merci pour les eclairecissement Dandy...en tout cas ca confirme qu'il faudrait vraiment tout un forum, bien structure' et organiser de facon a apporter les verites historiques, loins de tout manipulations populistes et subjectives.
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considerez vous le 8 mai 45 comme un genocide?
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les massacres de Guelma en mai-juin 1945, par Jean-Pierre Peyroulou
L’historien français Jean-Pierre Peyroulou évoque, dans un entretien accordé à El Khabar, les résultats de la recherche qu’il a consacrée durant les sept dernières années aux évènements du 8 mai 1945 dans l’Est algérien. Jean-Pierre Peyroulou a soutenu en septembre 2007 sa thèse de doctorat à l’Ecole des hautes études en sciences sociales de Paris (EHESS) sous le titre : « Guelma 8 Mai 1945 : Répression dans le département constantinois à l’époque de l’Algérie française, la politique coloniale face aux réformes et au nationalisme ». Il publiera un livre tiré de cette thèse à l’automne prochain.
A la suite de cet entretien, vous trouverez l’exposé de Jean-Pierre Peyroulou au colloque organisé par la Ligue des droits de l’Homme, le 7 mai 2005 à Paris. Il concluait qu’« il y eut bien une insurrection à Guelma en mai 1945, mais peut-être pas celle que l’on croit. »
Les massacres du 8-Mai à Guelma sont semblables à ceux de l’OAS en 1961-62 dans les grandes villes
Un entretien publié dans le quotidien algérien El Khabar le 7 mai 2008.
Tout d’abord, pouvez-vous nous dire ce qui vous a poussé à centrer votre recherche sur les événements du 8 mai 1945 dans l’Est algérien ?
Il y a sept ans, sur le point de m’engager dans une recherche sur le rôle joué par la police en Algérie à l’époque coloniale, j’ai découvert plusieurs documents d’archives sur les événements du 8 mai 1945. C’est ce qui m’a incité à me consacrer à ces événements et à poursuivre le travail effectué avant moi par de nombreux historiens, afin de mettre à jour des éléments permettant de clarifier différents points liés à ces massacres.
Le but de votre recherche n’était-il pas de trouver le véritable responsable de ces événements, c’est dire celui qui a ordonné la répression ?
Oui, j’ai essayé à travers ce travail de mettre à jour le responsable principal de la répression de la manifestation du nationalisme algérien auquel le Parti du peuple algérien (PPA) avait appelé. Il est vrai que les Algériens se sont défendus de façon violente — il y eut 12 victimes parmi les Européens — mais c’est sans commune mesure avec les pertes qu’ils ont subies. En vérité, à Guelma, la région à laquelle je me suis consacré, les Européens ont voulu réprimer le nationalisme algérien d’une part, et d’autre part se révolter contre les réformes que le gouvernement provisoire avait engagées à partir de 1944, réformes liées à la loi sur l’octroi de la nationalité française aux musulmans algériens. A travers mon étude, je suis parvenu à la conclusion que les Algériens ont réagi de façon spontanée, à la suite de la mort de la première victime algérienne le 8 mai, mais que la répression organisée par l’armée française qui a commencé dans la zone qui se situe entre Sétif et Bejaïa, a duré plusieurs jours.
Votre recherche vous a-t-elle permis d’identifier l’instigateur de ces massacres ?
J’ai basé mon étude sur la ville de Guelma, où l’administration départementale a constitué des groupes de milices formées de dizaines d’Européens. Ces milices étaient derrière les massacres et la responsabilité du gouvernement français demeure grande, car il n’a pas sanctionné ses services administratifs en Algérie, qui étaient responsables de ce qui s’est passé, causant la mort de milliers de victimes parmi les civils innocents. Le gouvernement français assume une autre part de responsabilité au niveau de l’armée, mais il n’est pas directement responsable des exactions commises par les milices européennes. Ce qui s’est passé en mai 1945 ressemble beaucoup à ce qu’a fait l’Organisation de l’armée secrète OAS entre 1961 et 1962, lorsqu’elle a tué un grand nombre de personnes. La seule différence est que l’OAS agissait dans les plus grandes villes algériennes comme la capitale, Annaba et Oran, alors que les massacres du 8 Mai étaient dirigés contre des villages isolés, dont tous les habitants étaient algériens.
