Fermeture des derniers bars officiels de Constantine
Publié le : vendredi 2 février 2007. La Tribune
Avec la fermeture des bars des hôtels Cirta et Panoramic, il n’existe plus de bars officiellement ouverts dans la ville de Constantine qui retombe quelque peu dans les travers du début des années soixante quand le gouvernement de l’époque décidait celle (fermeture) de près de la trentaine qui y existait alors.
On se souvient que la mesure brutale décidée par les pouvoirs publics avait surtout profité à quelques personnes, bien entendu à l’entrisme conséquent et aux « épaules larges », selon le jargon populaire, qui avaient obtenu l’autorisation de vendre tous types d’alcool à la condition d’accompagner cette prestation par un repas. Autrement dit vins et sirupeux n’étaient servis qu’à table. Ce qui conduisait à des situations cocasses sachant que les accros à la bouteille se retrouvaient dans des sortes de bouges plus que d’antre de l’art culinaire pour une cuite et non pour consommer de la tambouille qu’un chien refuserait. Ce qui conduira ces mêmes restaurateurs à lever le pied sur le service du repas tout en le facturant d’une part et en surmultipliant le prix de la boisson alcoolisée sollicitée. Seuls demeuraient trois restaurants dans une ville à l’époque de plus de 500 000 habitants et sans doute, compte tenu des mœurs libérées, éloignée de tous les prosélytismes d’importation, dont un vingtième figurait dans le rang des consommateurs. Il devenait de fait facile d’imaginer l’enrichissement rapide des bénéficiaires des autorisations de vente d’alcool. Mais la situation ne s’arrêtera pas là. Annaba, voire la ville de Skikda, où la vente était libre n’était pas loin et de nouveaux types de commerçants allaient naître pour s’y approvisionner à leurs risques et périls au début pour être adoubés ensuite par les agents de l’Etat qui fermaient les yeux contre intéressement.
Les débits de vente illicites qui fonctionnaient surtout les week-ends mettant à profit les fêtes de mariage... très arrosées en ce temps. Face à la demande, ce commerce s’étendra aux autres journées de la semaine et, le créneau s’avérant porteur de bout en bout, ces lieux de vente illicites allaient prendre une autre dimension avec l’ouverture ou la création à ciel ouvert d’une dizaine d’autres et pratiquement au sein ou à la périphérie des cités les plus populeuses et parfois dans des endroits inattendus : des domiciles. Ce n’est qu’au début des années 1990 que le carcan allait se desserrer et permettre l’ouverture de lieux de vente officiellement autorisés qui ne pouvaient, bien entendu, pas être accessibles au citoyen lambda puisque l’avantage ne revenait qu’à d’anciens officiers de police à la retraite qui reconvertissaient autrement une carrière en montant une fortune en un battement de cils. Cela n’empêchera pas la prolifération de lieux non autorisés mais tolérés dans la mesure où les fonctionnaires de l’Etat chargés de leur répression s’y arrosaient dans toute l’acception du propos.
Des personnages presque issus d’une cour des miracles
Cela étant, pour quelle raison les bars des hôtels Cirta et Panoramic ont-ils été fermés ? La réponse nous viendra de M. Lakehal Ayat A, le P-DG de l’EGT Est : « Tout simplement parce que ces lieux sont devenus les antres d’une population interlope [trabendistes, petites frappes locales et prostituées tous azimuts, ndlr] qui les décrédibilisait totalement. Cette fréquentation jetait non seulement l’opprobre sur des hôtels classés (4 étoiles) mais également sur la ville. D’autant plus que la prestation évoquée était loin d’être rentable dans la mesure où les charges étaient égales aux recettes et souvent au-dessous. » Ce que ne nous dira pas le P-DG sera fait par un autre cadre. « Ce sont surtout les barmans qui se sont enrichis. Nous sommes persuadés qu’une grande partie des entrées est détournée mais il est difficile d’en apporter la preuve. »
Mais que vont devenir ces espaces ? M. Lakehal Ayat nous dira : « Ils vont être convertis en salons de thé ouverts aux familles, aux jeunes et aux couples. Ils n’ont pas encore commencé à fonctionner parce qu’il fallait les relooker, d’une part, et s’obliger à une sorte de no man’s land temporel... le temps de les débarrasser d’une mauvaise réputation acquise depuis plus de vingt ans et plus particulièrement au cours de la décennie tragique où toutes les dérives ont été possibles en l’absence d’un cadre de gestion normal. » Ce que ne nous dira pas encore le P-DG de l’EGT Est, tout Constantine le savait.
Les deux hôtels évoqués devenaient à partir de 22 heures le lieu de rendez-vous d’une population disparate, personnages dignes d’une véritable cour des miracles où se mêlaient dans une « parfaite communion » nouveaux riches, policiers, entraîneuses (étudiantes des wilayas limitrophes ou encore des filles issues du lumpenprolétariat local), dealers, hommes politiques improvisés appartenant à un parti né au milieu des années 1990 et évidemment quelques journalistes qui affirmaient a posteriori cohabiter avec ce bouillon de culture rien que pour les besoins de l’information. En conclusion, il est vrai que les bars ne sont plus rentables depuis quelques années (environ depuis 2000) mais il ne faut pas occulter cette vérité qui consiste en ce que disait un rapport d’audit établi en 2002 pour le compte de l’EGT et resté confidentiel et pour cause : « La vente de boissons alcoolisées est la prestation qui permet aux deux hôtels de garder équilibrés les comptes de gestion. » Et le rapport d’audit d’évoquer les charges salariales, la non-fréquentation du restaurant, etc. Soulignons enfin que cette mesure de fermeture a touché l’hôtel Chelia (Batna) pour, forcément, les mêmes raisons.
