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Biographie du prophete sws.

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  • #76
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    Le Prophète ne répondit pas et 'Abdullâh répéta ce qu'il avait dit d'un ton rude. Le Prophète se contenta de se détourner. 'Abdullâh mit alors la main dans l'armure du Prophète, qui lui demanda de le lâcher. 'Abdullâh n'écouta pas. Le Prophète se mit en colère et lui dit : « Lâche-moi ! » Abdullâh répliqua : « Je ne te lâcherai pas tant que tu ne te montreras pas généreux envers mes alliés. Ce sont 700 combattants qui me protégeaient contre tous mes ennemis et tu viens les achever en une seule journée. Je suis un homme qui craint les revirements du sort. » Le Prophète répondit alors : « Ils sont à toi. »

    Lorsque les juifs de Qaynuqâ' virent que le siège était rude et qu'ils ne recevraient aucun secours des autres tribus juives ni de leurs alliés, ils comprirent que l'affaire était perdue. Envahis par la peur, ils décidèrent de demander au Prophète de les laisser quitter Médine. Il accepta leur offre de quitter la ville et les laissa partir avec leurs femmes et leurs enfants à condition qu'ils laissent derrière eux leurs biens et leurs armes. Il désigna leur ancien allié, 'Ubâda ibn as-Sâmit, pour superviser leur départ : c'était là un geste très généreux de la part du Prophète car 'Ubâda ne manquerait pas de les traiter avec bonté. C'est ainsi que la première tribu juive quitta Médine.

    Il est clair qu'en la circonstance, le Prophète adopta une attitude relativement indulgente envers les hypocrites et cette tribu juive. Bien que Abdullâh ibn Ubayy se soit comporté avec autant d'insolence et ait mis le Prophète en colère, ce dernier ne laissa pas la colère dicter ses actes : il permit à Abdullâh de conserver son alliance avec les juifs de Qaynuqâ' et les autorisa à quitter Médine en paix avec leurs femmes et leurs enfants.

    Cette attitude modérée ne fit guère d'effet sur Abdullâh, qui demeura hostile à l'islam tout en se proclamant musulman. À diverses reprises, il prit des positions qui nuirent gravement à la cause de l'islam. Certains historiens suggèrent que si le Prophète s'était montré intransigeant avec lui dès le début, il aurait réfléchi à deux fois avant d'adopter à nouveau une posture hostile. Cet argument ne tient toutefois pas compte du fait que Abdullâh disposait d'un fort soutien chez ceux des Arabes de Médine qui considéraient l'islam avec haine et suspicion. Abdullâh était un homme très influent. Avant l'émigration du Prophète à Médine, des préparatifs étaient en cours pour le proclamer roi de Médine. Ce ne fut qu'en raison de l'avènement de l'islam à Médine que cette position lui échappa.

    Le principal objectif du Prophète était d'élargir la base de l'islam et de le diffuser de toutes parts. Il considérait qu'une confrontation entre ses partisans et les Arabes de Médine aurait un effet négatif sur la cause de l'islam en dehors de la ville. D'autres tribus arabes y verraient un simple conflit interne entre deux groupes de musulmans : ils ne pouvaient pas savoir que Abdullâh et ses partisans n'étaient pas de vrais musulmans, puisqu'ils s'en donnaient l'apparence. La rumeur se répandrait que Muhammad tuait ses propres adeptes.

    Cela ne pourrait que donner aux autres tribus et nations une idée extrêmement fausse de l'islam et de son message. Le mal généré par une telle attitude dépasserait donc de loin les avantages qu'aurait pu apporter une plus grande fermeté envers les hypocrites. En revanche, la confrontation avec la tribu de Qaynuqâ' était inévitable. Les relations n'avaient pas été calmes entre eux et les musulmans au cours des dix-huit mois écoulés depuis l'émigration du Prophète à Médine. Il était clair que cette tribu encourageait les hypocrites à s'opposer à l'islam et tentait de semer la discorde entre les deux principaux groupes de musulmans, les muhâjirûn (qui avaient émigré de La Mecque) et les ansâr (originaires de Médine).

    Les juifs de Qaynuqâ' tentèrent même de persuader le Prophète de quitter Médine pour Jérusalem. Ils essayèrent aussi de le mettre dans l'embarras en posant des questions sur tous les aspects de la foi et de la religion, dans l'espoir que ces questions pousseraient certains de ses adeptes à reconsidérer leur attitude envers l'islam. Le Prophète resta cependant ferme face à toutes ces tentatives. Le Coran, dont la révélation se poursuivait, répondait à toutes leurs questions et donnait aux musulmans le dernier mot sur tous les aspects de la foi et de la religion.

    Tout cela conduisit néanmoins à une escalade de la tension entre les deux camps. La tribu de Qaynuqâ', qui vivait au milieu des musulmans, fut la première tribu juive à tenter de s'opposer à eux. Il est difficile de comprendre comment les membres de cette tribu ont pu croire qu'ils pourraient être assez forts pour affronter les musulmans, d'autant plus que ces derniers venaient de remporter une victoire éclatante contre les Quraysh. Leur moral était donc excellent : ils étaient certains du soutien de Dieu et convaincus que Lui Seul leur avait accordé la victoire à Badr. Ils étaient conscients que s'ils étaient sincères dans leur soumission à Dieu, Il les soutiendrait dans toute confrontation.

    Les dirigeants de Qaynuqâ' avaient probablement pensé que si les musulmans ne subissaient pas rapidement un coup sévère ou une défaite, ils ne feraient que devenir de plus en plus forts et que bientôt rien ne pourrait plus les arrêter. Ils se sont peut-être dit que c'était dans un affrontement avec les musulmans à ce moment précis que résidait leur meilleure chance d'obtenir la victoire.

    Le cas d'un notable Juif

    Un personnage important de la tribu juive d'an-Nadîr, Ka'b ibn al-Ashraf, fut tellement accablé par la défaite des Quraysh à Badr qu'il dit que la mort serait préférable à la vie maintenant que les chefs de Quraysh avaient été tués. Peu après la victoire des musulmans à Badr, Ka'b se rendit à La Mecque pour présenter ses condoléances aux Arabes païens et les encourager à se préparer à un autre affrontement où ils pourraient se venger de Muhammad et de ses compagnons.

    Lorsqu'il était à La Mecque, il composa des poèmes condamnant les musulmans et particulièrement le Prophète et prenant ouvertement parti pour les idolâtres de Quraysh. Après un long séjour à La Mecque où il déploya tous ses efforts pour persuader les Quraysh de préparer une offensive contre les musulmans, il retourna à Médine où il commença, pour ainsi dire, à assener des coups bas aux musulmans.

    Il rédigea des poèmes d'amour obscènes mentionnant des femmes musulmanes. C'était là une grave offense pour les musulmans, très attachés à leur honneur. Cela avait aussi pour but de causer des problèmes conjugaux dans certains foyers musulmans. L'homme était donc un ennemi déclaré, qui ne cachait pas son hostilité envers le Prophète et les musulmans en général.

    Le Prophète se rendit compte qu'il fallait mettre fin aux agissements de Ka'b ibn al-Ashraf. Il dit donc à quelques-uns de ses compagnons : « Qui nous débarrassera de Ka'b ibn al-Ashraf, qui nous a déclaré si ouvertement son hostilité ? » Un homme des ansâr du nom de Muhammad ibn Maslama dit : « Je me porte volontaire, je le tuerai. » Cet homme demanda au Prophète, qui la lui accorda, la permission de faire semblant d'être opposé au Prophète avec ses amis.

    Un groupe des ansâr, comprenant Muhammad ibn Maslama et Silkân ibn Salâma, alla trouver Ka'b. Silkân était le frère de lait de Ka'b, ayant eu la même nourrice. Ce facteur incitait donc à la confiance, et c'est pourquoi Silkân fut le premier à approcher Ka'b. Ils bavardèrent un moment et chacun récita à l'autre ses poèmes, dans une ambiance amicale. Ensuite, Silkân dit qu'il était venu dans un certain but mais qu'il voulait d'abord que Ka'b lui promette de garder son secret.

    Ka'b ayant donné sa parole, Silkân dit : « La venue de cet homme [le Prophète ] et son installation parmi nous ont été pour nous un véritable désastre. Tous les Arabes sont maintenant contre nous et se sont unis dans leur hostilité envers nous. Nous sommes pratiquement en état de siège ; nos enfants souffrent ; nous endurons de graves difficultés et nous ne pouvons pas subvenir correctement aux besoins de nos enfants. »

    Ka'b répondit : « Je suis Ibn al-Ashraf ! Je t'avais bien dit maintes fois que tu te trouverais dans cette situation. » Silkân dit alors : « Je suis venu t'acheter de la nourriture, et nous te donnerons un gage en garantie de notre dette. » Ka'b demanda s'ils seraient prêts à donner leurs femmes en gage. Silkân objecta qu'il était connu à Médine pour son penchant pour les femmes, et qu'il leur était impossible de lui confier les leurs. Ka'b leur proposa alors de lui donner leurs enfants en gage. Silkân répondit : « Tu veux nous couvrir de honte devant les Arabes. Je te dis que j'ai des amis qui partagent mon opinion. J'aimerais que tu les rencontres et que tu leur vendes ce dont ils ont besoin. Nous ferons tous une bonne affaire. Nous te donnerons assez de nos armes pour garantir le prix de la nourriture que tu nous vendras. »

    Le but de Silkân était qu'Ibn al-Ashrâf ne s'étonne pas et n'éprouve pas de soupçons en les voyant arriver avec leurs armes. Ka'b répondit : « Vos armes seront un gage acceptable. » Silkân retourna auprès de ses compagnons et leur dit de se préparer. Ils se retrouvèrent chez le Prophète , puis ils se mirent en route, le Prophète les accompagnant une partie du chemin. Avant qu'ils ne se séparent, il bénit leur mission et implora Dieu de les aider.

    Lorsqu'ils arrivèrent au fort de Ka'b, Silkân l'appela pour qu'il descende. Apparemment, Ka'b s'était marié récemment, mais il sauta de son lit pour répondre. Son épouse s'écarta tout en lui disant : « Tu es en guerre, et lorsqu'on est en guerre, on ne sort pas de son fort à une heure aussi avancée de la nuit. » Ka'b répondit : « C'est Silkân, Abu Na'ila. S'il m'avait trouvé endormi, il ne m'aurait pas réveillé. » Elle insista : « J'entends la trahison dans sa voix. » Ka'b dit : « L'homme [c'est-à-dire lui-même] répondrait même si on l'appelait pour le poignarder. »



    A SUIVRE...
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    • #77
      SUITE


      Il descendit et ils parlèrent un moment, puis ses visiteurs lui proposèrent de marcher avec eux jusqu'à Shi'b al-Ajûz, un endroit à la sortie de Médine, où ils passeraient quelques heures ensemble. Il accepta et ils partirent ensemble. Au bout d'un moment, Silkân passa la main sur les cheveux de Ka'b et dit : « Je n'ai jamais senti un parfum aussi agréable. » Il répéta ce geste à deux reprises durant le trajet, afin que Ka'b ne se doute de rien. Quand ils se furent suffisamment éloignés, Silkân saisit soudain Ka'b par la tête et cria à ses amis : « Tuez l'ennemi de Dieu ! » Ils le frappèrent de leurs sabres, mais il semble qu'il portait son armure et que les sabres ne le blessèrent pas.