Région de Sétif, Guelma, Kherrata, mai-juin 1945 (Ecpad).
Les événements de Guelma en mai 1945
par Jean-Pierre Peyroulou, Hommes et Libertés n° 131, juillet-septembre 2005
La répression a pris à Guelma et ses environs des formes particulières. Suite à une manifestation réduite et non encadrée par le PPA, le 8 mai 1945, une vaste répression a été le fait d’une milice européenne créée dès le 14 avril sous l’égide du sous-préfet Achiary. S’y sont ajoutés, d’une part, le rôle d’un notable algérien qui en a profité pour éliminer ses adversaires politiques, et, d’autre part, toutes sortes de règlements de compte d’agriculteurs européens qui avaient l’occasion de s’emparer des terres de leurs voisins algériens. Les tueries ont duré jusqu’au 25 juin.
Guelma était, comme Sétif, une sous-préfecture du département de Constantine. Mais ce c hef lieu d’arrondissement, situé à environ 200 km à l’est de Sétif, entre Constantine et Annaba (Bône, à l’époque française) comptait 20 500 habitants avec une plus forte proportion qu’à Sétif d’Algériens, 16 000 – qu’on appelait à l’époque « Français musulmans » – et seulement 4 500 Européens (dont un quart à un tiers de juifs).
Les difficultés de ravitaillement ne figurent pas parmi les causes du 8 mai 1945. Guelma est située dans une plaine agricole riche, arrosée et bien emblavée. La région était l’une des mieux dotées sur le plan du ravitaillement. Guelma est bien loin de la situation de la Kabylie, par exemple. La colonisation y fut la plus précoce et la plus forte du Constantinois. Les spoliations de terres varièrent selon les tribus et les douars entre 20% et 80% des terres au XIXe siècle. Quand on étudie les recensements, on constate qu’entre 1866 et 1883, 49,6% de la population disparut, non pas à cause des combats – la conquête était achevée à ce moment-là – mais en raison d’une mortalité pour cause de maladies et d’exodes, souvent en Tunisie, consécutifs aux répressions militaires puis civiles.
En mai 1945, le sous-préfet était André Achiary, personnage trouble, présent dans les différents moments de l’histoire de l’Algérie jusqu’à l’indépendance (il fut l’un des chefs de l’OAS en 1961-62). Résistant authentique, gaulliste de la première heure, très anticommuniste, il n’était pas d’origine pied-noir mais venait de Tarbes, d’une famille anarcho-syndicaliste. Il joua un rôle important comme commissaire de police à Alger en 1942 : travaillant pour la BST (future DST), il favorisa le débarquement anglo-américain, puis fit la guerre dans les services spéciaux de la France libre. Il arriva à Guelma comme sous-préfet, en mars 1945, sur intervention de Jacques Soustelle qui avait été le chef des services spéciaux gaullistes BCRA, après une longue période de vacance de l’État central à Guelma. Le 14 avril 1945, soit bien avant le 8 mai 1945, Achiary créa une milice, dans le climat de peur, de tensions communautaires, de montée de l’influence du parti nationaliste, le Parti du peuple algérien (PPA), et des Amis du Manifeste et de la liberté (AML) qu’a bien évoqué Annie Rey-Goldzeiguer. Donat Maubert, maire de Guelma depuis 1935, apparaît plutôt comme un brave homme, proche des socialistes. Il n’a pas été chassé par Vichy et ne sera plus maire, d’ailleurs, après les événements de 1945. Hélas en 1945 il ne fit pas le poids face à Achiary et perdit toute influence sur les Européens de la ville.
