J’avoue avoir bien apprécié certaines chroniques de Kamel Daoud, publiées par Le Quotidien d’Oran à la rubrique Raïna Raïkoum. J’en ai relayé quelques unes par mails adressés à des amis ou ici et là sur internet. Elles étaient percutantes, pleines de perspicacité et écrites dans un style plaisant.
Par contre, je qualifie le contenu d’autres… d’inacceptable, pour ne pas dépasser les limites de la correction. Toutefois, il restait jusqu’à dernièrement, que ses écrits que je trouvais de bonne facture contrebalançaient avantageusement le caractère négatif des autres.
Bien sûr, dans ses chroniques, quelle qu’en soit la qualité, Kamel Daoud accentuait délibérément certains aspects de ce qu’il décrivait, ne rechignant pas à être provocateur pour mieux frapper l’esprit du lecteur. Je me représentais ses écrits comme des caricatures «sociales» dessinées en mots et non pas en traits. Ainsi, certaines formulations qui pouvaient être perçues chez d’autres comme outrancières devenaient, chez Kamel Daoud, acceptables si cela était tempéré par ce que renvoyait globalement la chronique dans son intégralité, et il arrivait même que c’étaient ces «outrances» qui rendaient la chronique attrayante.
La tendance pour moi, et peut-être même pour bien d’autres lecteurs, était à pardonner, à un chroniqueur talentueux, des écarts mis sur le compte de la contrainte de l’écriture à chaud d’une chronique quotidienne et au fait qu’il ne s’agit pas d’un homme politique, d’un publiciste ou d’un spécialiste des sciences sociales mais d’un journaliste.
Alors, comment se fait-il que bon nombre de ceux qui ont soutenu Kamel Daoud quand il a subi de féroces attaques à la suite de la présélection pour le Goncourt de son roman: «Meursault, Contre-enquête», se détournent de lui et même le critiquent vertement, notamment depuis son brûlot sur «La Nuit de Cologne» ?
Plusieurs explications ont été formulées par les uns et les autres : «haine de soi», «syndrome du néo-colonisé», «manipulé par les milieux français revanchards et racistes», «a vendu son âme au diable pour donner un élan à sa carrière littéraire», «il veut régler des comptes avec sa sympathie de jeunesse avec l’islamisme», etc. En gros, il s’agit de spéculations sur ses intentions, sa conduite, ses motivations. Globalement des conclusions sur sa personne, souvent hasardeuses, tirées par les cheveux à partir de ses écrits.
Pour ma part, c’est plutôt ce qui découle de la construction générale de bon nombre de ses écrits qui me pousse à les rejeter.
Des écrivains satiriques, en mettant en scène un personnage qui a un trait de caractère, ont critiqué ce trait de caractère et non pas le personnage lui-même ou la communauté à laquelle appartient ce personnage. C’est le cas de Molière dans «L’Avare» où c’est l’avarice qui est critiquée, l’arrivisme dans «Le Bourgeois Gentilhomme», l’hypocondrie dans le «Malade imaginaire», la bigoterie hypocrite dans «Tartuffe », etc. Pour d’autres auteurs, les tribulations de personnages sont un prétexte pour mettre en cause un régime politique, un courant idéologique, un «fléau social», comme c’est le cas par exemple pour Rachid Mimouni dans «Tombeza» et dans «L’Honneur de la Tribu» ... Au bout du compte, dans ces œuvres, ce ne sont pas des groupes humains entiers qui sont fustigés pour leur appartenance religieuse, pour leur nationalité ou pour un référent identitaire, mais le défaut lui-même.
Dans les écrits qui ont été mis en cause par ses détracteurs, Kamel Daoud adopte une démarche inverse. Il y part d’un défaut, une tendance négative, un vice ou même un délit, pour viser, sermonner et stigmatiser tout un groupe humain (Algériens, musulmans, réfugiés moyen-orientaux en Europe, Arabes, etc.) à qui il accole ce défaut. Pour y arriver, il se retrouve à recycler des clichés dévalorisants, de procéder à des généralisations abusives et caricaturales, et à recourir à des appréciations unilatérales négligeant des éléments explicatifs importants.
Ainsi, pour la critique de l’assistanat, Kamel Daoud réduit tous les Algériens, dans de nombreuses chroniques, à des tubes digestifs et donc à des parasites qui ne survivent que grâce à la rente pétrolière, acceptant par là-même d’être "corrompus" par un pouvoir illégitime.
En réaction aux multiples plaintes de femmes pour harcèlement sexuel à Cologne à l’occasion de la célébration du nouvel an 2016, Kamel Daoud diabolise tous les Musulmans par la libido, «Les Occidentaux découvrent, anxieux et apeurés, que le sexe dans le monde musulman est malade, et que la maladie se propage sur leurs propres terres.» Le Musulman porte donc en lui les germes du viol et en acceptant des réfugiés moyen-orientaux, les pays européens ouvrent la porte à la propagation de ce mal chez eux.