      Ka'b poussa un tel cri que tous les forts des alentours s'allumèrent : il n'y avait plus un instant à perdre. Cependant, Muhammad ibn Maslama avait un couteau, dont il frappa Ka'b à l'abdomen. Ka'b s'écroula. S'étant assurés qu'il était mortellement atteint, ils se mirent à courir. Ils se rendirent compte alors qu'un des leurs, al Hârith ibn Aws, était blessé et ne pouvait pas courir aussi vite qu'eux. Ils l'attendirent après s'être mis à l'abri ; lorsqu'il les rejoignit, ils le portèrent et se rendirent directement chez le Prophète . La nuit était très avancée lorsqu'ils arrivèrent, et le Prophète était en prière. Quand il eut terminé, il sortit les rejoindre et ils l'informèrent du succès de leur mission.

      Il essuya la blessure d'al-Hârith avec sa salive, et le sang cessa de couler. Puis chacun rentra chez soi et y resta jusqu'au matin. L'incident effraya les juifs, qui se rendaient compte désormais que les musulmans ne toléreraient l'hostilité de personne. De nombreux orientalistes ont condamné ce qu'ils ont appelé « l'assassinat politique » de Ka'b ibn al-Ashraf. Les plus hostiles à l'islam s'en servent pour dénigrer l'islam et le Prophète lui-même. Les plus modérés se contentent de dire que cet acte entacha l'histoire généralement brillante du Prophète. Il convient cependant de considérer cet incident dans sa juste perspective.

      Tous les récits historiques confirment qu'à son arrivée à Médine, le Prophète conclut un traité avec les juifs, stipulant qu'ils vivraient en paix avec les musulmans et qu'aucune des deux parties n'interviendrait dans les affaires ou la religion de l'autre. Le traité précisait également que les juifs ne soutiendraient jamais un ennemi qui attaquerait Yathrib ou combattrait ses habitants.

      Le traité comportait aussi les clauses suivantes :


      Celui qui fait du tort à un autre n'entraînera de punition que pour lui-même et sa famille. Les parties du présent accord se soutiendront mutuellement contre tout tiers qui leur ferait la guerre, se conseilleront mutuellement et n'approuveront que les bonnes actions et non pas les mauvaises. Le soutien ira à l'opprimé. Aucune protection ne sera accordée à aucun membre de Quraysh ni à aucun de leurs partisans. Cet accord ne préserve pas de la punition quiconque est coupable d'injustice ou de crime. Quiconque quittera Médine sera en sécurité, et quiconque y restera sera en sécurité, sauf s'il est coupable de transgression.

      Il est clair que le traité aurait pu permettre une coexistence pacifique. Ses clauses étaient précises et contraignantes. Si chaque partie avait fidèlement respecté ce traité, ils auraient pu vivre en paix, sans que le moindre incident ne vienne troubler cette coexistence. Il faut noter ici que le traité prévoyait un soutien mutuel contre tout ennemi, mais mentionnait les Quraysh en particulier puisqu'ils étaient l'ennemi immédiat des musulmans. Il déclarait aussi que tout individu qui commettrait une transgression en porterait la responsabilité.

      On peut légitimement se demander pourquoi Ka'b ibn al-Ashraf était allé chez les Quraysh, les ennemis jurés de l'islam, pour pleurer leurs morts et encourager leurs chefs à entreprendre une nouvelle campagne pour se venger des musulmans. Des récits authentiques suggèrent qu'il resta à La Mecque jusqu'à ce qu'il soit certain qu'une décision irréversible d'attaquer les musulmans avait été prise.

      Certains récits ajoutent même qu'il avait contracté une alliance avec les Quraysh pour combattre les musulmans à leurs côtés. En outre, pourquoi avait-il rédigé ces poèmes obscènes au sujet de femmes musulmanes, alors qu'il savait que rien ne pouvait offenser plus gravement les musulmans ? Toutes ces actions de Ka'b ibn al-Ashraf l'avaient engagé dans une guerre contre les musulmans. C'était lui-même qui avait décidé d'adopter une telle attitude. Même son épouse, lorsqu'elle avait tenté de le persuader de ne pas répondre à l'appel de Silkân, avait avancé comme argument ce qu'elle savait être un fait établi : qu'il était un ennemi en guerre ouverte contre les musulmans.

      Une délégation juive vint protester auprès du Prophète contre l'assassinat de Ka'b ibn al-Ashraf. Le Prophète expliqua que Ka'b, contrairement à eux, était activement hostile aux musulmans. Il ajouta : « S'il était resté ici en paix, comme d'autres qui partageaient son opinion, il n'aurait pas été tué. » La délégation reconnut que Ka'b avait choisi d'être un ennemi actif et de soutenir le camp hostile à l'islam, et qu'en tant que tel, il s'était exposé à être tué.

      Tentative de vengeance

      Il n'est pas dans l'ordre des choses qu'une grande puissance, où qu'elle se trouve, accepte facilement un échec sans rien faire pour relever la tête. En pareil cas, les pressions sont énormes, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur. Des voix s'élèvent de toutes parts pour réclamer vengeance, en particulier lorsque l'ennemi qui a porté le coup est, selon les critères habituels, plus faible que le camp qui l'a reçu.

      Telle était exactement la situation en Arabie après la défaite des Quraysh à Badr. Les tribus arabes étaient totalement indépendantes, chacune gérant ses propres affaires, contractant ses propres alliances et menant ses propres guerres. Toutefois, les Quraysh étaient indéniablement la principale tribu et c'étaient eux que toutes les autres tribus considéraient comme leurs chefs et leurs guides. L'idée de vengeance était donc dans tous les esprits à La Mecque où les Quraysh vivaient, bien que rien de précis n'ait été proposé ni envisagé.

      La nature de la société arabe de l'époque rendait l'idée de vengeance non seulement souhaitable mais même hautement valorisée. C'était une société où les guerres tribales éclataient pour un oui ou pour un non et où la vengeance d'une défaite, ou même simplement de la mort de quelqu'un, était une priorité pour toutes les tribus. Toute l'Arabie pensait donc que les Quraysh devaient faire quelque chose pour effacer l'humiliation de la défaite de Badr.

      Mais les Quraysh étaient en état de choc. Ils étaient accablés par la défaite. Après la mort de nombreux notables, il ne restait personne pour combler le vide du pouvoir. Les Quraysh pleurèrent leurs morts un mois entier. Puis ils cessèrent, non pas parce que les blessures étaient cicatrisées ou que la douleur était moindre, mais parce que quelqu'un suggéra que le Prophète et ses compagnons se réjouiraient de les voir pleurer.

      D'autres aspects du deuil se poursuivirent toutelois. Tout le monde chez les Quraysh portait des vêtements de deuil. Les femmes se coupaient les cheveux très courts et désertaient le lit conjugal tandis que les hommes, mélancoliques et mal soignés, vaquaient à leurs occupations en affichant un air sombre. Il fallait que quelque chose se produise pour ramener les Quraysh à la vie.

      La tragédie était ressentie le plus durement par Abu Sufyân et sa femme, Hind bint 'Utba ibn Rabî'a. À Badr, Hind avait perdu son père, son frère et son oncle, tandis qu'un autre de ses frères était dans le camp des musulmans. Abu Sufyân était le chef de la caravane que le Prophète et les musulmans avaient tenté d'intercepter, une tentative qui avait été la cause directe de la bataille de Badr. Il aspirait désormais à devenir le chef des Quraysh.

      Il voyait que le bon moment était venu pour lui, avec la mort de tant de chefs de Quraysh. Hind fut la première femme de Quraysh à s'exiler du lit conjugal. Elle fit le voeu de ne plus se parfumer avant de s'être vengée. Son époux, quant à lui, fit le voeu de ne pas prendre de bain tant qu'il n'aurait pas obtenu une vengeance apte à relever l'honneur des Quraysh.

      Près de deux mois et demi après la bataille de Badr, Abu Sufyân mobilisa une force de deux cents cavaliers et partit en direction de Médine. Ils allèrent tout d'abord chez la tribu juive d'an-Nadir. Ils se rendirent chez le notable juif Huyay ibn Akhtab en quête de renseignements sur le Prophète et ses compagnons, mais Huyay refusa de les recevoir. Ils se tournèrent alors vers Sallâm ibn Mishkam qui leur fit bon accueil, leur offrit à manger et leur dit tout ce qu'il savait au sujet du Prophète et des musulmans.

      Le lendemain, avant l'aube, Abu Sufyân et ses hommes se rendirent à un endroit appelé 'Urayd, à quelques kilomètres de Médine, où ils tuèrent deux hommes des ansâr et brûlèrent plusieurs maisons. Abu Sufyân, pensant avoir ainsi suffisamment honoré son voeu, repartit rapidement avec ses hommes. Lorsque le Prophète apprit ce qui s'était passé, il rassembla ses compagnons pour poursuivre les agresseurs. À la tête d'une troupe de deux cents hommes des muhâjirûn et des ansâr, il se lança à la poursuite d'Abû Sufyân et de ses hommes.

      Quand ceux-ci s'aperçurent qu'ils étaient poursuivis, ils commencèrent à jeter la majeure partie de leurs provisions afin d'améliorer leurs chances de s'échapper. Ces provisions étaient essentiellement constituées d'un aliment appelé sawîq, fait à base de céréales et qui se conservait longtemps. La troupe d'Abû Sufyân, qui avait beaucoup d'avance, parvint à s'échapper. Néanmoins, les musulmans furent heureux de ramasser les abondantes provisions jetées par les Quraysh. C'est pourquoi cette poursuite dans le désert est connue comme « l'expédition du sawîq ».

      A SUIVRE...
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      • #78
        SUITE

        Un siège économique efficace

        Ce raid n'apporta pas grand-chose aux Quraysh. Ils entamèrent donc des préparatifs pour un affrontement majeur, sans qu'aucun plan précis n'ait encore vu le jour. Cependant, au besoin de relever l'honneur des Quraysh s'ajoutait la nécessité d'assurer la sécurité des routes commerciales vers la Syrie, qui étaient constamment menacées par les musulmans de Médine. Ils n'avaient guère d'alternatives, comme l'indiquent ces propos de Safwân ibn Umayya :


        « Muhammad et ses compagnons ont ruiné notre commerce, tandis que nous ne savons pas quelles mesures prendre contre eux. Ils menacent sans cesse la zone côtière, dont les habitants sont soit en paix avec eux, soit liés à eux par une alliance. Où allons-nous vivre, et où allons nous rester ? Si nous restons ici, dans notre ville, nous serons contraints à vivre de notre capital qui sera vite consommé. Nous dépendons pour notre survie du commerce avec la Syrie en été et avec le Yémen et l'Abyssinie en hiver. »

        Al-Aswad ibn al-Muttalib lui recommanda d'éviter la route côtière et de prendre celle qui menait en Irak en traversant le Najd, car cette région n'était pas fréquentée par les partisans de Muhammad . Il conseilla aussi à Safwân d'employer Furât ibn Hayyân comme guide. Une caravane fut donc équipée avec tous les produits habituellement exportés par les Quraysh et Safwân partit à sa tête en direction de l'Irak.

