avec sa voix et un fond de musique...à voir!!!
                                ..."Le sourire que tu m'envoies, revient vers toi" ...

                                Commentaire

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