Selon sa chronique du 27 septembre 2017 intitulée: «Mémoire du premier cosmonaute arabe», l’Arabe est culturellement (on peut même dire génétiquement) un terroriste. Ainsi, embarquer un Arabe dans une navette spatiale a été, selon Kamel Daoud, une décision dangereuse pour les Occidentaux: «Le risque le plus gros pris par les Occidentaux depuis le 11 septembre : rien ne m’empêchait [moi l’Arabe "générique"] de précipiter la navette sur le Pentagone.»
Par cette démarche, certains discours de Kamel Daoud agissent en résonance avec ceux de milieux racistes en France et dans d’autres pays occidentaux.
Pour expliciter mon point de vue, voici une rimaillerie:
Par contre, je qualifie le contenu d’autres… d’inacceptable, pour ne pas dépasser les limites de la correction. Toutefois, il restait jusqu’à dernièrement, que ses écrits que je trouvais de bonne facture contrebalançaient avantageusement le caractère négatif des autres.
Bien sûr, dans ses chroniques, quelle qu’en soit la qualité, Kamel Daoud accentuait délibérément certains aspects de ce qu’il décrivait, ne rechignant pas à être provocateur pour mieux frapper l’esprit du lecteur. Je me représentais ses écrits comme des caricatures «sociales» dessinées en mots et non pas en traits. Ainsi, certaines formulations qui pouvaient être perçues chez d’autres comme outrancières devenaient, chez Kamel Daoud, acceptables si cela était tempéré par ce que renvoyait globalement la chronique dans son intégralité, et il arrivait même que c’étaient ces «outrances» qui rendaient la chronique attrayante.
La tendance pour moi, et peut-être même pour bien d’autres lecteurs, était à pardonner, à un chroniqueur talentueux, des écarts mis sur le compte de la contrainte de l’écriture à chaud d’une chronique quotidienne et au fait qu’il ne s’agit pas d’un homme politique, d’un publiciste ou d’un spécialiste des sciences sociales mais d’un journaliste.
Alors, comment se fait-il que bon nombre de ceux qui ont soutenu Kamel Daoud quand il a subi de féroces attaques à la suite de la présélection pour le Goncourt de son roman: «Meursault, Contre-enquête», se détournent de lui et même le critiquent vertement, notamment depuis son brûlot sur «La Nuit de Cologne» ?
Plusieurs explications ont été formulées par les uns et les autres : «haine de soi», «syndrome du néo-colonisé», «manipulé par les milieux français revanchards et racistes», «a vendu son âme au diable pour donner un élan à sa carrière littéraire», «il veut régler des comptes avec sa sympathie de jeunesse avec l’islamisme», etc. En gros, il s’agit de spéculations sur ses intentions, sa conduite, ses motivations. Globalement des conclusions sur sa personne, souvent hasardeuses, tirées par les cheveux à partir de ses écrits.
Pour ma part, c’est plutôt ce qui découle de la construction générale de bon nombre de ses écrits qui me pousse à les rejeter.
Des écrivains satiriques, en mettant en scène un personnage qui a un trait de caractère, ont critiqué ce trait de caractère et non pas le personnage lui-même ou la communauté à laquelle appartient ce personnage. C’est le cas de Molière dans «L’Avare» où c’est l’avarice qui est critiquée, l’arrivisme dans «Le Bourgeois Gentilhomme», l’hypocondrie dans le «Malade imaginaire», la bigoterie hypocrite dans «Tartuffe », etc. Pour d’autres auteurs, les tribulations de personnages sont un prétexte pour mettre en cause un régime politique, un courant idéologique, un «fléau social», comme c’est le cas par exemple pour Rachid Mimouni dans «Tombeza» et dans «L’Honneur de la Tribu» ... Au bout du compte, dans ces œuvres, ce ne sont pas des groupes humains entiers qui sont fustigés pour leur appartenance religieuse, pour leur nationalité ou pour un référent identitaire, mais le défaut lui-même.
Dans les écrits qui ont été mis en cause par ses détracteurs, Kamel Daoud adopte une démarche inverse. Il y part d’un défaut, une tendance négative, un vice ou même un délit, pour viser, sermonner et stigmatiser tout un groupe humain (Algériens, musulmans, réfugiés moyen-orientaux en Europe, Arabes, etc.) à qui il accole ce défaut. Pour y arriver, il se retrouve à recycler des clichés dévalorisants, de procéder à des généralisations abusives et caricaturales, et à recourir à des appréciations unilatérales négligeant des éléments explicatifs importants.