        Cependant, le Prophète avait ses informateurs guettant toutes les directions. Il eut tôt fait d'apprendre le départ de la caravane et l'itinéraire choisi. Il envoya une troupe de cent hommes des muhâjirûn et des ansâr, sous le commandement de Zayd ibn Hâritha, pour intercepter la caravane. Ils la rejoignirent à un point d'eau appelé Qarada, dans le Najd. Lorsque Zayd et ses hommes encerclèrent tout d'un coup la caravane, tous ses membres prirent la fuite à l'exception du guide, qui fut fait prisonnier et ne tarda pas à embrasser l'islam.

        Les musulmans prirent possession de la caravane d'une valeur de cent mille dirhams, ce qui était considérable à l'époque. Le Prophète distribua le butin parmi ses compagnons. Le siège économique imposé aux Quraysh par le Prophète et ses compagnons était maintenant très pénible. Les Quraysh ne risquaient pas de tolérer cela longtemps. Il ne s'agissait plus uniquement d'orgueil blessé : pour les Quraysh, la situation était devenue une question de vie ou de mort. S'ils se soumettaient à la suprématie des musulmans, ils perdraient tout prestige et leur cause serait définitivement compromise.

        Les préparatifs pour un nouvel affrontement redoublèrent donc. La décision fut unanimement prise par les Quraysh que la caravane conduite par Abu Sufyân, qui avait échappé aux musulmans, serait entièrement utilisée pour les préparatifs de la nouvelle bataille. Pourtant, plusieurs mois passèrent avant que les Quraysh ne parviennent à lever une armée bien équipée pour attaquer les musulmans. Entre-temps, plusieurs affrontements se produisirent entre les musulmans et certaines tribus arabes vivant près de Médine. Le Prophète recourut à l'effet de surprise. Chaque fois qu'il apprenait qu'une tribu ou un groupe de tribus se préparait à attaquer les musulmans, il les prenait par surprise avec une attaque préventive. Ces affrontements n'étaient que des escarmouches et ne pouvaient guère nuire aux musulmans. Ils ne risquaient pas non plus de les empêcher de se concentrer sur la préparation à une attaque que pourraient lancer leurs pires ennemis, les Quraysh.
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        • #79
          SALAM

          La bataille d'Uhud



          Personne en Arabie ne pensait que les Quraysh accepteraient leur défaite de Badr sans entreprendre sérieusement de se venger. Les accrochages qui eurent lieu au cours des mois suivants entre les musulmans et certaines poches de résistance à la cause de l'islam ne pouvaient pas nuire gravement aux musulmans. Au contraire, le Prophète et ses partisans utilisèrent ces affrontements pour consolider leur réputation de force importante en Arabie.

          Quand les Quraysh se rendirent compte, en plus de cela, que le siège économique que leur faisait subir les musulmans leur causait beaucoup de tort et menaçait gravement leur bien-être, ils comprirent que le seul moyen de retrouver leur prestige et de mettre fin au siège économique serait de remporter une victoire militaire.

          Les Quraysh consacrèrent à l'effort de guerre tout l'argent gagné grâce au commerce avec la Syrie au moyen de la caravane conduite par Abu Sufyân qui était parvenue à échapper à ses poursuivants musulmans juste avant la bataille de Badr. Des délégations furent envoyées aux tribus arabes pour demander leur soutien avant le déclenchement de la campagne. On réunit des armes et on en acheta partout où on put en trouver.

          Ces préparatifs se poursuivirent pendant toute une année. Alors, les Quraysh se sentirent suffisamment forts pour passer à l'attaque et obtenir leur vengeance. Au mois de shawwâl de la troisième année de l'hégire, c'est-à-dire un peu plus d'un an après la bataille de Badr, l'armée de Quraysh, comptant maintenant trois mille hommes, prit le chemin de Médine. L'armée comportait aussi un grand nombre de « volontaires » et de sympathisants des tribus de Tihâma et de Kinâna, de groupes d'Abyssins vivant en Arabie et d'autres.

          Quatorze femmes, dont la plus éminente était Hind bint 'Utba, l'épouse d'Abû Sufyân, accompagnaient les troupes afin de les encourager et de dissuader ceux qui penseraient à déserter. Dans cette armée se trouvait également Abu Amir, un membre des Aws, l'une des deux principales tribus des ansâr. Abu Amir était un homme instruit qui avait entendu parler de l'avènement du dernier Prophète. Il avait parlé à ses contribules des qualités et de l'apparence de ce Prophète et évoqué l'imminence de sa venue. Cependant, lorsque le Prophète Muhammad émigra à Médine et que les ansâr le suivirent, Abu Amir, un notable dont la position chez les Aws était comparable à celle de Abdullâh ibn Ubayy chez les Khazraj, rejeta son message.

          Ces deux hommes étaient jaloux du Prophète en raison du nombre de ses partisans, mais ils adoptèrent une attitude différente. 'Abdullâh ibn Ubayy se prétendit musulman, ce que son comportement démentait. Abu Amir, en revanche, rejeta ouvertement l'islam et partit à La Mecque avec cinquante hommes et jeunes gens de sa tribu pour apporter son soutien aux Quraysh, puis se joignit à leur armée pour combattre le Prophète et ses propres contribules. Abu Amir promit également aux Quraysh de convaincre ses contribules de déserter l'armée du Prophète, leur assurant que les Quraysh n'auraient rien à craindre des Aws. Ces promesses étaient évidemment motivées par son ancien statut parmi les siens. Il ne pensait pas que l'islam l'emportait désormais sur tous les liens tribaux. Il allait être amèrement déçu.

          L'armée de Quraysh avança. Abu Sufyân en était le commandant en chef. Talha ibn Abî Talha était le porte-drapeau. Khâlid ibn al-Walîd et 'Ikrima ibn Abî Jahl commandaient respectivement le flanc droit et le flanc gauche. Safwân commandait l'infanterie. L'armée comprenait deux cents cavaliers et sept cents soldats portant des armures. Il s'y ajoutait un grand nombre de chameaux destinés à transporter les soldats et à être abattus pour servir de nourriture. De nombreux esclaves et serviteurs étaient également présents pour effectuer les tâches ingrates.

          Les Quraysh avaient semble-t-il élaboré un plan visant des objectifs précis. Ils voulaient surprendre les musulmans dans leur propre ville et les attaquer quand ils ne s'y attendraient pas. Si ce plan initial était déjoué et que les musulmans avaient vent de l'attaque prévue, les Quraysh comptaient essayer de diviser les musulmans lorsque l'affrontement serait imminent. S'ils échouaient là encore, le premier objectif dès le déclenchement des hostilités était de tuer le Prophète et les notables musulmans, comme les musulmans, à Badr, avaient tué de nombreux notables de Quraysh.

          L'armée de Quraysh avança dans le plus grand secret. Elle ne tenta cette fois aucune démonstration de force, contrairement à ce qu'avait fait Abu Jahl à Badr. L'objectif devait être atteint promptement. L'armée avança donc très rapidement jusqu'à la vallée d'Uhud, à seulement huit kilomètres de Médine, où elle établit son camp. Les Quraysh auraient peut-être pu prendre les musulmans par surprise si al-'Abbâs, l'oncle du Prophète qui vivait toujours à La Mecque et n'avait pas encore rendu publique son adhésion à l'islam, n'avait pas envoyé au Prophète une lettre l'informant du départ des Quraysh et décrivant en détail l'armée et son équipement.

          L'émissaire d'al-'Abbâs voyagea nuit et jour jusqu'à ce qu'il arrive à Médine, où il apprit que le Prophète se trouvait à Qubâ', à une courte distance de là. Il l'y rejoignit et lui remit la missive. Comme on le sait, le Prophète ne savait ni lire ni écrire. Il donna donc la lettre à Ubayy ibn Ka'b qui la lui lut. Le Prophète demanda à Ubayy de ne pas répandre la nouvelle. Puis il informa Sa'd ibn ar-Rabî' des ansâr de ce qu'il avait appris. Celui-ci dit : « J'implore Dieu de faire que tout cela soit à notre avantage. »

          Dans le camp des Quraysh, Abu Sufyân dit en se réveillant le lendemain matin : « Je jure qu'ils ont informé Muhammad de notre arrivée et qu'il possède maintenant tous les renseignements dont il a besoin à notre sujet. Je ne serais pas étonné si ses partisans restaient dans leurs forts et si nous n'en rencontrions aucun face à face. »

          Safwân répliqua : « S'ils ne sortent pas à notre rencontre, nous couperons les palmiers qui appartiennent aux Aws et aux Khazraj. Ils n'auront plus aucune ressource. S'ils sortent à notre rencontre, nous sommes plus nombreux qu'eux et mieux équipés. Nous avons plus de chevaux qu'eux, et nous sommes venus chercher la vengeance, tandis qu'ils n'ont pas besoin de se venger de nous. »

          Les informateurs du Prophète revinrent avec la nouvelle que l'armée de Quraysh campait à Uhud. Ils lui donnèrent aussi leur estimation du nombre et de l'équipement des troupes. Ils ajoutèrent que les négateurs avaient lâché leurs chameaux et leurs chevaux dans les champs des Médinois, où ils détruisaient les recolles. Le danger était donc évident et les musulmans se rendaient compte qu'il n'y avait pas de temps à perdre. Cette nuit-là, des hommes montèrent la garde toute la nuit aux abords de Médine.

          De nombreux musulmans passèrent la nuit dans la mosquée, leurs armes à portée de main. Les appartements du Prophète étaient contigus à la mosquée et les musulmans craignaient que les Quraysh n'organisent une attaque contre la mosquée pour l'assassiner. Le lendemain était un vendredi. Après la prière de l'aube, le Prophète consulta ses compagnons afin de parvenir à un consensus sur un plan d'action efficace. Il leur dit qu'il avait fait un rêve la nuit précédente. Bien avant qu'il ne devienne prophète, tous les rêves de Muhammad s'étaient toujours réalisés jusqu'au moindre détail, ce qui était l'un des signes annonciateurs de sa mission prophétique.

          Il va sans dire qu'après le début de sa mission, ses rêves avaient continué à annoncer les événements à venir. Cette fois, il relata qu'il avait vu dans son rêve que plusieurs vaches lui appartenant avaient été tuées, qu'une petite encoche avait endommagé le tranchant de son sabre et qu'il avait mis la main dans un solide bouclier. Annonçant son optimisme au sujet de ce rêve, il ajouta qu'il interprétait les vaches par la mort de certains de ses compagnons et l'encoche dans le sabre par la mort d'un membre de sa famille ; quant au bouclier, il représentait Médine elle même.

          Il suggéra alors de rester à l'intérieur de Médine et de laisser les Mecquois dans leur campement. « S'ils restent là-bas, ils s'apercevront que leur position n'est pas à envier. S'ils tentent de pénétrer de force dans Médine, nous les combattrons dans ses rues et ses allées, que nous connaissons beaucoup mieux qu'eux, et ils seront attaqués depuis les toits par des flèches et toutes sortes de projectiles. »

          Concertation sur la stratégie à suivre

          Abdullâh ibn Ubayy, ce notable des Khazraj qui avait, à un certain moment, parlé très durement au Prophète lorsqu'il craignait pour ses alliés juifs de la tribu de Qaynuqâ', se rallia à l'avis du Prophète à cette occasion. Il dit :


          Messager de Dieu, avant l'avènement de l'islam nous nous battions à Médine. Nous gardions nos femmes et nos enfants dans nos maisons fortifiées en leur donnant une provision de pierres. Nous construisions aussi des abris et des fortifications pour remplir les espaces entre les bâtiments extérieurs, de sorte que la ville prenait l'aspect d'un grand fort. Les femmes et les enfants lançaient des pierres et des projectiles depuis les toits tandis que nous combattions dans les rues et les allées. Notre cité est vierge. Aucun ennemi n'a jamais tenté d'y pénétrer sans être vaincu et nous ne sommes jamais sortis à la rencontre d'un ennemi sans avoir à le regretter. Messager de Dieu, qu'ils restent donc où ils sont. Ils sont dans une position inconfortable et s'ils repartent, ils n'auront rien obtenu. Leurs plans auront été déjoués. Crois-moi sur parole, car tel est l'avis appuyé par l'Histoire.

