Pour lutter contre des chiffres migratoires élevés, la nouvelle cheffe des «Tories», Kemi Badenoch, veut durcir les conditions d’obtention du statut de résident permanent. Les immigrants devraient notamment être «contributeurs nets».
Par Arnaud De La Grange, Correspondant à Londres

C’est la première grande initiative politique de la nouvelle patronne des conservateurs et elle a choisi une question au cœur des préoccupations des Britanniques. Kemi Badenoch a dévoilé ce jeudi 6 février une nouvelle «politique d’immigration», visant à réduire fortement des chiffres toujours très élevés. Pour cela, les conditions d’obtention du statut de résident permanent seraient sérieusement durcies.
Kemi Badenoch n’a pas mâché ses mots. «Le droit de rester au Royaume-Uni est souvent considéré comme automatique. Il est devenu un moyen d’accéder à la citoyenneté alors qu’il devrait s’agir d’un privilège qui s’acquiert par l’engagement et la contribution à notre pays, a-t-elle dit. J’ai toujours dit que notre pays n’est pas un dortoir ou un hôtel, c’est notre maison». En novembre, celle qui est née au Royaume-Uni de parents d’origine nigériane avait déjà promis un chiffre plafond pour le nombre de personnes autorisées à entrer dans le pays, lorsque les conservateurs reviendront au gouvernement.
«Contributeurs nets»
Selon ce nouveau plan, les migrants sans emploi ou peu qualifiés et à bas salaires ne seront pas autorisés à s’installer indéfiniment au Royaume-Uni. Ceux qui sont entrés légalement dans le pays ne seront autorisés à demander un permis de séjour indéfini (ILR) qu’après y avoir séjourné au moins dix ans, soit le double du seuil actuel de cinq ans. Et pour être éligible, l’immigrant devra avoir travaillé et ne pas avoir demandé d’allocations ou utilisé de logement social pendant ces dix années passées au Royaume-Uni.
Les postulants au statut de résident permanent devront aussi démontrer qu’ils sont «contributeurs nets», à l’économie britannique, ce qui signifie que leur salaire et leurs impôts doivent être suffisamment élevés pour compenser les coûts pour l’État. Y compris les coûts induits par leurs enfants et des prestations auxquelles ils auraient pu prétendre. Toute personne ayant un casier judiciaire ne pourra pas faire de demande. Enfin, tout migrant arrivé illégalement se verra automatiquement interdire de demander l’ILR.
«Désastre migratoire»
Dans un précédent discours, Kemi Badenoch avait reconnu les «erreurs» et la «responsabilité» des conservateurs, après avoir laissé l’immigration atteindre des niveaux records lorsqu’ils étaient au pouvoir. La migration nette a ainsi atteint un niveau record de 906.000 en 2023. Elle était encore 728.000 en 2024, soit plus du double qu’avant le Brexit. Les récents chiffres de l’ONS (Office des statistiques nationales) ont créé un effet de choc. L’organisme officiel estime que la population britannique devrait augmenter de près de cinq millions dans les dix ans qui viennent. Et que cette augmentation reposera presque entièrement sur le solde migratoire - la différence entre les personnes qui entrent dans le pays et celles qui le quittent - estimé à 4,9 millions de personnes sur la période puisque dix millions d’immigrants devraient arriver.
«Le Parti conservateur a une nouvelle direction, a ajouté Badenoch, nous allons dire la dure vérité sur l’immigration. Son rythme est trop rapide et les chiffres sont trop élevés pour une intégration significative.» Elle a accusé le parti travailliste au pouvoir, qui doit présenter la semaine prochaine un «projet de loi sur la sécurité des frontières», de préparer les conditions d’un «désastre migratoire». La secrétaire d’État à l’Immigration, Angela Eagle, a riposté en affirmant : «Les conservateurs ont complètement perdu le contrôle de nos frontières au cours des 14 années où ils étaient au pouvoir et personne ne peut prendre au sérieux ce qu’ils prétendent ou promettent maintenant».
L’annonce de Kemi Badenoch vise à «poser un marqueur» vis-à-vis du Parti travailliste, alors que le premier ministre Keir Starmer affiche sa volonté de faire baisser les chiffes de l’immigration. Mais il s’agit aussi d’une réponse à la menace croissante que représente Reform UK pour les Tories. Lors d’une dernière étude d’opinion, le parti anti-immigration de Nigel Farage a devancé pour la première fois les deux principaux partis. Le sondage YouGov place Reform UK à 25 %, suivi du Parti travailliste à 24 % et des Conservateurs à 21 %.
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