Samedi s'est ouvert à Montreux, petite ville suisse du canton de Vaud, non loin de la frontière avec la France, le XIIIe sommet de l'organisation internationale de la francophonie (OIF) avec la présence de l'Algérie, toujours en tant qu'invitée spéciale.
Avant d’accueillir le sommet de la francophonie, la ville suisse de Montreux est d’abord la ville du festival international de jazz et c’est justement là où se tient ce fameux festival, au Montreux Music & Convention Centre ou 2m2c - un lieu mythique notamment par les moyens techniques impressionnants et sa surface de 18 000 mètres carrés qu’il propose dédiés aux événements en tous genres, que se tient juste- ment, le sommet de la francophonie.
Ce sommet aura à cœur de parler des questions de sécurité, notamment la situation dans la région sahélo-saharienne. Région africaine francophone par la force de l’histoire. C’est d’ailleurs la première fois que cette organisation met autant en évidence cette dimension africaine de ses adhérents.
L’Algérie, second pays francophone après la France avec ses locuteurs de la langue de Molière estimés à 22 millions, est certes présente au sommet de Montreux, représentée par Abdelakder Bensalah, président du Conseil de la nation, jouissant d’un statut particulier, mais toujours pas membre à part entière de cette organisation.
Faut-il le rappeler ? La langue française c’est la langue qui permet entre autres de lire cet article, de confectionner le journal qui le publie et des dizaines d’autres. C’est la langue d’au moins deux chaînes de radios nationales (chaîne III et AI) et celle de l’essentiel d’une chaîne de télévision publique (canal Algérie). C’est aussi la langue d’enseignement et dans les filières scientifiques à l’université (elle est enseignée dès l’âge de 9 ans dans les écoles publiques, dès 6 ans dans le privé) et il est peu probable que des étudiants ou des enseignants puissent mener sérieusement une carrière universitaire en ne maîtrisant que la langue arabe. C’est une des langues de l’édition, de l’art et de la création dans ce pays. Bref, c’est une langue pratiquée de manière tout à fait naturelle, complètement accaparée par ceux qui l’utilisent, accaparée comme on le ferait effectivement avec un butin de guerre.
Au-delà de la langue
Mais doit-on parler de langue ? Au-delà de cette question l’OIF aborde à l’occasion de ce sommet aussi la question de la francophonie globale, celle qui englobe les questions politiques, économiques, sociales et culturelles. Celle qui permet à l’OIF de dépasser le statut réducteur d’association d’action culturelle.
Récemment, le professeur Albert Lourde, recteur de l’Université Senghor d’Alexandrie, université francophone en Egypte, qui s’exprimait dans «le courrier du Vitenam» à propos de la francophonie globale, donnait l’exemple de l’Algérie : «Il y a quelque temps, j’ai eu la chance de me rendre en Algérie ; et dans l’avion d’Air Algérie, les hôtesses parlaient français et arabe. À l’aéroport d’Alger, d’Oran, d’Annaba, les annonces étaient faites dans les deux langues ; à l’hôtel, tous les personnels étaient francophones. En me promenant dans les rues d’Alger, d’Oran, d’Annaba, j’ai pu constater que les enseignes des commerçants étaient toujours en français et en arabe, et très souvent uniquement en français ; j’entendais tout autour de moi dans la rue les gens parler français. En achetant le journal, j’ai pu choisir entre une dizaine de journaux en français ; j’ai pu écouter le journal télévisé en français à la télévision algérienne. Le français est encore langue d’enseignement à l’Université dans un certain nombre de disciplines.» Ce sont là les éléments de la francophonie globale que l’on retrouve en Algérie qui n’est pas membre de l’OIF mais qui sont absents dans un pays comme la Grèce – et ce n’est pas le seul pays dans ce cas – qui est un pays membre à part entière de la francophonie globale.
Dépasser la question linguistique n’est-ce pas là une des exigences algériennes à son adhésion à cette organisation ? Le président Nicolas Sarkozy a dans un long discours mis en évidence la nécessité de voir un pays africain membre permanent du conseil de sécurité. Une demande formulée dans le cadre de l’Union africaine il n’y a pas si longtemps.