          Plusieurs jeunes hommes émirent un avis différent. Frustrés d'avoir été absents à Badr, ils souhaitaient cette fois se mesurer à l'ennemi. Ils demandèrent au Prophète de les mener affronter l'ennemi à l'extérieur de Médine. Un certain nombre d'hommes mûrs, connus pour leur attachement sans faille aux intérêts de l'islam, dirent quant à eux :


          « Nous craignons que l'ennemi, si nous n'allons pas à sa rencontre, ne pense que nous sommes faibles et lâches. Cela risque de l'inciter à lancer une attaque de grande envergure contre nous. À Badr, tu n'avais que trois cents hommes et tu as remporté une grande victoire. Aujourd'hui, nous pouvons fournir beaucoup plus de soldats. Nous espérions un tel affrontement et nous implorions Dieu de réaliser nos espoirs. Maintenant que nous avons l'ennemi à notre porte, allons le rencontrer là où il se trouve. »



          A SUIVRE...

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          • #80
            suite

            Mâlik ibn Sinân dit au Prophète : « Nous pouvons obtenir l'une des deux meilleures alternatives : soit nous obtiendrons la victoire avec l'aide de Dieu, ce qui est certes notre but, soit nous mourrons en martyrs. Quant à moi, peu m'importe laquelle des deux se réalisera : elles sont toutes deux aussi bonnes. »

            Hamza ibn Abd al-Muttalib, l'oncle du Prophète , âgé d'environ cinquante ans, dit : « Par Celui qui t'a révélé Son Livre, je ne mangerai rien aujourd'hui tant que je ne les aurai pas combattus avec mon sabre à l'extérieur de Médine. » An-Nu'mân ibn Mâlik dit quant à lui : « Messager de Dieu, pourquoi nous prives-tu du Paradis ? Par Dieu, l'unique divinité, j'y entrerai ! » Le Prophète demanda : « Pourquoi ? » Il répondit : « Parce que je suis un homme qui aime Dieu et le Prophète et qui ne fuit pas la bataille. »

            Iyâs ibn Aws dit : « Cela me préoccupe que les Quraysh puissent repartir chez eux et dire : "Nous avons assiégé Muhammad et ses compagnons dans les fortifications et les collines de Yathrib [Médine]." Ils penseront alors qu'ils peuvent s'en prendre à nous n'importe quand. En outre, ils ont fait paître leurs bêtes dans nos champs, et si nous ne défendons pas nos champs, nous ne pourrons plus rien y planter. »

            Khaythama, dont le fils Sa'd avait été tué à Badr, dit : J'ai manqué la bataille de Badr alors que j'aurais voulu y participer. Je voulais tellement y aller que j'ai tiré au sort avec mon fils pour décider lequel aurait le privilège de se joindre à toi. Il a gagné et il est devenu martyr. J'aurais tellement souhaité atteindre le martyre. La nuit dernière, j'ai vu mon fils en rêve : il était splendide, et savourait les fruits du Paradis. Il m'a dit : « Viens nous rejoindre ici au Paradis, car j'ai vu que Dieu accomplit Ses promesses. » Je jure, Messager de Dieu, que j'ai hâte de le rejoindre au Paradis. Je suis très âgé et j'aimerais rencontrer mon Seigneur. Implore Dieu de m'accorder bientôt le martyre afin que je puisse retrouver mon fils au Paradis.

            Quant à Abdullâh ibn Jahsh, il dit : « Seigneur, je T'implore de me permettre de rencontrer nos ennemis demain, et de faire qu'ils me tuent, m'éventrent et me coupent le nez et l'oreille. Quand Tu me demanderas pourquoi ils m'ont fait cela, je Te répondrai : « Parce que je crois en Toi ! »

            On a souvent dit que seuls les jeunes musulmans de Médine désiraient aller affronter l'ennemi à l'extérieur, tandis que les plus mûrs partageaient l'avis du Prophète . Les propos cités ci-dessus donnent une idée plus précise de la réalité. En fait, ceux qui préféraient sortir à la rencontre de l'ennemi n'étaient pas seulement majoritaires, ils représentaient aussi un large échantillon de la communauté musulmane. Certes, s'il l'avait voulu, le Prophète aurait pu imposer son opinion et personne n'y aurait trouvé à redire. Il voulait cependant donner à ses compagnons une leçon de commandement.

            Il voulait leur faire comprendre que celui qui détient l'autorité ne doit pas imposer sa propre volonté : il doit consulter ses compagnons parce que la concertation permet de parvenir à la meilleure solution. Il souhaitait aussi les mettre face à leurs responsabilités. La décision était celle de la majorité et tous en partageaient la responsabilité. Le Prophète accepta donc l'avis de la majorité. À midi, l'heure de la prière du vendredi étant arrivée, il souligna dans son sermon la nécessité de combattre de manière organisée et dit à ses compagnons qu'ils obtiendraient la victoire s'ils se battaient avec acharnement et supportaient toutes les difficultés qu'ils rencontreraient.

            La plupart des gens étaient satisfaits de la décision du Prophète, mais certains avaient le sentiment qu'il avait été contraint d'adopter une stratégie contraire à son jugement. De nombreux musulmans rentrèrent chez eux pour se préparer à la bataille avant de retourner à la mosquée. Le Prophète dirigea la prière de asr et recommanda aux fidèles de faire rester leurs femmes et leurs enfants à l'intérieur de leurs maisons fortifiées ; puis il entra dans ses appartements pour se préparer.

            Doutes et désertion des hypocrites

            À la mosquée, les musulmans discutaient toujours de l'opportunité de sortir à la rencontre de l'ennemi ou de rester à Médine. D'emblée, un certain nombre avaient été d'accord avec le Prophète pour considérer que la meilleure solution était de rester dans la ville. Beaucoup d'autres eurent des doutes par la suite, non parce qu'ils hésitaient à affronter l'ennemi mais parce qu'ils se disaient qu'ils avaient tort de pousser le Prophète à agir à l'encontre de ses propres souhaits.

            Deux des principaux notables des ansâr, Sa'd ibn Mu'âdh et Usayd ibn Hudayr, leur dirent : « Vous avez forcé le Prophète à décider de sortir à la rencontre de l'ennemi, alors que vous savez bien qu'il reçoit des révélations du Ciel. Vous feriez mieux de le laisser décider. Vous devriez faire tout ce qu'il vous ordonne, et lorsque vous voyez qu'il penche vers quelque chose ou vers un certain point de vue, vous feriez mieux de suivre son inclination. »

            Pendant cette discussion, le Prophète sortit vêtu de son armure. Ceux qui avaient insisté pour rencontrer l'ennemi à l'extérieur de Médine lui dirent :

            « Messager de Dieu, nous n'avons pas à te désobéir. Fais ce que tu voudras et nous te suivrons. » Il répondit : « Je vous ai demandé de rester et vous avez refusé. Un prophète qui a revêtu son armure n'a pas à l'enlever tant que Dieu n'a pas jugé entre ses ennemis et lui. Obéissez à mes ordres et restez fermes, et vous aurez la victoire. »

            Le Prophète avait compris qu'il était important qu'il n'ait pas l'air d'hésiter entre deux attitudes opposées. Une fois la décision prise, il fallait aller jusqu'au bout. L'hésitation est très dangereuse, surtout lorsque l'ennemi est devant la porte. Cette leçon de gouvernement consultatif qu'il donna à ses compagnons était de première importance. Ils comprirent, comme devaient le faire toutes les générations successives de musulmans, qu'un chef peut être contraint d'adopter une attitude contraire à sa propre opinion si elle répond aux attentes d'une partie conséquente de la communauté musulmane.

            Mais une fois la décision prise, tous, y compris le chef - ou le Prophète dans ce cas précis - doivent s'unir pour la mettre à exécution. Quand les musulmans eurent fini de mobiliser leurs forces, leur armée comptait environ un millier d'hommes. Le Prophète les partagea en trois divisions, dont chacune avait un drapeau. Le drapeau de l'une des tribus des ansâr, les Aws, fut confié à Usayd ibn Hudayr, tandis que celui des Khazraj était confié à Hubâb ibn al-Mundhir. Mus'ab ibn 'Umayr portait quant à lui le drapeau des muhâjirûn.

            Seuls une centaine des compagnons du Prophète portaient une armure. Le Prophète délégua à Ibn Umm Maktûm, un aveugle faisant partie des muhâjirûn, la direction des affaires de Médine et des prières à la mosquée. Lorsque le Prophète atteignit un endroit appelé ash-Shaykhayn, il s'arrêta pour passer son armée en revue. S'apercevant que plusieurs jeunes garçons se trouvaient parmi les soldats, il leur ordonna de faire demi-tour. Parmi ces garçons figuraient Râfi' ibn Khadîj et Samura ibn Jundub.

            Apprenant que Râfi' était habile au tir à l'arc, le Prophète l'autorisa à rester avec l'armée. Quand il apprit que Râfi' était autorisé à rester, Samura se mit à pleurer et dit : « Le Prophète a permis à Râfi' de rester et m'a refusé, alors que je suis plus fort que lui et que je peux le battre. » Informé de cela, le Prophète demanda aux deux garçons de lutter : comme ce fut Samura qui l'emporta, le Prophète l'autorisa à rester lui aussi.

            La nuit ne tarda pas à tomber et l'armée passa la nuit à ash-Shaykhayn. Muhammad ibn Maslama fut nommé commandant des gardes qui veillaient sur l'armée tandis que Dhakwân ibn Qays commandait la garde personnelle du Prophète . Avant l'aube, l'armée musulmane se remit en route jusqu'à un verger entre Médine et Uhud appelé ash-Shawt. Là, Abdullâh ibn Ubayy - qui, nous l'avons vu, s'était dès le début opposé à l'idée que les musulmans sortent de Médine pour aller à la rencontre de l'ennemi - déserta l'armée et fit demi-tour avec non moins de trois cents soldats.

            Il invoqua comme motif de cette désertion que le Prophète « avait obéi aux jeunes gens plutôt qu'à moi. Pourquoi donc devrions-nous nous faire tuer à cet endroit ? » Abdullâh ibn Amr ibn Harâm poursuivit les déserteurs en essayant de les persuader de revenir. Il les implora de ne pas diviser les rangs et de ne pas abandonner leurs concitoyens et le Messager de Dieu alors que l'ennemi était tout proche. Son appel resta vain : ils refusèrent de l'écouter. Ils répondirent d'un ton sarcastique :
            « Nous ne croyons pas qu'une bataille aura lieu. Si nous savions qu'il y aurait une bataille, nous nous joindrions à vous. » Lorsqu'il comprit que ses paroles ne seraient pas entendues, Abdullâh ibn Amr dit à ces hommes ce qu'il pensait d'eux et les quitta.

