Entretien avec Driss El Azami ministre délégué chargé du budget Le rendement du système fiscal sera renforcé
L’idée est d’améliorer les services de recouvrement, de s’attaquer à l’évasion et la fraude fiscales. 24 milliards de DH restent à recouvrerRecours au financement extérieur, restes à recouvrer, administration au régime… autant de nouveaux chantiers que le ministère de l’Economie et des finances compte mener. Driss El Azami, ministre délégué en charge du Budget, et ancien de la direction du Trésor et des finances extérieures, envisage de s’attaquer aux dépenses fiscales.
- L’Economiste: Vous avez présenté hier jeudi le projet de budget pour 2012. Quelles sont les principales touches du gouvernement de Benkirane?
- Driss El Azami: Elles se situent à deux niveaux. D’abord dans le soutien à l’investissement public pour stimuler la demande et pallier les difficultés liées à l’environnement international. Il passera de 167 milliards de DH en 2011 à 188 milliards cette année, soit une enveloppe additionnelle de 21 milliards de DH. L’investissement public inclut notamment le budget général, les établissements publics et les collectivités locales. Ensuite, les mesures sociales de soutien à la consommation. Le projet intègre les engagements du dialogue social évalués à 13,2 milliards de DH. Rien que la prise en charge de la revalorisation des salaires de 600 DH nécessite 8,7 milliards de DH. Sans parler de la hausse des pensions minimales qui vont passer de 600 à 1.000 DH. Malgré le contexte national et international difficile, il faut honorer les engagements antérieurs du gouvernement sortant.
- Les dépenses fiscales sont énormes, plus de 32 milliards de DH. Que faut-il faire?
- Nous avons l’impression qu’il y a une sédimentation d’un certain nombre d’exonérations et d’avantages fiscaux qui se justifiaient en leur temps par rapport à une politique économique ou sociale. Dans le cadre des Assises de la fiscalité, la réforme s’attaquera notamment à ces exonérations. Non pas pour les supprimer de manière dogmatique, mais pour les passer à l’aune de l’efficacité économique et sociale. Si elles sont justifiées, elles seront maintenues. Sinon, elles seront rendues à l’Etat pour qu’il puisse mener sa politique économique et sociale. Mais pour le futur, il faudra procéder autrement. Les nouvelles exonérations seront étudiées a priori, en mesurant leurs impacts économique, financier et social. Elles ne seront pas permanentes. Si aujourd’hui on demande un avantage fiscal, il sera inscrit dans le temps pour être levé une fois l’objectif atteint.
- Respect des engagements, plan anti-sécheresse, charges de la compensation… comment allez-vous financer tout cela?
- Sur le financement, il y a deux volets. Le premier concerne la dépense. Dans le cadre de la loi de Finances, le gouvernement a pris l’engagement de travailler sur la réduction de 50% de tout ce qui est frais de fonctionnement inutiles ou ostentatoires. Un travail de normalisation de certaines dépenses ayant connu des dépassements sera entrepris. Je pense aux voitures et aux bâtiments administratifs. Le deuxième volet porte sur les recettes. Le rendement du système fiscal doit être renforcé.
L’idée est d’améliorer les services de recouvrement, de s’attaquer à l’évasion et la fraude fiscales. Nous allons également travailler sur les restes à recouvrer qui sont très importants. Ce sont des droits qui sont établis et pour lesquels soit les contribuables sont introuvables, soit qu’ils ont organisé leur insolvabilité.
- Ces restes à recouvrer sont estimés à combien?
- Les estimations sont différentes. Au niveau de la douane, nous avons près de 4 milliards de DH. Pour les impôts et taxes assimilées, nous sommes autour de 20 milliards de DH.
- Les finances publiques ne sont pas au top. Que faire pour redresser la barre?
- Nous avons terminé l’année avec un déficit de 6,1% du PIB, un niveau élevé par rapport aux 3,5% qui ont été votés. N’empêche, la spécificité du Maroc est qu’il n’y a pas un couplage entre un déficit important et un taux d’endettement élevé. Nous avons de la marge pour financer ce déficit. Nous avons terminé l’année 2011 avec un taux d’endettement de 52,9% du PIB. Heureusement, les deux indicateurs ne sont pas au rouge.
- Un déficit découvert et un autre voté… les chiffres n’étaient pas bons?