L’Algérie qui a toujours privilégié une action diplomatique à travers son adhésion à des regroupements politiques internationaux n’est-elle pas en train de rater de belles occasions pour défendre les causes qui lui tiennent à cœur ?
Suspense ?
La question de l’adhésion est d’autant plus intéressante depuis quelques années alors que cette fois-ci il n’en est aucunement question, alors que l’idée est devenue une éventualité après le sommet de l’OIF de Beyrouth en 2002.
Il y a deux ans, cette adhésion passait presque pour acquise lors du XII e sommet à Québec. Ce sommet était d’une importance capitale au Canada, alors qu’il s’agissait de confirmer plus que jamais le statut francophone du Québec. Pour le Canada, cela permettait d’entériner aux yeux du monde le bilinguisme au Canada, la langue française étant dans cette région du monde au centre de nombreux enjeux dont certains ont une dimension politique évidente certaine. C’est par le français par exemple que s’exprime un des plus anciens et des plus actifs militantismes sécessionnistes en Amérique du Nord.
L’impact de l’annonce de l’adhésion de l’Algérie à l’OIF au Québec aurait eu l’effet d’un événement et d’un sacré cadeau au Québec. Un Québec foncièrement militant, dont la population ne représente que 2% des habitants du continent nord-américain et 2% de la population de la francophonie, contribue à plus de 30% du contenu francophone sur Internet. Et l’Algérie contribue à quelle hauteur ? Certainement à une dimension appréciable quand on voit que pratiquement tout ce qui fait sur Internet en Algérie se fait majoritairement en français. Même les sites des institutions officielles sont au moins dans les deux langues, arabe et français. Il est évident donc que la question qui court au sein de cette organisation c’est bien : «qu’attend l’Algérie pour adhérer à l’OIF ?» Ceux qui détiennent la réponse ne disent pas pourquoi et les autres se perdent en conjectures. Aujourd’hui plus de la moitié des francophones sont africains et dans 40 ans ils seront plus de 80 pour cent. L’Algérie, pour rappel aussi, fait également partie de l’Afrique.
Par Amine Esseghir
Avant d’accueillir le sommet de la francophonie, la ville suisse de Montreux est d’abord la ville du festival international de jazz et c’est justement là où se tient ce fameux festival, au Montreux Music & Convention Centre ou 2m2c - un lieu mythique notamment par les moyens techniques impressionnants et sa surface de 18 000 mètres carrés qu’il propose dédiés aux événements en tous genres, que se tient juste- ment, le sommet de la francophonie.
Ce sommet aura à cœur de parler des questions de sécurité, notamment la situation dans la région sahélo-saharienne. Région africaine francophone par la force de l’histoire. C’est d’ailleurs la première fois que cette organisation met autant en évidence cette dimension africaine de ses adhérents.
L’Algérie, second pays francophone après la France avec ses locuteurs de la langue de Molière estimés à 22 millions, est certes présente au sommet de Montreux, représentée par Abdelakder Bensalah, président du Conseil de la nation, jouissant d’un statut particulier, mais toujours pas membre à part entière de cette organisation.
Faut-il le rappeler ? La langue française c’est la langue qui permet entre autres de lire cet article, de confectionner le journal qui le publie et des dizaines d’autres. C’est la langue d’au moins deux chaînes de radios nationales (chaîne III et AI) et celle de l’essentiel d’une chaîne de télévision publique (canal Algérie). C’est aussi la langue d’enseignement et dans les filières scientifiques à l’université (elle est enseignée dès l’âge de 9 ans dans les écoles publiques, dès 6 ans dans le privé) et il est peu probable que des étudiants ou des enseignants puissent mener sérieusement une carrière universitaire en ne maîtrisant que la langue arabe. C’est une des langues de l’édition, de l’art et de la création dans ce pays. Bref, c’est une langue pratiquée de manière tout à fait naturelle, complètement accaparée par ceux qui l’utilisent, accaparée comme on le ferait effectivement avec un butin de guerre.