Par A. Lemili
Publié le : vendredi 2 février 2007. La Tribune
Avec la fermeture des bars des hôtels Cirta et Panoramic, il n’existe plus de bars officiellement ouverts dans la ville de Constantine qui retombe quelque peu dans les travers du début des années soixante quand le gouvernement de l’époque décidait celle (fermeture) de près de la trentaine qui y existait alors.
On se souvient que la mesure brutale décidée par les pouvoirs publics avait surtout profité à quelques personnes, bien entendu à l’entrisme conséquent et aux « épaules larges », selon le jargon populaire, qui avaient obtenu l’autorisation de vendre tous types d’alcool à la condition d’accompagner cette prestation par un repas. Autrement dit vins et sirupeux n’étaient servis qu’à table. Ce qui conduisait à des situations cocasses sachant que les accros à la bouteille se retrouvaient dans des sortes de bouges plus que d’antre de l’art culinaire pour une cuite et non pour consommer de la tambouille qu’un chien refuserait. Ce qui conduira ces mêmes restaurateurs à lever le pied sur le service du repas tout en le facturant d’une part et en surmultipliant le prix de la boisson alcoolisée sollicitée. Seuls demeuraient trois restaurants dans une ville à l’époque de plus de 500 000 habitants et sans doute, compte tenu des mœurs libérées, éloignée de tous les prosélytismes d’importation, dont un vingtième figurait dans le rang des consommateurs. Il devenait de fait facile d’imaginer l’enrichissement rapide des bénéficiaires des autorisations de vente d’alcool. Mais la situation ne s’arrêtera pas là. Annaba, voire la ville de Skikda, où la vente était libre n’était pas loin et de nouveaux types de commerçants allaient naître pour s’y approvisionner à leurs risques et périls au début pour être adoubés ensuite par les agents de l’Etat qui fermaient les yeux contre intéressement.
Les débits de vente illicites qui fonctionnaient surtout les week-ends mettant à profit les fêtes de mariage... très arrosées en ce temps. Face à la demande, ce commerce s’étendra aux autres journées de la semaine et, le créneau s’avérant porteur de bout en bout, ces lieux de vente illicites allaient prendre une autre dimension avec l’ouverture ou la création à ciel ouvert d’une dizaine d’autres et pratiquement au sein ou à la périphérie des cités les plus populeuses et parfois dans des endroits inattendus : des domiciles. Ce n’est qu’au début des années 1990 que le carcan allait se desserrer et permettre l’ouverture de lieux de vente officiellement autorisés qui ne pouvaient, bien entendu, pas être accessibles au citoyen lambda puisque l’avantage ne revenait qu’à d’anciens officiers de police à la retraite qui reconvertissaient autrement une carrière en montant une fortune en un battement de cils. Cela n’empêchera pas la prolifération de lieux non autorisés mais tolérés dans la mesure où les fonctionnaires de l’Etat chargés de leur répression s’y arrosaient dans toute l’acception du propos.
Des personnages presque issus d’une cour des miracles
Cela étant, pour quelle raison les bars des hôtels Cirta et Panoramic ont-ils été fermés ? La réponse nous viendra de M. Lakehal Ayat A, le P-DG de l’EGT Est : « Tout simplement parce que ces lieux sont devenus les antres d’une population interlope [trabendistes, petites frappes locales et prostituées tous azimuts, ndlr] qui les décrédibilisait totalement. Cette fréquentation jetait non seulement l’opprobre sur des hôtels classés (4 étoiles) mais également sur la ville. D’autant plus que la prestation évoquée était loin d’être rentable dans la mesure où les charges étaient égales aux recettes et souvent au-dessous. » Ce que ne nous dira pas le P-DG sera fait par un autre cadre. « Ce sont surtout les barmans qui se sont enrichis. Nous sommes persuadés qu’une grande partie des entrées est détournée mais il est difficile d’en apporter la preuve. »
Mais que vont devenir ces espaces ? M. Lakehal Ayat nous dira : « Ils vont être convertis en salons de thé ouverts aux familles, aux jeunes et aux couples. Ils n’ont pas encore commencé à fonctionner parce qu’il fallait les relooker, d’une part, et s’obliger à une sorte de no man’s land temporel... le temps de les débarrasser d’une mauvaise réputation acquise depuis plus de vingt ans et plus particulièrement au cours de la décennie tragique où toutes les dérives ont été possibles en l’absence d’un cadre de gestion normal. » Ce que ne nous dira pas encore le P-DG de l’EGT Est, tout Constantine le savait.
Les deux hôtels évoqués devenaient à partir de 22 heures le lieu de rendez-vous d’une population disparate, personnages dignes d’une véritable cour des miracles où se mêlaient dans une « parfaite communion » nouveaux riches, policiers, entraîneuses (étudiantes des wilayas limitrophes ou encore des filles issues du lumpenprolétariat local), dealers, hommes politiques improvisés appartenant à un parti né au milieu des années 1990 et évidemment quelques journalistes qui affirmaient a posteriori cohabiter avec ce bouillon de culture rien que pour les besoins de l’information. En conclusion, il est vrai que les bars ne sont plus rentables depuis quelques années (environ depuis 2000) mais il ne faut pas occulter cette vérité qui consiste en ce que disait un rapport d’audit établi en 2002 pour le compte de l’EGT et resté confidentiel et pour cause : « La vente de boissons alcoolisées est la prestation qui permet aux deux hôtels de garder équilibrés les comptes de gestion. » Et le rapport d’audit d’évoquer les charges salariales, la non-fréquentation du restaurant, etc. Soulignons enfin que cette mesure de fermeture a touché l’hôtel Chelia (Batna) pour, forcément, les mêmes raisons.
Par A. Lemili
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