- Deux postes essentiels ont changé la donne. Le 1er concerne la compensation. La loi de Finances 2011 a été votée sur la base d’un chiffre de la compensation de 17 milliards de DH, avec un baril à 75 dollars alors qu’on savait pertinemment à l’époque qu’on allait terminer l’année avec une moyenne de 100 dollars minimum. 25 dollars ont été en quelque sorte déprogrammés de la loi de Finances. De 17 milliards de DH on a terminé l’année avec 48,8 milliards. C’est essentiellement le chiffre qui a changé le déficit voté. Le deuxième concerne l’augmentation des charges salariales suite aux implications du dialogue social.
- Qu’en est-il pour le recours au marché financier international?
- Pour la logique de trésorerie, le déficit visé pour cette année sera de 5%. Cela veut dire que nous aurons un besoin de financement de près de 60 milliards de DH. Durant ces dernières années, nous étions toujours sur un ratio de financement de 80% à l’intérieur et 20% à l’international. C’est un choix parce que le marché intérieur le permettait en raison des liquidités. Mais c’est également un revenu et une valeur ajoutée créés sur place au lieu de payer le reste du monde. Nous avons eu recours au financement extérieur et non au marché international puisque nous mobilisons des financements auprès de nos partenaires.
- La dernière fois, vous aviez eu recours au marché des capitaux pour 1 milliard d’euros.
- Oui, en 2010. Les sorties du Maroc sur le marché des capitaux sont ponctuelles. Nous n’avons pas un recours, comme le cas de la France ou d’autres pays, au marché international comme s’il était le marché intérieur.
La donnée structurelle est de recourir au marché intérieur. L’international est un marché d’appoint. Nous ferons appel aux bailleurs de fonds comme la Banque mondiale ou la BAD. Nous avons d’autres nouveaux partenaires comme la Berd ou le recours à d’autres financements dans le cadre du partenariat de Deauville.
- Combien allez-vous chercher à l’international?
- 20 milliards de DH auprès de nos bailleurs de fonds et 40 milliards pour le marché intérieur.
- Y a–il un calendrier?
-Il est décliné dans le cadre de programmes pluriannuels que nous avons avec ces bailleurs de fonds. En plus des recours ponctuels auprès de la Banque islamique de développement et des fonds arabes. En général, ce sont des programmations qui se font annuellement, en fonction des priorités du gouvernement.
L'Economiste
L’idée est d’améliorer les services de recouvrement, de s’attaquer à l’évasion et la fraude fiscales. 24 milliards de DH restent à recouvrerRecours au financement extérieur, restes à recouvrer, administration au régime… autant de nouveaux chantiers que le ministère de l’Economie et des finances compte mener. Driss El Azami, ministre délégué en charge du Budget, et ancien de la direction du Trésor et des finances extérieures, envisage de s’attaquer aux dépenses fiscales.
- L’Economiste: Vous avez présenté hier jeudi le projet de budget pour 2012. Quelles sont les principales touches du gouvernement de Benkirane?
- Driss El Azami: Elles se situent à deux niveaux. D’abord dans le soutien à l’investissement public pour stimuler la demande et pallier les difficultés liées à l’environnement international. Il passera de 167 milliards de DH en 2011 à 188 milliards cette année, soit une enveloppe additionnelle de 21 milliards de DH. L’investissement public inclut notamment le budget général, les établissements publics et les collectivités locales. Ensuite, les mesures sociales de soutien à la consommation. Le projet intègre les engagements du dialogue social évalués à 13,2 milliards de DH. Rien que la prise en charge de la revalorisation des salaires de 600 DH nécessite 8,7 milliards de DH. Sans parler de la hausse des pensions minimales qui vont passer de 600 à 1.000 DH. Malgré le contexte national et international difficile, il faut honorer les engagements antérieurs du gouvernement sortant.
- Les dépenses fiscales sont énormes, plus de 32 milliards de DH. Que faut-il faire?
- Nous avons l’impression qu’il y a une sédimentation d’un certain nombre d’exonérations et d’avantages fiscaux qui se justifiaient en leur temps par rapport à une politique économique ou sociale. Dans le cadre des Assises de la fiscalité, la réforme s’attaquera notamment à ces exonérations. Non pas pour les supprimer de manière dogmatique, mais pour les passer à l’aune de l’efficacité économique et sociale. Si elles sont justifiées, elles seront maintenues. Sinon, elles seront rendues à l’Etat pour qu’il puisse mener sa politique économique et sociale. Mais pour le futur, il faudra procéder autrement. Les nouvelles exonérations seront étudiées a priori, en mesurant leurs impacts économique, financier et social. Elles ne seront pas permanentes. Si aujourd’hui on demande un avantage fiscal, il sera inscrit dans le temps pour être levé une fois l’objectif atteint.