Au-delà de la langue
Mais doit-on parler de langue ? Au-delà de cette question l’OIF aborde à l’occasion de ce sommet aussi la question de la francophonie globale, celle qui englobe les questions politiques, économiques, sociales et culturelles. Celle qui permet à l’OIF de dépasser le statut réducteur d’association d’action culturelle.
Récemment, le professeur Albert Lourde, recteur de l’Université Senghor d’Alexandrie, université francophone en Egypte, qui s’exprimait dans «le courrier du Vitenam» à propos de la francophonie globale, donnait l’exemple de l’Algérie : «Il y a quelque temps, j’ai eu la chance de me rendre en Algérie ; et dans l’avion d’Air Algérie, les hôtesses parlaient français et arabe. À l’aéroport d’Alger, d’Oran, d’Annaba, les annonces étaient faites dans les deux langues ; à l’hôtel, tous les personnels étaient francophones. En me promenant dans les rues d’Alger, d’Oran, d’Annaba, j’ai pu constater que les enseignes des commerçants étaient toujours en français et en arabe, et très souvent uniquement en français ; j’entendais tout autour de moi dans la rue les gens parler français. En achetant le journal, j’ai pu choisir entre une dizaine de journaux en français ; j’ai pu écouter le journal télévisé en français à la télévision algérienne. Le français est encore langue d’enseignement à l’Université dans un certain nombre de disciplines.» Ce sont là les éléments de la francophonie globale que l’on retrouve en Algérie qui n’est pas membre de l’OIF mais qui sont absents dans un pays comme la Grèce – et ce n’est pas le seul pays dans ce cas – qui est un pays membre à part entière de la francophonie globale.
Dépasser la question linguistique n’est-ce pas là une des exigences algériennes à son adhésion à cette organisation ? Le président Nicolas Sarkozy a dans un long discours mis en évidence la nécessité de voir un pays africain membre permanent du conseil de sécurité. Une demande formulée dans le cadre de l’Union africaine il n’y a pas si longtemps.
L’Algérie qui a toujours privilégié une action diplomatique à travers son adhésion à des regroupements politiques internationaux n’est-elle pas en train de rater de belles occasions pour défendre les causes qui lui tiennent à cœur ?
Suspense ?
La question de l’adhésion est d’autant plus intéressante depuis quelques années alors que cette fois-ci il n’en est aucunement question, alors que l’idée est devenue une éventualité après le sommet de l’OIF de Beyrouth en 2002.
Il y a deux ans, cette adhésion passait presque pour acquise lors du XII e sommet à Québec. Ce sommet était d’une importance capitale au Canada, alors qu’il s’agissait de confirmer plus que jamais le statut francophone du Québec. Pour le Canada, cela permettait d’entériner aux yeux du monde le bilinguisme au Canada, la langue française étant dans cette région du monde au centre de nombreux enjeux dont certains ont une dimension politique évidente certaine. C’est par le français par exemple que s’exprime un des plus anciens et des plus actifs militantismes sécessionnistes en Amérique du Nord.
L’impact de l’annonce de l’adhésion de l’Algérie à l’OIF au Québec aurait eu l’effet d’un événement et d’un sacré cadeau au Québec. Un Québec foncièrement militant, dont la population ne représente que 2% des habitants du continent nord-américain et 2% de la population de la francophonie, contribue à plus de 30% du contenu francophone sur Internet. Et l’Algérie contribue à quelle hauteur ? Certainement à une dimension appréciable quand on voit que pratiquement tout ce qui fait sur Internet en Algérie se fait majoritairement en français. Même les sites des institutions officielles sont au moins dans les deux langues, arabe et français. Il est évident donc que la question qui court au sein de cette organisation c’est bien : «qu’attend l’Algérie pour adhérer à l’OIF ?» Ceux qui détiennent la réponse ne disent pas pourquoi et les autres se perdent en conjectures. Aujourd’hui plus de la moitié des francophones sont africains et dans 40 ans ils seront plus de 80 pour cent. L’Algérie, pour rappel aussi, fait également partie de l’Afrique.
Par Amine Esseghir
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