            L'incident était sérieux. La division survenue était très grave. C'était le tiers de l'armée qui était parti. Les musulmans devraient maintenant se battre à un contre quatre. Toutefois, cette désertion n'était pas sans avantages. Il était clair que ceux qui étaient partis avec Abdullâh ibn Ubayy n'étaient pas attachés aux intérêts de l'islam. On ne pouvait donc pas s'attendre à ce qu'ils risquent leur vie pour les défendre.

            De ce fait, leur présence n'aurait guère été utile. La cause de l'islam ne peut en effet être servie que par ceux qui lui sont dévoués et sont prêts à risquer leur vie pour elle. La désertion des hypocrites signifiait par conséquent que seuls restaient les hommes sur qui l'on pouvait compter pour se battre jusqu'au bout, sans craindre les conséquences.

            Le Coran nous dit que deux groupes de croyants furent si affectés par la désertion des hypocrites qu'ils faillirent perdre courage. Il s'agissait des soldats des deux clans de Hâritha et Salama. Seule la grâce de Dieu leur permit de retrouver leur résolution et de placer leur confiance en Dieu : « Deux groupes de votre armée étaient sur le point de faire défection, et c'est Dieu qui a raffermi leur courage. N'est-ce pas en Dieu que les croyants doivent placer leur confiance ? » (3.122)

            Ici, Dieu parle aux croyants de leurs propres pensées. Ce qui s'était passé dans l'esprit de ces croyants n'était connu que d'eux seuls, mais Dieu connaît la moindre pensée qui traverse notre esprit. Il rappelle ici aux musulmans que ce n'est que par Sa grâce qu'ils sont protégés des mauvaises pensées qui leur viennent à l'esprit.

            A SUIVRE....

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            • #81
              La recherche de soutien

              Peut-être en raison de la désertion de 'Abdullâh ibn Ubayy avec trois cents hommes et du sentiment de faiblesse qui s'ensuivit chez les musulmans, certains des ansâr proposèrent au Prophète de demander à leurs alliés juifs de combattre à leurs côtés. Le Prophète rejeta toutefois cette proposition immédiatement en disant : « Nous n'avons pas besoin d'eux. »

              Il est important de souligner ici que le Prophète n'était pas contre le principe de demander de l'aide aux non-musulmans. Il demanda et obtint à plusieurs reprises de l'aide de personnes qui, à l'époque, n'adhéraient pas à son message et ne croyaient pas qu'il était le Messager de Dieu. Plusieurs années avant la bataille d'Uhud, le Prophète avait demandé le soutien d'al-Mut'im ibn Adî pour rentrer sans risque à La Mecque après l'échec de sa mission à Tâ'if.

              Lorsqu'il avait quitté La Mecque pour émigrer à Médine, il avait employé Abdullâh ibn Arqat comme guide pour le conduire par des itinéraires inhabituels. Plus tard, quand il se préparait pour la bataille de Hunayn, le Prophète emprunta cent plaques d'armure et une importante quantité d'armes à Safwân ibn Umayya. Il demanda aussi à Ma'bad ibn Abî Ma'bad de la tribu de Khuzâ'a d'essayer de dissuader les Quraysh d'attaquer les musulmans à Hamra al-Asad.

              Aucune de ces personnes n'était musulmane lorsque le Prophète leur demanda de l'aide. Un au moins, al-Mut'im ibn Adî, mourut sans adhérer à l'islam. L'idée de rechercher une aide extérieure ou, plus particulièrement, l'aide de non-musulmans, n'est donc pas exclue par l'islam ni par le Prophète. Néanmoins, dans le cas dont nous parlons, il rejeta la proposition des ansâr de demander l'aide de leurs alliés juifs.

              À Uhud

              Le Prophète et les sept cents compagnons qui restaient avec lui poursuivirent leur marche jusqu'à Uhud, armés d'une détermination sans faille à défendre l'islam au risque de leur vie. Chacun d'eux était plus que prêt à mourir pour la cause de l'islam. Leur importante infériorité numérique n'entamait pas leur optimisme. Ils savaient qu'ils étaient du côté de Dieu. En tant que musulmans, ils étaient convaincus que la victoire ne peut être obtenue qu'avec l'aide de Dieu. Lui Seul peut accorder la victoire à un groupe plutôt qu'à un autre.

              Ils priaient donc Dieu de leur accorder Son aide afin d'obtenir la victoire. Chaque fois que les musulmans affrontaient un ennemi, ils avaient toujours à l'esprit que l'issue, quelle qu'elle soit, leur serait favorable : ce serait la victoire ou le martyre. Uhud est une montagne à laquelle on accède par de nombreux passages et chemins bien délimités, coupée de plusieurs vallées et qui forme un vaste demi-cercle faisant face à l'étroite plaine où les Quraysh avaient établi leur camp. Ses pentes offrent de nombreux renfoncements où les soldats peuvent se cacher si une stratégie défensive est choisie.

              Le Prophète établit son camp à côté de la montagne, près d'une colline appelée Mont Aynayn qui dominait la plaine. Le Prophète disposa ses troupes en tirant parti de la position de la colline, de sorte qu'en faisant face à l'ennemi, elles avaient derrière elles la colline qui les protégerait contre une éventuelle attaque en tenaille. Il déploya cinquante archers expérimentés au sommet du Mont Aynayn, sous le commandement de Abdullâh ibn Jubayr.

              Les ordres formels du Prophète à ces archers étaient de protéger les musulmans à l'arrière et de ne permettre sous aucun prétexte à l'ennemi de prendre leurs positions. Il leur ordonna aussi de ne pas quitter leurs positions, quelle que puisse être l'issue de la bataille. Le Prophète insista particulièrement sur ce dernier ordre, en leur disant de ne pas bouger de leur place, même s'ils voyaient de leurs yeux leurs frères musulmans se faire tuer à droite, à gauche et au centre. Si les cavaliers de Quraysh tentaient d'escalader la colline pour attaquer les musulmans par-derrière, ils devaient les repousser à coups de flèches.

              Quand le Prophète eut déployé ses soldats, il s'adressa à eux pour les encourager à se battre de toutes leurs forces. Il leur dit également de ne pas commencer la bataille avant qu'il n'en donne l'ordre. A ce moment, les troupes ennemies firent leur apparition dans la plaine qui s'étendait à leurs pieds. Les deux armées étaient maintenant face à face. Les femmes de Quraysh chantaient et jouaient de la musique pour encourager leurs troupes et leur remonter le moral. Les deux armées une fois face à face, Abu Sufyân, qui était désormais le chef incontesté de Quraysh, commença à appliquer la stratégie qu'il avait imaginée. Il s'adressa aux ansâr dans le vain espoir de diviser les rangs musulmans.

              Il dit aux Aws et aux Khazraj que les Quraysh n'avaient aucune querelle avec eux et ne souhaitaient pas les combattre. Si les Aws et les Khazraj laissaient les Quraysh régler leurs comptes avec leurs contribules - c'est-à-dire les muhâjirûn -, Ils n'auraient rien à craindre des Quraysh. Personne ne répondit, et personne ne prêta attention aux propos d'Abû Sufyân.

              L'orateur suivant fut Abu Amir, l'homme qui avait annoncé l'avènement prochain d'un prophète mais qui avait quitté sa tribu, les Aws, quand le Prophète avait émigré à Médine et était parti rejoindre les Quraysh avec cinquante de ses contribules. Il s'adressait maintenant aux Aws dans l'espoir de les convaincre d'abandonner les rangs musulmans. Il appela ses contribules à lui répondre. La réponse vint, mais elle démentit ce qu'il avait toujours affirmé aux Quraysh. Il leur avait dit qu'il était le chef incontesté des Aws et qu'ils ne feraient rien pour lui déplaire : cependant, ils réagirent en l'insultant et en lui jetant des pierres.

              Humilié, il retourna à la hâte auprès des Quraysh et leur dit : « Un démon inconnu s'est emparé de mes contribules depuis que je les ai quittés. » Les Quraysh avaient donc échoué dans leurs deux premiers objectifs : prendre les musulmans par surprise et diviser leurs rangs. Il ne leur restait plus qu'à se battre. Les Quraysh commencèrent par essayer de prendre les musulmans en tenaille. Le flanc gauche de l'armée de Quraysh, sous le commandement de 'Ikrima ibn Abî Jahl, essaya de contourner les musulmans mais ne put y parvenir.

              Le flanc droit, commandé par Khâlid ibn al-Walîd, effectua une tentative similaire mais fut repoussé par d'intenses tirs de flèches de la part du groupe posté au sommet du Mont 'Aynayn. Les deux armées se retrouvaient à leur point de départ. Un homme sortit des rangs des Quraysh pour réclamer un combat singulier. Az-Zubayr ibn al-Awwâm releva le défi, se battit avec lui et le tua, suscitant la joie des musulmans qui lancèrent leur cri de ralliement toujours aussi inspirant : « Dieu est Grand ! »

              La bataille commença alors véritablement et les musulmans étaient prêts à réitérer leur magnifique victoire de Badr. Ils n'étaient pas découragés par le fait que l'ennemi était quatre fois plus nombreux qu'eux. Pour la plupart d'entre eux, la victoire était certaine et allait bientôt survenir, car ils avaient compris depuis longtemps que c'est Dieu qui accorde la victoire. Puisqu'ils luttaient pour la cause de Dieu, ils étaient sûrs de l'emporter. Un épisode, celui d'Abû Dujâna Simâk ibn Kharasha, illustre bien l'attitude des musulmans lors de la bataille d'Uhud. Le Prophète tendit un sabre et demanda à ses compagnons, tout en organisant les troupes : « Qui prendra ce sabre à sa juste valeur ? »

              Plusieurs hommes se manifestèrent mais le Prophète ne leur donna pas le sabre. Abu Dujâna, quant à lui, s'avança et demanda : « Quelle est sa juste valeur, Messager de Dieu ? » Le Prophète répondit : « Que tu en frappes l'ennemi jusqu'à ce qu'il soit tordu. » Abu Dujâna dit alors : « Je le prends à sa juste valeur. » Il était connu comme un valeureux combattant, et, en temps de guerre, il adoptait une certaine démarche pleine d'orgueil. Il sortit un cordon rouge et se l'attacha autour du front, un geste qui signifiait qu'il était prêt à se battre. Quand le Prophète le vit faire cela, il lui dit : « Ce type de démarche est réprouvé par Dieu, sauf en temps de guerre. »

              Tandis que les combats faisaient rage, Abu Dujâna se battit vaillamment et tua tous les soldats ennemis qui tentaient de s'opposer à lui. Tandis qu'Abû Dujâna avançait ainsi, un soldat ennemi s'occupait à chercher tous les musulmans blessés et à les achever. Bientôt, ce soldat se trouva face à Abu Dujâna et chacun frappa l'autre. Abu Dujâna parvint à détourner le coup de son adversaire, de sorte qu'il ne toucha que son bouclier, et le tua. Avançant encore, il rencontra un autre soldat portant un masque. Comme il s'apprêtait à lui porter un coup, le soldat poussa un cri et Abu Dujâna se rendit compte qu'il se trouvait face à une femme.

              Il la laissa partir parce que, comme il devait l'expliquer plus tard, il pensait qu'il aurait été inconvenant de frapper une femme avec le sabre du Prophète . Cette femme n'était autre que Hind bint 'Utba, l'épouse d'Abû Sufyân. Comme la bataille se déchaînait, il était clair aux yeux de tous qu'elle était bien plus violente que tous les précédents affrontements entre les deux camps. Les musulmans concentrèrent leur attaque sur l'unité qui portait l'étendard des Quraysh. C'était traditionnellement le clan des Abd ad-Dâr qui avait l'honneur de porter le drapeau des Quraysh à chaque bataille.