Outre Achiary, la région était dominée – et je veux insister là-dessus parce que je crois que c’est la clé de la compréhension des événements de mai-juin 1945 – par deux personnages essentiels :
1. du côté français, par un grand colon, Lavie, qui possède des minoteries, un grand vignoble et plusieurs milliers d’hectares de céréales, conseiller général, délégué financier, qui fait la politique dans la région de Guelma et dont l’influence sur Achiary fut décisive ;
2. du côté musulman, par un autre personnage clé, le docteur Lakhdari, membre de la Fédération des élus dans les années 1930 et qui avait signé le Manifeste avant de revenir sur sa signature, en même temps que Bendjelloul. Comme Lavie, il était conseiller général et délégué financier dans le collège musulman.
Avec Lavie, le docteur Lakhdari était le patron à Guelma. Chacun avait sa clientèle, l’un chez les Européens, l’autre chez les Musulmans. Pour donner un exemple, la police de Guelma est entièrement clientélisée par lui : on ne peut pas être policier musulman à Guelma sans être un client de Lakhdari. Son beau-frère, le conseiller municipal Bensaci de Guelma, est le chef de la SIP (Société indigène de prévoyance) qui détient la clé du ravitaillement dans la région : les douars fidèles sont ravitaillés, les douars infidèles ne le sont pas. Les Amis du Manifeste et de la Liberté (AML) étaient très puissants à Guelma et dans la région. Tous les petits centres autour de Guelma et même dans les douars disposaient de leurs sections AML, ce qui montre bien la forte politisation de Guelma et des campagnes des environs. Le PPA représentait partout 75% des adhérents des AML.The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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Les massacres de mai-juin 1945
Quant aux massacres de mai-juin 1945, quels sont les faits ? Il y eut d’abord le 1er mai une manifestation, comme partout, sans autorisation du sous-préfet, avec un cortège imposant de deux à trois mille personnes qui, après discussion, se dispersa sans heurts. Il n’y a pas eu de coups de feu, ni de blessés, ni de morts, à la différence, par exemple de la manifestation du 1er mai à Alger.
Le 8 mai à Guelma, comme à Sétif, était jour du marché et les festivités de la victoire des alliés devaient être organisées. Entre le 1er et le 8 mai, le Comité des AML entra en contact avec la France combattante, c’est-à-dire avec les partis qui représentaient toutes les forces politiques engagées dans la Résistance, du parti communiste algérien à la droite modérée. Les AML proposèrent un cortège commun à la France combattante. Celle-ci refusa parce que les AML ne voulurent pas renoncer aux pancartes et banderoles « Libérez Messali », « Algérie indépendante », « Vive la Charte de l’Atlantique », les mêmes mots d’ordre qu’on trouva à Sétif. Des discussions eurent lieu dans la section des AML et la décision fut prise le 8 mai à 12 heures de ne pas manifester l’après-midi. Ainsi, le 8 mai, le bureau de la section des AML se trouvait sous les platanes de la place Saint Augustin en train de boire un coup à un café-glacier tenu par les Reggui.
À 18 heures, une manifestation de 1 500 à 2 000 jeunes Musulmans eut lieu, des enfants et des jeunes gens de moins de 16 ans auxquels s’ajoutèrent quelque 500 manifestants venus, en ce jour de marché, des campagnes et des douars. Aux cris de « Libérez Messali », « Vive la Charte de l’Atlantique », « Vive l’Algérie Indépendante », on défila, l’index levé. Quelques pancartes apparurent. À ce moment-là et conformément aux ordres reçus de ne pas laisser les drapeaux se déployer, Achiary intervint, accompagné de Champ, conseiller municipal socialiste, de Fauqueux, membre du parti communiste, de Garrivet, SFIO et futur maire de Guelma, et d’Attali, le président du consistoire israélite. Il intervint avec un service d’ordre assez modeste composé de huit policiers et douze gendarmes. Achiary demanda aux manifestants d’enlever leurs pancartes, ceux-ci refusèrent ; à ce moment-là, Achiary fut bousculé par un jeune garçon de 19 ans, Ali Abda, jeune frère du dirigeant PPA des AML. Là, les choses commencèrent à dégénérer, le sous-préfet et ex-commissaire de police sortit un revolver de sa poche et tira en l’air. Les gens coururent dans tous les sens. Des coups de feu furent tirés, un manifestant fut tué, et quatre policiers légèrement blessés. Le couvre-feu fut imposé à 21 heures. Les choses en restèrent là.