Ainsi, pour la critique de l’assistanat, Kamel Daoud réduit tous les Algériens, dans de nombreuses chroniques, à des tubes digestifs et donc à des parasites qui ne survivent que grâce à la rente pétrolière, acceptant par là-même d’être "corrompus" par un pouvoir illégitime.
En réaction aux multiples plaintes de femmes pour harcèlement sexuel à Cologne à l’occasion de la célébration du nouvel an 2016, Kamel Daoud diabolise tous les Musulmans par la libido, «Les Occidentaux découvrent, anxieux et apeurés, que le sexe dans le monde musulman est malade, et que la maladie se propage sur leurs propres terres.» Le Musulman porte donc en lui les germes du viol et en acceptant des réfugiés moyen-orientaux, les pays européens ouvrent la porte à la propagation de ce mal chez eux.
Selon sa chronique du 27 septembre 2017 intitulée: «Mémoire du premier cosmonaute arabe», l’Arabe est culturellement (on peut même dire génétiquement) un terroriste. Ainsi, embarquer un Arabe dans une navette spatiale a été, selon Kamel Daoud, une décision dangereuse pour les Occidentaux: «Le risque le plus gros pris par les Occidentaux depuis le 11 septembre : rien ne m’empêchait [moi l’Arabe "générique"] de précipiter la navette sur le Pentagone.»
Par cette démarche, certains discours de Kamel Daoud agissent en résonance avec ceux de milieux racistes en France et dans d’autres pays occidentaux.
Pour expliciter mon point de vue, voici une rimaillerie:
A qui lis-tu tes psaumes Daoud ?
«J’ai rassemblé une foule d’hommes
A qui j’ai clamé mes psaumes.
Très vite ils se sont détournés
A la solitude ils m’ont abandonné.
Mon très cher et valeureux frère !
Que dois-je leur dire et quoi faire ?»
J’ai essayé de leur rendre service
Et les guérir vite de leurs maux
En les fouettant avec de bons mots
J’ai pris leurs tares pour les décrire
Ils n’y ont vu rien que du délire
Certains, sans prendre la peine de me lire
Ont décrété qu’il fallait m’occire.
D’autres m’ont manifesté du soutien
Mes discours leur conviennent bien
On ne peut pas leur faire admettre
L’idée que je puisse être un traitre.»
«J’ai rassemblé une foule d’hommes
A qui j’ai clamé mes psaumes.
Très vite ils se sont détournés
A la solitude ils m’ont abandonné.
Mon très cher et valeureux frère !
Que dois-je leur dire et quoi faire ?»
«Ton discours exhalait-il de l’amour
Tes mots étaient-ils perdition ou secours ?
Ou par la seule harmonie de tes sermons
Tu as voulu chasser tous leurs démons.
Tes paroles, ils ne pouvaient les comprendre
Leurs clefs tu n’as pas su les leur apprendre.»
«J’ai scruté et relevé leurs vicesTes mots étaient-ils perdition ou secours ?
Ou par la seule harmonie de tes sermons
Tu as voulu chasser tous leurs démons.
Tes paroles, ils ne pouvaient les comprendre
Leurs clefs tu n’as pas su les leur apprendre.»
J’ai essayé de leur rendre service
Et les guérir vite de leurs maux
En les fouettant avec de bons mots
J’ai pris leurs tares pour les décrire
Ils n’y ont vu rien que du délire
Certains, sans prendre la peine de me lire
Ont décrété qu’il fallait m’occire.
D’autres m’ont manifesté du soutien
Mes discours leur conviennent bien
On ne peut pas leur faire admettre
L’idée que je puisse être un traitre.»
« Mais depuis Cologne, parmi les tiens
Tu as perdu beaucoup de soutiens
Si à leurs ennemis tu veux plaire,
Tu continueras de prêcher dans un désert.
Pour nombre des tiens, la réalité
Est que tu les as odieusement insultés.
A partir de défauts tu as attaqué des gens
Tout confondant et tout mélangeant
Tu as critiqué des peuples, sans débattre
En généralisant de tares à combattre.
Il n’y a qu’à inverser l’angle du regard
Changer les points d’arrivée et de départ.»
Tu as perdu beaucoup de soutiens
Si à leurs ennemis tu veux plaire,
Tu continueras de prêcher dans un désert.
Pour nombre des tiens, la réalité
Est que tu les as odieusement insultés.
A partir de défauts tu as attaqué des gens
Tout confondant et tout mélangeant
Tu as critiqué des peuples, sans débattre
En généralisant de tares à combattre.
Il n’y a qu’à inverser l’angle du regard
Changer les points d’arrivée et de départ.»
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