              Comme ils ne s'étaient guère illustrés à Badr, Abu Sufyân s'adressa à eux avant le début des hostilités : il leur dit qu'il serait préférable de donner le drapeau à une autre unité si les combattants de 'Abd ad-Dâr comptaient se battre comme ils l'avaient fait à Badr. Son but réel était de les piquer au vif afin qu'ils soient déterminés à se battre jusqu'au bout. Ils répliquèrent que cette fois, personne ne pourrait critiquer leur manière de combattre. De fait, ils luttèrent admirablement. Tandis que les musulmans concentraient leur attaque sur eux, les Abd ad-Dâr se défendirent avec courage et détermination.

              Mais ils ne pouvaient pas résister à leurs assaillants. Talha ibn Abî Talha, le porte drapeau de Quraysh, fut bientôt tué par Alî. L'étendard fut ensuite repris par son frère 'Uthmân, qui à son tour fut tué par Hamza. Le même scénario se reproduisit plusieurs fois : non moins de sept frères portèrent l'étendard des Quraysh, et tous furent tués. Trois autres de leurs proches furent tués eux aussi en le reprenant. Puis le drapeau demeura au sol, tandis que le chaos régnait dans l'armée de Quraysh.


              A SUIVRE....

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              • #82
                SUITE

                C'était l'armée la moins nombreuse qui combattait avec le plus d'acharnement. Bien que les Quraysh soient venus pour se venger de leur précédente défaite, les musulmans étaient animés de meilleurs espoirs et d'une plus puissante motivation pour bien se battre. Après tout, c'était leur foi qu'ils défendaient. Il n'était donc pas surprenant qu'ils luttent de toutes leurs forces et gagnent rapidement du terrain sur l'ennemi. Hamza ibn Abd al-Muttalib, l'oncle du Prophète qui avait décimé les Quraysh lors de la bataille de Badr, réitéra sa prouesse. Il tua au moins deux des porte-drapeaux ainsi que d'autres soldats de Quraysh. Mais il avait un ennemi qu'il ne voyait pas.

                Wahshî, un esclave abyssin, excellait au tir de lance. Son maître, Jubayr ibn Mut'im, lui avait promis de l'affranchir s'il tuait Hamza pour venger la mort à Badr de Tu'ayma ibn Adî, l'oncle de Jubayr. Hind bint 'Utba promit elle aussi à Wahshî une importante récompense s'il tuait Hamza pour venger la mort de son père, de son frère et d'autres parents. Wahshî accompagnait l'armée de Quraysh, mais il ne prenait pas part aux combats : il ne cherchait que Hamza. Il le trouva en train de se battre avec un courage exceptionnel. Comme Hamza s'approchait d'un homme de Quraysh appelé Sabbâ' ibn Abd al-'Uzzâ, il se trouva à la portée de la lance de Wahshî.

                Hamza manqua la tête de Sabbâ' avec son sabre quand Wahshî le visa avec sa lance et l'atteignit dans le bas-ventre. La lance le transperça et ressortit entre ses jambes. Il essaya d'avancer vers Wahshî mais n'y parvint pas et tomba. Wahshî attendit que Hamza soit mort, puis il arracha sa lance de son corps. N'ayant plus aucun intérêt dans la bataille, Wahshî repartit alors, après avoir gagné sa liberté.

                Hind bint 'Utba qui pendant un an avait ruminé sa rancune contre Hamza entreprit alors de le mutiler. Lui ouvrant le ventre, elle en sortit son foie qu'elle essaya de manger. Ne parvenant pas à le couper avec ses dents, elle le jeta. La mort de Hamza n'eut cependant guère d'incidence sur la tournure prise par la bataille. Il devint bientôt clair que les musulmans prenaient le dessus. La confusion gagna chez les Quraysh. De nombreux soldats commencèrent à prendre la fuite. Les musulmans, quant à eux, commencèrent à ramasser leur butin.

                De la désobéissance à la contre-attaque

                Il ne s'agissait cependant que de la première phase de la bataille, qui était clairement favorable aux musulmans. Ils dominaient leur ennemi, malgré leur infériorité numérique. Ils combattaient pour une cause. Rien ne peut davantage motiver les gens que la foi, et les musulmans en étaient abondamment pourvus. Cependant, même les croyants les plus ardents ont leurs moments de faiblesse. L'un de ces moments arriva alors que toutes les apparences indiquaient que les musulmans étaient sur le point de gagner la bataille.

                L'unité que le Prophète avait placée sur le Mont 'Aynayn avec pour mission de repousser toute tentative de l'armée de Quraysh de lancer une attaque en tenaille contre les musulmans avait joué un rôle très important dans cette victoire initiale. Il faut se rappeler que l'unité avait reçu du Prophète l'ordre formel de ne quitter sa position sous aucun prétexte. Ces hommes étaient l'arrière-garde de l'armée musulmane. Le Prophète n'aurait pas pu exprimer de façon plus éloquente l'importance du maintien de leur position : « Même si vous nous voyez nous faire tuer à gauche, à droite et au centre. »

                Malgré cette insistance, lorsque les archers du Mont Aynayn - qui peuvent être comparés, dans la tactique militaire moderne, à l'artillerie couvrant l'avance de l'infanterie - virent leurs frères musulmans commencer à ramasser le butin, ils eurent le sentiment que la bataille était terminée et qu'ils étaient libres de quitter leurs positions. Leur commandant, Abdullâh ibn Jubayr, comprenait parfaitement qu'un tel comportement était contraire aux ordres du Prophète. Il leur rappela ses instructions et leur dit qu'ils prenaient le risque de déplaire au Prophète.

                Malgré cela, ils ne l'écoutèrent pas. Pour eux, les instructions du Prophète ne les engageaient que jusqu'à l'obtention de la victoire. La victoire étant acquise - à ce qu'ils croyaient - ils n'avaient aucune raison de rester sur leurs positions en laissant tout le butin aux autres combattants. Ils descendirent donc sur le champ de bataille pour participer au ramassage du butin. Seul Abdullâh ibn Jubayr resta sur la colline avec quelques soldats, obéissant à la lettre aux instructions du Prophète.

                Khâlid ibn al-Walîd, qui commandait l'aile droite de l'armée de Quraysh, était un combattant hors pair. Il devait par la suite prouver ses qualités de stratège dans les nombreuses batailles où il combattit pour la cause de l'islam. À Uhud, cependant, il se battait contre l'islam. Il comprit que le seul espoir qu'il restait aux Quraysh de retourner la situation en leur faveur résidait dans l'éventualité de parvenir à attaquer les musulmans par-derrière. Tandis que les soldats de Quraysh battaient en retraite, il avait le regard fixé sur ce qui se passait au sommet du Mont Aynayn.

                Il évaluait la situation et se demandait s'il était possible de réitérer sa précédente tentative, alors vaine, d'escalader la colline par l'arrière. Tout à coup, il vit les archers musulmans, ou du moins la plupart d'entre eux, quitter leurs positions pour rejoindre leurs compagnons d'armes sur le champ de bataille. Sans hésiter un instant, Khâlid ibn al-Walîd éloigna ses troupes de la principale zone des combats, leur faisant décrire un vaste demi cercle qui les conduisit à l'arrière du Mont Aynayn. Là, ses soldats et lui se battirent contre l'unité, maintenant très clairsemée, qui restait avec Abdullâh ibn Jubayr.

                'Ikrima ibn Abî Jahl, le commandant de l'aile gauche de l'armée de Quraysh, emboîta le pas à Khâlid, et ils eurent tôt fait de venir à bout de la vaillante résistance que ceux qui restaient en haut de la colline leur opposèrent comme le Prophète le leur avait ordonné. Khâlid et 'Ikrima lancèrent alors une violente attaque contre les musulmans par l'arrière. Ils pénétrèrent dans leurs rangs en criant le nom de leurs principales idoles, comme al-'Uzzâ et Hubal. Cela causa quelques hésitations chez les musulmans et une agréable surprise pour les unités de l'armée de Quraysh qui étaient en pleine retraite.

                Ces unités purent alors contre-attaquer en profitant de l'hésitation des musulmans. Une femme nommée Amra bint Alqama du clan des Hârith ramassa par terre l'étendard des Quraysh qui avait été piétiné et le brandit, ce qui en fit un point de ralliement pour les Quraysh revenant à la charge. La vitesse à laquelle tout cela se produisit prit les musulmans par surprise et les laissa dans la plus grande confusion. Ils ne comprenaient pas comment l'armée qui, quelques instants auparavant battait en retraite, pouvait maintenant les attaquer par l'avant et par l'arrière.

                Bon nombre de soldats musulmans furent tués, mais la confusion qui se répandit dans leurs rangs était bien plus désastreuse que le nombre de victimes. À ce moment-là, quelqu'un cria très fort : « Muhammad a été tué ! » Le cri fut répété et troubla profondément les musulmans. La plupart furent déstabilisés et beaucoup pensèrent que la défaite était inévitable. Les musulmans ne savaient pas ce qui était en train de leur arriver. Certains d'entre eux partirent dans la montagne pour essayer d'y trouver une position sûre.

                D'autres fuirent tout simplement la bataille. Certains luttaient encore et se défendaient de toutes leurs forces. Ils se disaient que se battre jusqu'à la mort était la meilleure chose qu'ils pouvaient faire. D'auttes étaient si surpris et si troublés qu'ils posèrent les armes et cessèrent de se battre. Une partie d'entre eux commençaient à se demander : « Si Muhammad est mort, pourquoi continuer à combattre ? Ne vaudrait-il pas mieux retourner à Médine où nos contribules pourraient trouver un accord avec les Quraysh ? »

                D'autres pensaient que le combat entre l'islam et l'ignorance avait atteint son point décisif, et qu'ils seraient inévitablement tués. Cependant, le Prophète n'était pas mort. De surcroît, il n'était pas homme à être ébranlé par la défaite ni à baisser les bras quand la mort le regardait en face. Il était un exemple pour tous les croyants de toutes les époques. Il se dressa fermement, appelant ses compagnons : « Venez, vous qui adorez Dieu ! Revenez vers moi ! Je suis le Messager de Dieu. »

                Il appela même certains hommes par leur nom. Toutefois, la plupart de ses compagnons ne l'entendirent même pas quand il les appela. Une poignée d'entre eux, pas plus de dix selon les plus hautes estimations, restèrent à ses côtés et jurèrent de se battre avec lui jusqu'à la mort. Ils prirent une position qui leur permettait d'être quelque peu protégés et se battirent avec la plus grande détermination.

                Les Quraysh tentent de tuer le Prophète

                Nous avons mentionné précédemment que les Quraysh avaient l'intention, si les hostilités éclataient, d'essayer de tuer le plus grand nombre possible de hauts personnages musulmans. Ils allaient maintenant essayer de frapper au sommet en tuant Muhammad lui-même. Une attaque résolue fut lancée dans le seul but de tuer le Prophète. Les Quraysh avaient compris que les musulmans ne pourraient pas survivre s'ils étaient privés de leur guide.

