Cela s’appelle faire œuvre de salubrité publique. Les journalistes Charlotte Belaïch (Libération) et Olivier Pérou (qui a longtemps contribué au bonheur des lecteurs de L’Express avant de rejoindre Le Monde) ont effectué un voyage dans un monde parallèle, où ils n’ont rapidement pas été les bienvenus, et pour cause. Ici seule compte, non pas la vérité, mais la fabrication d’une réalité, ici la fin justifie les moyens sous prétexte de l’hostilité de l’extérieur, ici ne doit régner qu’un seul maître, au-dessus de toute valeur et de tout principe. Il est temps d’ouvrir les yeux : La meute (qui paraît le 7 mai aux éditions Flammarion) permet de comprendre et de savoir ce qui se passe chez les insoumis au-delà des discours officiels et des postures.
Jean-Luc Mélenchon se croit singulier, il est un homme politique comme les autres. Cultivé, très, roublard, bien sûr, intuitif souvent. Meilleur parfois, plus efficace en tous cas que beaucoup d’autres. "Il n’y a pas plus électoraliste que moi", se félicite-t-il lui-même. La police qui "tue" ? Il est content, c’est "un bon coup", "t’imagines bien que j’y ai réfléchi". Et les auteurs de rappeler qu’il répète régulièrement : "On n’est pas obligés d’être de bonne foi." Il est autocentré à l’extrême, mais n’a pas le monopole de cette propension dans son corps de métier. Convaincu de "faire l’histoire", en quoi il n’est ni le premier ni le dernier. Qu’il exige "une fidélité absolue, sans faille" n’en fait pas un prototype très différent de ses homologues de la scène publique. Qu’il soit prêt, en 2008, à déjeuner avec le diable, en l’occurrence Patrick Buisson, figure très conservatrice et conseiller du président Nicolas Sarkozy, pour manigancer contre les socialistes de François Hollande fait partie de ces acrobaties que les responsables ont l’habitude de réaliser.
Jean-Luc Mélenchon se veut désormais primus inter pares, un responsable prêt à exercer le pouvoir suprême, "le vieux" comme on le surnomme et qui constitue pour lui un suprême hommage, une référence à François Mitterrand. Or il n’est pas, il n’est plus un homme politique comme les autres. Il en est arrivé à un point où l’on doit s’interroger sur son rapport avec la République et la démocratie, excusez du peu. La stratégie de la radicalisation peut se comprendre dans une société déjà éruptive, elle a prouvé dans une série de scrutins nationaux sa pertinence, elle ne devrait pas pour autant tout autoriser. Jusqu’où est-il prêt à aller, loin des fondamentaux qui furent ceux de son camp et de sa génération, qu’il s’agisse d’histoire, de laïcité ou des institutions ?
La dérive d’un homme, la dérive d’un parti
"On nous emmerde avec la colonisation, mais ils ont des routes et des hôpitaux grâce à nous", a-t-il répété en privé pendant des années. On se pince. On sait aussi ce qu’il a dit de l’islamophobie, y compris à la télévision, avant de tourner casaque. La simple relecture, à tête froide, du communiqué publié par les députés LFI le 7 octobre 2023, qui évoque "l’offensive armée de forces palestiniennes menée par le Hamas" sans le moindre mot de condamnation, rappelle que le hasard n’a pas sa place, que cette absence n’est en rien une maladresse, mais un révélateur. Pour convaincre l’électorat des quartiers populaires, écrivent les auteurs, "Mélenchon n’hésite plus à cultiver l’ambiguïté sur l’antisémitisme", lequel apparaît aux yeux des insoumis comme "un truc de bourgeois", selon la formule du député Alexis Corbière. Dans cette formation, la démocratie est "considérée comme secondaire", ajoutent les journalistes, moult exemples à l’appui.
La dérive d’un homme, la dérive d’un parti. C’est en cela que l’enquête est la plus percutante, la plus dérangeante. Ce qui se passe à l’intérieur est en contradiction totale avec les valeurs préconisées à l’extérieur et laisse entrevoir à quoi ressemblerait l’exercice du pouvoir si les insoumis accédaient au sommet de l’Etat. "Ils exploitent les gens. Tant qu’il y a du jus, ils pressent. Dans une entreprise privée, personne n’accepterait ça. C’est pire qu’à l’hôpital. Ça broie des gens qui n’ont que ça dans leur vie" : la multiplication des témoignages donne au livre une force incontestable. Le management toxique du Lider maximo, la violence des uns, l’impunité pour d'autres, sont des clés du fonctionnement de LFI, qui s’apparente aujourd’hui moins à un mouvement politique qu’à une secte. On ne pourra plus dire qu’on l’ignorait.