- Respect des engagements, plan anti-sécheresse, charges de la compensation… comment allez-vous financer tout cela?
- Sur le financement, il y a deux volets. Le premier concerne la dépense. Dans le cadre de la loi de Finances, le gouvernement a pris l’engagement de travailler sur la réduction de 50% de tout ce qui est frais de fonctionnement inutiles ou ostentatoires. Un travail de normalisation de certaines dépenses ayant connu des dépassements sera entrepris. Je pense aux voitures et aux bâtiments administratifs. Le deuxième volet porte sur les recettes. Le rendement du système fiscal doit être renforcé.
L’idée est d’améliorer les services de recouvrement, de s’attaquer à l’évasion et la fraude fiscales. Nous allons également travailler sur les restes à recouvrer qui sont très importants. Ce sont des droits qui sont établis et pour lesquels soit les contribuables sont introuvables, soit qu’ils ont organisé leur insolvabilité.
- Ces restes à recouvrer sont estimés à combien?
- Les estimations sont différentes. Au niveau de la douane, nous avons près de 4 milliards de DH. Pour les impôts et taxes assimilées, nous sommes autour de 20 milliards de DH.
- Les finances publiques ne sont pas au top. Que faire pour redresser la barre?
- Nous avons terminé l’année avec un déficit de 6,1% du PIB, un niveau élevé par rapport aux 3,5% qui ont été votés. N’empêche, la spécificité du Maroc est qu’il n’y a pas un couplage entre un déficit important et un taux d’endettement élevé. Nous avons de la marge pour financer ce déficit. Nous avons terminé l’année 2011 avec un taux d’endettement de 52,9% du PIB. Heureusement, les deux indicateurs ne sont pas au rouge.
- Un déficit découvert et un autre voté… les chiffres n’étaient pas bons?
- Deux postes essentiels ont changé la donne. Le 1er concerne la compensation. La loi de Finances 2011 a été votée sur la base d’un chiffre de la compensation de 17 milliards de DH, avec un baril à 75 dollars alors qu’on savait pertinemment à l’époque qu’on allait terminer l’année avec une moyenne de 100 dollars minimum. 25 dollars ont été en quelque sorte déprogrammés de la loi de Finances. De 17 milliards de DH on a terminé l’année avec 48,8 milliards. C’est essentiellement le chiffre qui a changé le déficit voté. Le deuxième concerne l’augmentation des charges salariales suite aux implications du dialogue social.
- Qu’en est-il pour le recours au marché financier international?
- Pour la logique de trésorerie, le déficit visé pour cette année sera de 5%. Cela veut dire que nous aurons un besoin de financement de près de 60 milliards de DH. Durant ces dernières années, nous étions toujours sur un ratio de financement de 80% à l’intérieur et 20% à l’international. C’est un choix parce que le marché intérieur le permettait en raison des liquidités. Mais c’est également un revenu et une valeur ajoutée créés sur place au lieu de payer le reste du monde. Nous avons eu recours au financement extérieur et non au marché international puisque nous mobilisons des financements auprès de nos partenaires.
- La dernière fois, vous aviez eu recours au marché des capitaux pour 1 milliard d’euros.
- Oui, en 2010. Les sorties du Maroc sur le marché des capitaux sont ponctuelles. Nous n’avons pas un recours, comme le cas de la France ou d’autres pays, au marché international comme s’il était le marché intérieur.
La donnée structurelle est de recourir au marché intérieur. L’international est un marché d’appoint. Nous ferons appel aux bailleurs de fonds comme la Banque mondiale ou la BAD. Nous avons d’autres nouveaux partenaires comme la Berd ou le recours à d’autres financements dans le cadre du partenariat de Deauville.
- Combien allez-vous chercher à l’international?
- 20 milliards de DH auprès de nos bailleurs de fonds et 40 milliards pour le marché intérieur.
- Y a–il un calendrier?
-Il est décliné dans le cadre de programmes pluriannuels que nous avons avec ces bailleurs de fonds. En plus des recours ponctuels auprès de la Banque islamique de développement et des fonds arabes. En général, ce sont des programmations qui se font annuellement, en fonction des priorités du gouvernement.
L'Economiste
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