                Leur sentiment national n'était pas encore assez fort pour résister à un bouleversement comme celui que susciterait la mort du Prophète. Ainsi, en attaquant le Prophète personnellement, les Quraysh visaient-ils l'objectif unique qui réaliserait tous leurs espoirs. Le Prophète lui-même tenait fermement sa position, avec une poignée de ses compagnons qui déployaient tous leurs efforts pour le défendre et étaient prêts à mourir pour protéger le Messager de Dieu.



                A SUIVRE....

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                • #83
                  SUITE

                  Celui qui le défendit le plus vaillamment fut Talha ibn 'Ubaydallâh, l'un des muhâjirûn. Il n'avait que quinze ou seize ans lorsqu'il embrassa l'islam, la semaine même où le Prophète avait commencé à recevoir la révélation divine. Maintenant âgé de trente ans, il servait toujours avec autant de dévouement la cause de l'islam. À Uhud, il se surpassa. Il combattit avec une énergie et une détermination défiant l'imagination. Son sabre à la main, il bondissait devant le Prophète, derrière lui, à sa droite, à sa gauche, écartant tous les dangers qui se présentaient. Il tournait autour du Prophète, faisant de son propre corps un bouclier destiné à le protéger des flèches et des lances de ses assaillants.

                  Il continua ainsi jusqu'à ce que l'attaque des Quraysh ait été repoussée. Personne ne protégea le Prophète aussi efficacement que Talha ce jour-là. Le Prophète, louant son comportement, dit : « Talha l'a rendu inévitable. » Il voulait dire par là que Talha, en défendant aussi vaillamment le Prophète, avait rendu inévitable que Dieu l'admette au Paradis. Les musulmans reconnurent le rôle joué par Talha à Uhud et le fait qu'à lui seul, il avait combattu comme toute une unité.

                  Abu Bakr lui-même, le plus proche compagnon du Prophète et l'un de ceux qui restèrent fermement à ses côtés alors que les musulmans étaient sérieusement ébranlés, disait de la bataille d'Uhud : « Cette journée appartenait totalement à Talha. »

                  Shammâs ibn 'Uthmân, du clan des Makhzûm de Quraysh, défendit lui aussi vaillamment le Prophète . Chaque fois que ce dernier se tournait vers la droite ou vers la gauche, il y trouvait Shammâs en train de se battre. Il semble que les assaillants parvinrent tout près du Prophète, de sorte que quelques-uns de ses défenseurs durent l'abriter derrière leur propre corps. L'un d'eux était Shammâs, qui se campa devant le Prophète pour le protéger de son corps et fut tué ainsi. Le Prophète dit : « Je n'ai jamais vu pareil homme que Shammâs, sauf au Paradis. Abu Dujâna, que nous avons vu prendre le sabre du Prophète « à sa juste valeur », c'est-à-dire pour « en frapper l'ennemi jusqu'à ce qu'il soit tordu », était aussi parmi ceux qui protégèrent le Prophète de leur propre corps.

                  Cette action est attribuée à seulement trois des compagnons du Prophète : Talha, Shammâs et Abu Dujâna. Ce dernier reçut de nombreuses flèches dans le dos alors qu'il se penchait au-dessus du Prophète pour le couvrir de son corps. D'autres compagnons du Prophète tentèrent de repousser l'attaque en se battant de toutes leurs forces. Deux d'entre eux étaient parmi les meilleurs au tir à l'arc. L'un d'eux, Abu Talha, un homme des ansâr, posa toutes ses flèches devant le Prophète et les tira l'une après l'autre. Chaque fois que le Prophète voyait l'un de ses compagnons avec un sac de flèches, il lui disait de le donner à Abu Talha.

                  Le Prophète suivait des yeux chacune des flèches lancées par Abu Talha pour voir si elle frappait. Abu Talha lui disait : « Envoyé de Dieu, toi pour qui je donnerais mon père et ma mère, ne regarde pas, une de leurs flèches pourrait t'atteindre. Je préférerais recevoir moi-même au cou et au visage les flèches qui te sont destinées. » Sa'd ibn Abî Waqqâs était peut-être le meilleur archer des muhâjirûn. Lui aussi resta aux côtés du Prophète, s'efforçant de repousser les assaillants à coups de flèches.

                  Le Prophète lui-même lui tendait les flèches, en lui disant à chaque fois : « Tire-la, Sa'd, toi pout qui je donnerais mon père et ma mère. » Il lui donnait même des flèches sans pointe, que Sa'd tirait. Cette expression parlant de sacrifier ses parents pour une autre personne était communément employée par les Arabes. Elle n'était pas à prendre au sens littéral mais exprimait un haut degré d'amour et de dévouement. Le Prophète ne l'a utilisée pour personne d'autre que pour Sa'd ibn Abî Waqqâs, à qui il était apparenté par sa propre mère. Le Prophète exprimait aussi sa fierté de Sa'd en disant : « C'est mon oncle, que chacun me montre son oncle. » Sa'd avait pourtant vingt ans de moins que le Prophète.

                  Pour apprécier toute la virulence de l'attaque lancée par les Quraysh contre la personne du Prophète, il faut comprendre quelle défense héroïque ses compagnons durent leur opposer. Une femme des ansâr, Nasîba bint Ka'b, avait accompagné l'armée musulmane pour donner à boire aux soldats. Lorsqu'elle s'aperçut que l'attaque contre le Prophète était si acharnée que la plupart des musulmans se trouvaient dans une confusion totale, elle posa son eau et prit un sabre.


                  Nouant son vêtement autour de sa taille, elle se battit plus vaillamment qu'aucun homme et reçut au moins treize blessures. L'une de ces blessures, reçue à l'épaule, était si profonde qu'elle ne devait jamais se cicatriser. Elle lui fut infligée par un homme du nom d'Ibn Qami'a, qui s'efforçait d'être celui qui tuerait le Prophète. Le Prophète a dit d'elle : « Je la voyais me défendre chaque fois que je regardais à droite ou à gauche. »

                  Al-Hubâb ibn al-Mundhir résista, ferme comme un roc, à toute une unité de soldats ennemis. Ses adversaires finirent par avoir le dessus et les témoins de la scène pensèrent qu'il n'en sortirait jamais vivant. Il réussit cependant à sortir de la mêlée puis à passer à son tour à l'attaque : bientôt ses assaillants prenaient la fuite.

                  Mus'ab ibn 'Umayr, l'un des défenseurs du Prophète , se jeta devant celui ci alors que 'Amr ibn Qami'a lui portait un coup. Mus'ab fut tué et Ibn Qami'a crut avoir atteint son but. Il retourna auprès des négateurs pour leur dire qu'il avait tué le Prophète, et c'est ainsi que la nouvelle de la mort du Prophète se répandit. Plusieurs hommes des ansâr luttèrent vaillamment pour défendre le Prophète et furent tués l'un après l'autre.

                  Le dernier du groupe, Zayd ibn as-Sakan, reçut une blessure mortelle : le Prophète l'allongea en lui faisant reposer la tête sur son pied, le laissant ainsi jusqu'à ce qu'il rende l'âme. D'autres musulmans s'avancèrent pour défendre le Prophète. Chacun d'eux s'approcha et lui dit : « Je donne ma vie pour te sauver, je te laisse en paix sans dire adieu. » Ce furent peut-être une trentaine de soldats qui moururent en défendant le Prophète.

                  Quatre hommes des Quraysh étaient plus déterminés que jamais à tuer le Prophète . Ils s'étaient juré mutuellement que rien ne les empêcherait de le tuer. C'était bien connu à La Mecque, et tous les Quraysh comptaient sur eux pour tenir parole. Au plus fort de l'assaut contre le Prophète, tous les quatre étaient au coeur de la mêlée. Abdullâh ibn Shihâb parvint à atteindre le Prophète : il le blessa au front, de sorte que sa barbe était rouge de sang. 'Utba ibn Abî Waqqâs, le frère de Sa'd qui, lui, défendait si vaillamment le Prophète, parvint à frapper le Prophète à la lèvre inférieure, lui cassant une incisive du bas. Amr ibn Qami'a réussit à le frapper à la joue : deux maillons du masque de fer du Prophète pénétrèrent dans sa chair. Amr frappa ensuite le Prophète à l'épaule avec son sabre ; le Prophète tomba dans un trou et ne parvint pas à se relever.

                  Alî ibn Abî Tâlib le tint par la main tandis que Talha ibn 'Ubaydallâh le soulevait. Cette blessure fit souffrir le Prophète pendant tout un mois. Ubayy ibn Khalaf visa le Prophète avec sa lance et dit : « Menteur, où pourras-tu me fuir ? » Le Prophète le frappa à l'épaule d'un coup de lance et il recula, épouvanté. Quand l'armée de Quraysh prit le chemin du retour, Ubayy avait renoncé à tout espoir de survie. Ses compagnons d'armes lui dirent : « Ton épaule est à peine blessée. Pourquoi te comportes-tu comme un mourant ? » Il répondit : « N'avez-vous pas entendu Muhammad, lorsqu'il a dit qu'il allait me tuer ? Par Dieu, même s'il n'avait fait que cracher sur moi, il m'aurait tué. » Ubayy mourut avant d'arriver à La Mecque.

                  Certains musulmans commencèrent à se rendre compte que le Prophète n'était pas mort et se joignirent à la bataille. Le premier à reconnaître le Prophète tandis qu'ils se regroupaient fut Ka'b ibn Mâlik, qui a relaté : « Je le reconnus à ses yeux qui brillaient à travers son masque. Je criai cette bonne nouvelle aux musulmans, mais le Prophète me fit signe de me taire. »

                  D'autres soldats arrivaient à la rescousse, et un groupe de ses compagnons amena le Prophète à un endroit bien abrité au pied de la montagne, où un certain nombre de ses partisans assurèrent sa sécurité. Il voulut escalader un rocher mais n'y parvint pas en raison de tout le sang qu'il avait pendu. Voyant cela, Talha Ibn ' Ubaydallâh s'accroupit sous lui et le souleva pour l'aider à escalader le rocher.

                  Le Prophète, touché par le geste de Talha, le surnomma « Talha al-Khayr », ce qui signifie qu'il était le symbole du bien. Ainsi l'assaut acharné des Quraysh visant à tuer le Prophète manqua-t-il son objectif. Le rôle central de Talha ibn 'Ubaydallâh dans cette défense fut reconnu même par ceux qui étaient eux aussi restés aux côtés du Prophète. L'un d'eux, Sa'd Ibn Abî Waqqâs, devait dire plus tard que Talha était le héros de cette journée : « Il est resté près du Prophète tandis que certains d'entre nous tentions des poussées vers l'avant puis revenions vers lui. »

                  Talha fut grièvement blessé. Il reçut dans la main une flèche qui en paralysa la partie inférieure. Il fut aussi atteint à la tête par une pierre et perdit connaissance. Le Prophète demanda à Abu Bakr de s'occuper de lui, et celui-ci lava sa blessure. Lorsque Talha recouvra ses sens, il demanda à Abu Bakr des nouvelles du Prophète. Ayant appris qu'il allait bien, Talha remercia Dieu et dit : « Quelque malheur qui puisse nous arriver maintenant sera sans importance. »

                  L'un des ansâr qui manifestèrent un grand courage dans la bataille fut Anas ibn an-Nadr, l'oncle d'Anas ibn Mâlik. Il regrettait d'avoir manqué la bataille de Badr et avait juré que s'il venait à participer à une bataille pour la cause de l'islam, Dieu verrait bien son héroïsme. Il tint parole. Lorsque la confusion s'empara des musulmans, il s'exclama : « Seigneur, j'implore Ton pardon pour ce que ceux-ci [les musulmans] ont fait, et je désavoue ce que ceux-là [les négateurs] recherchent. »

                  Puis il se battit héroïquement et fut tué. Personne ne put reconnaître son corps, jusqu'à ce que sa soeur finisse par l'identifier grâce à une marque qu'il avait au doigt. Son corps portait quelque quatre-vingts blessures.