C’est alors que la milice, dont la formation avait été décidée le 14 avril, se réunit le 9 mai sous l’égide d’Achiary. Placée sous la direction de Champ, elle comprenait 280 hommes, dont l’immense majorité n’était pas armée – seules 78 personnes, soit un quart d’entre eux, avaient des armes de guerre. On y trouvait des hommes de tous âges, des vieillards de 80 ans, quelques permissionnaires de l’armée et des jeunes de 17 ou 18 ans. La formation de cette milice fut légitimée par un comité de vigilance rassemblant tous les partis de la France combattante. Sa formation reposait d’ailleurs sur des textes des années 1880 qui permettaient aux Européens des centres de colonisation de se défendre en cas d’attaque des « Français musulmans ». Un « tribunal » expéditif formé de miliciens fut mis sur pied, chargé de « juger » les personnes arrêtés et installé dans les locaux de la gendarmerie.
Le 9 mai au matin, Guelma fut isolée de l’extérieur, un certain nombre de barrages furent installés sur les routes et les lignes téléphoniques furent coupées. Mais, comme à partir de Sétif, les nouvelles de la répression de la manifestation circulèrent néanmoins, provoquant l’insurrection, les 9, 10 et 11 mai, d’un petit nombre de douars des environs. La violence des Musulmans n’eut rien à voir avec celle qui eut lieu dans la région de Sétif. Douze Européens furent tués et deux jeunes filles de 17 à 18 ans violées. L’armée intervint pour réprimer les douars révoltés : l’aviation fit plusieurs passages au dessus d’eux : vols d’intimidation, bombardements et mitraillages (45 tonnes de bombes et 120 000 cartouches auront été utilisées, au total, par l’armée française à Sétif et à Guelma). Le 11 mai, il n’y avait plus traces dans la région de Guelma de rassemblements d’« indigènes ». Les habitants des douars de la plaine fuyèrent dans le djebel de la Mahouna que mitraillait l’aviation.
Si on cherche à reconstituer comment la répression a pu dégénérer en massacre, il faut considérer qu’il ne s’est pas produit à Guelma et dans ses environs un massacre, mais, en réalité, trois massacres, qui bien sûr se mêlent dans le déroulement des faits :
Un premier massacre fut opéré par la milice qui, à partir de listes saisies par la police des renseignements généraux (PRG), notamment par un inspecteur de la PRG nommé Bérard, au comité des AML, arrêta les militants des AML, les amena devant le « tribunal » qui n’avait aucune valeur légale et dont le seul but était de « condamner » les gens à mort. Les personnes arrêtées furent écrouées à la prison civile, d’où la milice les retira, sans levée d’écrou, pour les tuer, soit dans la prison civile, soit hors de celle-ci. La milice transportait les corps avec les camions de la SIP, des Ponts et chaussées et les enterrait sur la route en direction d’Héliopolis, à 4 km de Guelma, dans une fosse commune qu’on appelle le « Ravin du Hibou » (« Kef el Boumba »). Telle fut la répression civile menée par la milice et légitimée par le Comité de vigilance, le sous-préfet Achiary, le préfet de Constantine Lestrade-Carbonnel.