Source : L'Express - 05/05/2025
Jean-Luc Mélenchon se croit singulier, il est un homme politique comme les autres. Cultivé, très, roublard, bien sûr, intuitif souvent. Meilleur parfois, plus efficace en tous cas que beaucoup d’autres. "Il n’y a pas plus électoraliste que moi", se félicite-t-il lui-même. La police qui "tue" ? Il est content, c’est "un bon coup", "t’imagines bien que j’y ai réfléchi". Et les auteurs de rappeler qu’il répète régulièrement : "On n’est pas obligés d’être de bonne foi." Il est autocentré à l’extrême, mais n’a pas le monopole de cette propension dans son corps de métier. Convaincu de "faire l’histoire", en quoi il n’est ni le premier ni le dernier. Qu’il exige "une fidélité absolue, sans faille" n’en fait pas un prototype très différent de ses homologues de la scène publique. Qu’il soit prêt, en 2008, à déjeuner avec le diable, en l’occurrence Patrick Buisson, figure très conservatrice et conseiller du président Nicolas Sarkozy, pour manigancer contre les socialistes de François Hollande fait partie de ces acrobaties que les responsables ont l’habitude de réaliser.
Jean-Luc Mélenchon se veut désormais primus inter pares, un responsable prêt à exercer le pouvoir suprême, "le vieux" comme on le surnomme et qui constitue pour lui un suprême hommage, une référence à François Mitterrand. Or il n’est pas, il n’est plus un homme politique comme les autres. Il en est arrivé à un point où l’on doit s’interroger sur son rapport avec la République et la démocratie, excusez du peu. La stratégie de la radicalisation peut se comprendre dans une société déjà éruptive, elle a prouvé dans une série de scrutins nationaux sa pertinence, elle ne devrait pas pour autant tout autoriser. Jusqu’où est-il prêt à aller, loin des fondamentaux qui furent ceux de son camp et de sa génération, qu’il s’agisse d’histoire, de laïcité ou des institutions ?
La dérive d’un homme, la dérive d’un parti
"On nous emmerde avec la colonisation, mais ils ont des routes et des hôpitaux grâce à nous", a-t-il répété en privé pendant des années. On se pince. On sait aussi ce qu’il a dit de l’islamophobie, y compris à la télévision, avant de tourner casaque. La simple relecture, à tête froide, du communiqué publié par les députés LFI le 7 octobre 2023, qui évoque "l’offensive armée de forces palestiniennes menée par le Hamas" sans le moindre mot de condamnation, rappelle que le hasard n’a pas sa place, que cette absence n’est en rien une maladresse, mais un révélateur. Pour convaincre l’électorat des quartiers populaires, écrivent les auteurs, "Mélenchon n’hésite plus à cultiver l’ambiguïté sur l’antisémitisme", lequel apparaît aux yeux des insoumis comme "un truc de bourgeois", selon la formule du député Alexis Corbière. Dans cette formation, la démocratie est "considérée comme secondaire", ajoutent les journalistes, moult exemples à l’appui.
La dérive d’un homme, la dérive d’un parti. C’est en cela que l’enquête est la plus percutante, la plus dérangeante. Ce qui se passe à l’intérieur est en contradiction totale avec les valeurs préconisées à l’extérieur et laisse entrevoir à quoi ressemblerait l’exercice du pouvoir si les insoumis accédaient au sommet de l’Etat. "Ils exploitent les gens. Tant qu’il y a du jus, ils pressent. Dans une entreprise privée, personne n’accepterait ça. C’est pire qu’à l’hôpital. Ça broie des gens qui n’ont que ça dans leur vie" : la multiplication des témoignages donne au livre une force incontestable. Le management toxique du Lider maximo, la violence des uns, l’impunité pour d'autres, sont des clés du fonctionnement de LFI, qui s’apparente aujourd’hui moins à un mouvement politique qu’à une secte. On ne pourra plus dire qu’on l’ignorait.
Source : L'Express - 05/05/2025
Commentaire