Un deuxième massacre a visé un autre ensemble de personnes : celles dont le nom figurait sur les listes de suspects établies par Lakhdari. Lakhdari craignait que les élections municipales, cantonales et à la Constituante de 1945 ne lui soient pas favorables. Pour éviter cela, il a éliminé ses adversaires politiques. Une occasion inespérée s’offrait à lui après le 8 mai. Aussi remit-il aux autorités, par l’intermédiaire de ses clients de la police de Guelma, des listes de suspects qu’il fallait supprimer. La milice et la police firent le travail pour son compte.The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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Le troisième massacre, qui fut sans doute le plus meurtrier, le moins quantifiable et qui dura le plus longtemps, est celui qui fut perpétré, non pas directement par des gens de la milice de Guelma en tant que telle, ou très peu par elle, mais, dans la périphérie de Guelma, à Petit, Millésimo surtout, par des petits et moyens colons installés dans ces localités qui avaient formé de petites milices. Ils tuèrent souvent pour des raisons qui n’avaient rien à voir avec la politique, mais pour des questions de litiges fonciers, pour le vol, la razzia. Ils menèrent des opérations de razzia comme on en menait en Algérie durant la guerre de conquête. Cette petite guerre de reconquête foncière et de razzia fut menée par des groupes de sept à huit personnes opérant de façon autonome. Il ne faut pas y voir quelque chose de totalement nouveau. Ces pratiques-là existaient à Guelma dans les années 1880-1890, qui virent la création de milices d’autodéfense informelles, à une époque où la délinquance et l’insécurité étaient fortes et où l’armée avait transmis à l’autorité civile les pouvoirs de maintien de l’ordre qu’elle n’avait pas les moyens d’assurer. L’obsession des Européens dans ces années 1880-1890 était le racket pratiqué par les Musulmans pour laisser les Européens vivre sur les terres qu’ils occupaient, une sorte d’impôt révolutionnaire avant la lettre. Dans les environs de Guelma, où ils vivaient au milieu des Musulmans, les colons le payaient s’ils ne voulaient pas être volés ou tués. En mai et juin 1945, c’était l’occasion pour les Européens établis comme agriculteurs dans ces localités de régler une fois pour toutes ce genre de problèmes avec les Musulmans. C’est la pratique ancienne des milices européennes d’auto-défense qui se trouva réactivée à ce moment.
La milice fut officiellement dissoute le 19 mai, et, en effet, on ne tua plus à Guelma-ville à partir du 19 mai. C’est précisément le 19 mai que la commission Tubert fut mise en place sur ordre du président du gouvernement provisoire, le général de Gaulle, et nommée par le gouverneur général Chataigneau. Elle se constituait de trois personnes dont la principale personnalité était le général de gendarmerie Paul Tubert. La mission fit d’abord du sur-place à Alger pendant cinq jours. On ne souhaitait pas qu’elle aille tout de suite dans le Constantinois où se poursuivaient localement des massacres. Elle se rendit à Sétif le 25 mai et s’apprêtait à se rendre à Guelma quand elle reçut le 26 mai l’ordre de rentrer à Alger. On pensa tout de suite que si la commission n’allait pas à Guelma, c’était parce que de Gaulle voulait protéger Achiary, personnage important de la résistance. Mais la raison pratique était que la répression continuait, non pas dans Guelma-ville mais dans la périphérie de Guelma. Elle dura jusqu’au 26 juin, certes à un rythme bien moindre qu’entre le 9 et 19 mai, mais en continuant à faire de nombreux morts.
Quel a été le nombre de morts à Guelma ?
Le 26 juin, il y eut encore quatre personnes tuées dans la campagne guelmoise. Puisque plus personne n’était en mesure de rétablir l’ordre à Guelma, sauf à envoyer l’armée contre les Européens, le ministre de l’Intérieur, Tixier, vint à Guelma faire la police. Le compte rendu des « discussions » qu’eut Tixier avec Achiary, Champ et le préfet de Constantine montrent des échanges pour le moins musclés. Adrien Tixier, dont la politique générale tendait dans la restauration de l’État républicain, fut d’une grande fermeté. Si la veille de son arrivée, il y eut encore quatre morts, quand il repartit, il n’y avait plus de tueries. Les Européens de Guelma savaient que plus rien ne leur serait toléré sous couvert d’une légitime réaction à une insurrection nationaliste.
Quel a été le nombre des morts à Guelma ? Pour ma part, j’ai compté, à ce jour, en mai 2005, 576 personnes, à partir des plaintes déposées par les familles de victimes et à partir des rapports de police qui mentionnent ces plaintes. Naturellement, c’étaient essentiellement des gens de Guelma et des petites communes proches qui portèrent plainte, ce n’était pas des gens des douars, et beaucoup de familles frappées ne portèrent pas plainte. Combien y eut-il de victimes, au total ? Nous ne le savons pas et nous ne le saurons jamais. Le nombre de 576 morts tués par des civils européens représente le minimum auquel j’arrive d’après mes comptages et pour lesquels nous disposons de l’identité des victimes. D’autres sources fiables prenant en compte divers témoignages permettent d’arriver à un total entre 1 500 et 2 000 morts. Je crois donc qu’on peut dire que, du côté algérien, le nombre des morts de ces différents massacres à Guelma et dans sa région est donc compris entre 576 et 2 000 personnes entre le 8 mai et le 25 juin 1945, sachant que le chiffre le plus probable se situe vers ce dernier. Du côté européen, on compte douze personnes mortes et deux jeunes filles violées. En somme, dans un contexte de poussée nationaliste et d’affaiblissement de l’Etat consécutif à la guerre, il y eut bien une insurrection à Guelma en mai 1945 mais peut-être pas celle que l’on croit.
Jean-Pierre PeyroulouThe truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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Bockel : “La France assume les pages sombres de son histoire”Par : Merzak Tigrine
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À la veille de sa visite de deux jours à Alger aujourd’hui et demain, le secrétaire d’État français à la Défense et aux Anciens combattants, Jean-Marie Bockel, parle sans tabou des relations qui lient les deux pays. Tout en affirmant que “du côté français, nous nous efforçons de comprendre la sensibilité des mémoires algériennes à l’endroit d’une période que beaucoup de membres du gouvernement français n’ont eux-mêmes pas connue”, le responsable évoque la question de l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français effectués dans le Sud algérien ainsi que le versement des pensions aux anciens combattants algériens qui ont participé aux deux guerres aux côtés des alliés. Jean-Marie Bockel précise que quelque 47 000 pensions militaires sont versées en Algérie.
Liberté : Une vive polémique oppose Alger et Paris sur le devoir de mémoire, en raison du refus de la partie française de présenter des excuses sur les méfaits du colonialisme en Algérie. Cette question sera-t-elle à l’ordre du jour de la visite du président algérien en France en juin prochain ?
Jean-Marie Bockel : Lors de son voyage en Algérie, il y a maintenant un peu plus d’un an, le président Sarkozy a reconnu publiquement les crimes de la colonisation, même s’il a rappelé que le système colonial, profondément injuste par nature, n’avait pas empêché que des relations, parfois fraternelles, puissent s’établir entre Français et Algériens. Les représentants de l’État français ont eu d’autres occasions depuis lors pour réitérer ce discours, aussi bien en France qu’en Algérie, sans double langage. La France assume les pages sombres de son histoire, elle doit le faire. Je crois que beaucoup a déjà été dit et écrit en France sur ce sujet, la recherche historique ayant fait de nombreux progrès. L’État a maintenant ouvert la grande majorité de ses archives relatives à l’Algérie. Du côté français, nous nous efforçons de comprendre la sensibilité des mémoires algériennes à l’endroit d’une période que beaucoup de membres du gouvernement français n’ont eux-mêmes pas connue. Nous respectons la douleur que peut causer le souvenir des morts dans certaines familles, des deux côtés de la Méditerranée, et nous respectons la légitimité du combat mené par les Algériens. Aussi, je ne pense pas, comme vous semblez l’entendre, qu’une polémique existe entre les États français et algérien au sujet des questions de mémoire, même s’il reste sans doute des attentes. Les propos du président Sarkozy ont été bien accueillis par le président Bouteflika. Cette étape a constitué un pas positif dans la relation et, sans doute, nous pouvons encore progresser, de part et d’autre, vers une vision plus apaisée et consensuelle de l’histoire. Il y a certes des dossiers liés à notre passé commun que nous nous efforçons de traiter sans faux-semblants, y compris d’ailleurs à l’initiative de la partie française, et nous restons à l’écoute de la partie algérienne sur ces sujets. Le dernier exemple en date est la signature toute récente d’une convention de partenariat entre les Archives nationales algériennes et françaises. Essayons de convenir ensemble de ce qu’il convient de faire aujourd’hui pour améliorer notre coopération et être, dans nos relations entre États voisins et partenaires, les plus constructifs possibles, en pensant avant tout à notre jeunesse. La France est désireuse de contribuer à l’essor de l’Algérie, de son économie et de sa place dans les relations internationales et dans la construction d’un espace méditerranéen plus solidaire. C’est de tout ceci dont les deux chefs d’État conviendront, j’en suis persuadé, de parler ensemble.
Dans le cadre de la revalorisation des pensions des anciens combattants français, il a été décidé par votre gouvernement l’application de cette mesure aux anciens combattants issus de pays qui étaient sous administration française, dont les Algériens. Peut-on savoir où en est la mise en œuvre de cette opération ?
Près de 47 000 pensions militaires sont effectivement versées aujourd’hui en Algérie à des anciens soldats de l’armée française ou à leur veuve. Ce chiffre important est lié à l’histoire qu’ont partagée nos deux pays : ce sont 200 000 soldats algériens qui ont été mobilisés au cours de la Première Guerre mondiale et plus de 150 000 qui ont pris une part déterminante, saluée par tous les pays alliés, à la victoire contre le nazisme durant la Seconde Guerre mondiale. Aussi, quand le gouvernement français a décidé en 2007 de revaloriser les pensions militaires des ressortissants des pays anciennement placés sous administration française, c’est l’Algérie qui a bénéficié le plus des nouvelles dispositions. Celles-ci sont aujourd’hui totalement appliquées en Algérie : ce sont donc plus de 4,7 milliards de DA qui sont versés chaque année aux 36 000 anciens combattants ou veuves pensionnées, actuellement recensés en Algérie. Tous ces bénéficiaires perçoivent aujourd’hui des retraites de combattant ou des pensions militaires d’invalidité identiques à celles perçues par leurs frères d’armes français. Mais je voudrais préciser qu’au-delà du montant des pensions, aujourd’hui aligné sur les pensions françaises, c’est aussi la législation applicable qui a été “décristallisée” : les demandes de réversion pour les veuves, celles portant sur les pensions d’invalidité, sont dorénavant recevables dans les mêmes conditions en Algérie qu’en France. C’est, d’ailleurs, la raison principale de la réouverture à Alger, depuis le 15 octobre dernier, d’un service de proximité rattaché à notre ambassade et dédié à cette population. Il est désormais l’interlocuteur unique des anciens combattants de l’armée française résidant en Algérie pour les aider dans les démarches administratives nécessaires à l’examen de leurs droits, mais aussi pour leur apporter, en cas de besoin, un soutien dans le domaine médical et social. Enfin, j’ai demandé à ce que l’action de ce service soit complétée par une diffusion, la plus large, de l’information utile à nos vétérans : une brochure d’information sur les droits et démarches a été rédigée. Elle est aujourd’hui “doublée” par l’ouverture d’un site Internet consultable à l’adresse suivante http://www.acvg-alger.org. Cet effort, au moment où, comme vous le savez sans doute, la réforme de notre administration en France va se traduire par des contraintes budgétaires et une rationalisation des effectifs, doit être signalé. Il concrétise la reconnaissance du gouvernement français et de la nation tout
entière envers ceux qui se sont battus pour elle.
Après la décision de Matignon d’indemniser les victimes des essais nucléaires français, dont celles de Reggane en Algérie, pouvez-vous, Monsieur le Ministre, nous donner davantage de précisions sur le sujet ?
Il s’agit d’un projet de loi annoncé par le ministre de la Défense, Hervé Morin, en novembre dernier et inscrit à l’ordre du jour du Parlement en 2009. Ce texte, qui concerne la totalité des victimes des essais nucléaires français, sans discrimination aucune, n’exclut pas la question des populations algériennes. Même si je ne peux vous en confirmer définitivement l’issue, s’agissant d’un projet de loi qui doit être examiné et voté en termes identiques par les deux chambres du Parlement. Mais mon sentiment est que la question de l’indemnisation des Algériens sera rapidement traitée. Comme M. Morin l’a indiqué, le principe d’un droit à l’indemnisation des victimes qui ont été exposées lors des essais est désormais posé. Nous devons reconnaître aujourd’hui les victimes, toutes les victimes.
À la demande de l’Algérie, l’AIEA a effectué en 1999 une étude sur la situation radiologique au Sahara, à laquelle la France a apporté son concours. Par ailleurs, les autorités françaises ont publié un fascicule qui fait le point sur les essais dans le Sahara, document remis aux autorités algériennes et mis en ligne sur le site de notre ambassade à Alger…
L’État français reconnaît que les essais nucléaires effectués dans le Sahara algérien, puis en Polynésie entre 1960 et 1996, avaient eu une incidence sur la santé des militaires et des populations civiles. Nous avons arrêté une liste de maladies liées aux effets de la radioactivité. Nous allons donc introduire dans le décret d’application un seuil d’exposition à partir duquel les demandes d’indemnisation seront prises en compte. Si le texte est voté, nous accorderons des indemnisations.
M. TThe truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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Bonjour Solas,
Je veux juste signaler qu'en complément de ce que tu avais posté, on pouvait se reporter au un compte-rendu de lecture de l'œuvre que Jean-Pierre Peyroulou consacre à ce sujet (Guelma, 1945. Une subversion française dans l'Algérie coloniale).
http://www.algerie-dz.com/forums/sho...d.php?t=125721
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Je n'ai pas le temps de développer mais le 8 mai 1945 n'est pas un génocide stricto sensu. C'est une boucherie, une barbarie, une atrocité mais pas un génocide. Ce qui ne minimise pas l'horreur des évènements.
1- Il ne concernait pas directement "le génocide", je me permets de rappeler qu'avant 1948; les charges que l'on retient aujourd'hui pour instruire un procès pour "génocide" étaient fondues dans d'autres charges: "Crime contre l'Humanité", "Crime de Guerre", "Crime contre la paix".
En effet, d'un point de vue juridique, ce procès est une aberration . On a fait preuve d'une immense bonne volonté mais il n'en demeure pas moins que ce procès n'a aucune base légale.
A propos du crime contre l'humanité qui était un des 3 chefs principaux d'inculpation, cette charge est une invention pure et simple. Elle n'existait nulle part avant Nuremberg. C'est la pire chose qu'on puisse faire en droit. Puisque ça va à l'encontre d'un principe essentiel en droit criminel . Nullum crimen, nulla poena, sine lege En clair, les juges ne peuvent pas retenir ni prononcer une peine contre un motif d'inculpation sans s'appuyer sur une loi. Faute de quoi, on verse dans l'arbitraire le plus total.« N’attribuez jamais à la malveillance ce qui s’explique très bien par l’incompétence. » - Napoléon Bonaparte
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En effet, d'un point de vue juridique, ce procès est une aberration . On a fait preuve d'une immense bonne volonté mais il n'en demeure pas moins que ce procès n'a aucune base légale.
A propos du crime contre l'humanité qui était un des 3 chefs principaux d'inculpation, cette charge est une invention pure et simple. Elle n'existait nulle part avant Nuremberg. C'est la pire chose qu'on puisse faire en droit. Puisque ça va à l'encontre d'un principe essentiel en droit criminel . Nullum crimen, nulla poena, sine lege En clair, les juges ne peuvent pas retenir ni prononcer une peine contre un motif d'inculpation sans s'appuyer sur une loi. Faute de quoi, on verse dans l'arbitraire le plus total.
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