                  De plus en plus de compagnons du Prophète retrouvaient leurs esprits et se joignaient au groupe qui était resté ferme pendant tout ce temps. Dans le désordre qui régnait encore, certains se battaient sans savoir contre qui. C'est dans cette confusion qu'un musulman, al-Yamân, un homme âgé qui était le père d'un grand commandant musulman nommé Hudhayfa, fut tué par erreur par les musulmans eux-mêmes.

                  Hudhayfa vit son père se faire attaquer par ses frères musulmans et tenta en vain de le prévenir. Après la bataille, il renonça à demander réparation aux meurtriers de son père.



                  A SUIVRE...

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                  • #84
                    Un étrange assoupissement

                    Quelque chose d'extraordinaire arriva alors aux musulmans. Tandis qu'ils se ralliaient autour du Prophète , ils furent envahis par le sommeil. Ils marchaient vers le Prophète au coeur de la bataille, et pourtant beaucoup d'entre eux sentirent le sommeil les gagner. Chacun de ceux qui s'assoupissaient ainsi laissait tomber son sabre, mais se réveillait à ce moment, plein de force et d'assurance.

                    Le Coran évoque cet incident lorsqu'il mentionne les événements de la bataille d'Uhud : « Cette angoisse passée, Dieu fit descendre sur vous Sa sécurité et une espèce d'assoupissement s'empara d'une partie d'entre vous. » (3.154)

                    La lutte était maintenant moins inégale. Les musulmans qui s'étaient ralliés autour du Prophète étaient prêts à poursuivre le combat ; ils se battaient avec détermination. Toutefois, les deux camps étaient épuisés. Les chefs des Quraysh avaient le sentiment d'avoir obtenu une victoire qui effacerait le souvenir de l'humiliation subie à Badr. Dans la situation présente, il n'était plus question d'écraser les musulmans comme ils l'avaient espéré. Les combats cessèrent peu à peu et les deux camps finirent par se retirer de la bataille.

                    Abu Sufyân, le chef de Quraysh, parcourut le champ de bataille, regardant ceux qui avaient été tués. Il espérait trouver le corps du Prophète. Ne le trouvant pas, il eut des doutes et retourna à son camp. Les troupes s'apprêtaient à quitter le champ de bataille. Avant le départ, Abu Sufyân se tint sur une hauteur et cria :
                    « Grandes sont vos actions. Nous sommes quittes. Ce jour est pout nous, et il vaut Badr. Gloire à Hubal. » (Hubal était le nom de la principale idole adorée par les païens.)

                    Le Prophète demanda à 'Umar de lui répondre, et celui-ci répondit avec les mots du Prophète : « Dieu est le plus Glorieux, le plus Grand. Nous ne sommes pas quittes : nos martyrs sont au Paradis, et vos morts sont en Enfer. » Abu Sufyân demanda à 'Umar de s'approcher de lui et le Prophète lui donna la permission d'aller voir ce qu'il voulait. Abu Sufyân demanda : « Je te le demande par Dieu, avons-nous tué Muhammad ? » 'Umar répondit : « Par Dieu, non. Il t'entend parler en ce moment même. » Abu Sufyân dit alors : « À mon avis, tu dis plus la vérité qu'Ibn Qami'a. »

                    Ibn Qami'a était l'homme qui affirmait avoir tué le Prophète. Abu Sufyân cria ensuite : « Il y a eu des mutilations de vos hommes qui ont été tués. Je jure par Dieu que cela ne m'a ni plu, ni déplu. Je ne l'ai ni approuvé, ni interdit. » Abu Sufyân faisait allusion à ce que certains hommes et femmes de Quraysh, dont sa propre épouse Hind bint 'Utba, avaient fait aux corps des musulmans tués. Ils avaient coupé le nez et les oreilles des martyrs musulmans et s'en étaient fait des bracelets et des colliers ; nous avons déjà relaté ce que Hind avait fait à Hamza.

                    Avant de partir, Abu Sufyân dit encore : « Rencontrons-nous à nouveau à Badr l'année prochaine. » Le Prophète ordonna à 'Umar d'accepter le défi. Maintenant que l'armée de Quraysh s'apprêtait à partir, le Prophète s'inquiéta qu'ils ne tentent d'attaquer Médine elle-même. Il envoya son cousin, Alî ibn Abî Tâlib, en reconnaissance en lui disant : « Suis-les et regarde ce qu'ils font et ce qu'ils préparent. S'ils montent leurs chameaux plutôt que leurs chevaux, ils sont en route pour La Mecque. Si, en revanche, ils montent leurs chevaux et laissent leurs chameaux les suivre, leur objectif est Médine. »

                    Après le départ de Alî, le Prophète dit : « Par Celui qui détient mon âme en Son pouvoir, s'ils veulent attaquer Médine, je marcherai sur eux et je les combattrai jusqu'au bout à Médine. » 'Alî revint bientôt annoncer que l'armée de Quraysh rentrait à La Mecque.

                    Les compagnons du Prophète s'occupaient de lui et essayaient de soigner ses blessures. Abu 'Ubayda Amir ibn al-Jarrâh retira les deux maillons du masque de fer du Prophète qui étaient enfoncés dans sa joue. Les musulmans se mirent à vérifier si certains des combattants gisant au sol étaient encore en vie. Le Prophète demanda à certains d'entre eux de chercher l'un de ses compagnons, Sa'd ibn ar-Rabî'. Un homme le trouva grièvement blessé et lui dit : « Le Prophète m'a demandé de chercher à savoir si tu étais vivant ou mort. »

                    Sa'd répondit : « Je suis parmi les morts. Salue de ma part le Prophète et dis-lui que Sa'd ibn ar-Rabî' prie Dieu de le combler de la meilleure récompense qu'un prophète puisse obtenir. Salue aussi tes concitoyens et dis-leur que Sa'd ibn ar-Rabî' leur fait dire qu'ils ne peuvent avoir aucune excuse auprès de Dieu s'ils laissent le Prophète se faire tuer tandis que l'un d'eux est encore en vie. »

                    Le Prophète lui-même parcourut le champ de bataille pour regarder les morts. Quand il arriva au corps de son oncle Hamza et vit à quel point il était défiguré, sa peine fut immense. Il s'exclama : « Je n'ai jamais rien vu d'aussi insupportable ! » Puis son regard s'arrêta sur Mus'ab ibn 'Umayr qui avait également été tué et qui ne portait qu'un court vêtement ; il dit : « Je t'ai vu à La Mecque quand personne n'était plus beau ni plus élégant que toi. Te voici maintenant la tête couverte de poussière, ne portant que cet humble vêtement. »

                    Il regarda ensuite tous ceux qui avaient été tués dans la bataille et dit : « Je témoigne pour ceux-là. Quiconque reçoit une blessure en combattant dans la voie de Dieu sera ressuscité avec sa blessure en train de saigner ; sa couleur sera celle du sang et son odeur celle du musc. » Le Prophète fit ensuite enterrer les victimes là où elles étaient tombées. Il demanda à ses compagnons d'envelopper les corps tels qu'ils étaient, sans laver les blessures. Deux ou trois corps étaient enterrés dans chaque tombe ; à chaque fois, celui qui connaissait le mieux le Coran était placé avant ses compagnons.

                    En effet, le Prophète se rendait compte que ses compagnons étaient extrêmement fatigués et il ne voulait pas épuiser leur énergie en leur faisant creuser une tombe individuelle pour chaque mort. Les musulmans perdirent soixante-dix martyrs à la bataille d'Uhud ; quatre faisaient partie des muhâjirûn, les autres étaient des ansâr. Les Quraysh perdirent quant à eux vingt-quatre hommes.

                    Lorsque les soixante-dix musulmans furent enterrés, le Prophète et ses compagnons repartirent pour Médine. Beaucoup d'entre eux étaient blessés, dont le Prophète lui-même. Certains, comme Talha et 'Abd ar-Rahmân ibn Awf, avaient reçu une vingtaine de blessures. Tous se reprochaient leur erreur et leur désobéissance aux ordres du Prophète. Ils imploraient Dieu de leur pardonner.

                    Retour à Médine

                    À leur arrivée à l'entrée de la ville, ils furent accueillis par un groupe de femmes qui pleurait ses morts. En voyant le Prophète , les femmes cessèrent de pleurer et accoururent vers lui pour s'assurer qu'il allait bien. Deux femmes du clan des Abd al-Ashhal lui parlèrent. Umm Amir dit : « Tant que tu es en vie, la catastrophe qui nous frappe est sans importance. » La mère de Sa'd ibn Mu'âdh se précipita vers lui et, ayant vérifié que son état n'était pas inquiétant, elle dit : « Maintenant que je te vois sain et sauf, la gravité de notre désastre s'atténue. »

                    Le Prophète lui présenta ses condoléances pour la mort de son fils Amr et lui dit : « Umm Sa'd, sois heureuse et annonce aux familles des martyrs que leurs morts sont tous réunis au Paradis. » Elle répondit : « Nous sommes heureux avec le Messager de Dieu parmi nous. Pourquoi pleurerions-nous sur eux maintenant ? Implore Dieu pour ceux qu'ils ont laissés derrière eux, Messager de Dieu. » Le Prophète prononça pour eux cette invocation : « Seigneur, fais que leur peine soit temporaire, adoucis leur malheur et accorde une généreuse récompense à ceux qui restent. »

                    Le Prophète demanda ensuite à ceux de ses compagnons qui étaient blessés de rester chez eux et de soigner leurs blessures. Il rentra chez lui mais ne put descendre sans aide de sa monture. Il s'appuya sur ses deux compagnons Sa'd ibn 'Ubâda et Sa'd ibn Mu'âdh pour entrer dans sa maison. Quand Bilâl appela à la prière de maghrib, il sortit de la même manière pour rejoindre la mosquée. La prière terminée, il rentra chez lui. Plusieurs personnages importants des deux tribus des ansâr, les Aws et les Khazraj, passèrent la nuit dans la mosquée pour assurer la sécurité du Prophète, car ils craignaient que les Quraysh ne décident d'organiser un raid contre sa maison pendant la nuit.

                    Le Prophète donna la permission de pleurer sur les morts, conscient que les larmes apaisent le chagrin. Il interdit cependant toutes les autres manifestations de deuil courantes avant l'islam, comme de s'arracher les cheveux, de se griffer le visage ou de se lamenter. Cette interdiction est toujours en vigueur.

                    En réfléchissant à ce qui s'était passé, le Prophète comprit que les forces hostiles à l'islam à Médine et dans les environs trouveraient dans la défaite des musulmans une motivation pour tenter de leur nuire davantage. Il était pleinement conscient que les musulmans étaient encore en position de faiblesse à Médine même. Quoique leur victoire éclatante de Badr ait renforcé leur sécurité en inspirant la crainte à leurs ennemis, la défaite militaire actuelle produirait l'effet inverse en donnant à penser que les musulmans étaient vulnérables.

                    Si les Quraysh devaient décider d'attaquer de nouveau ou si certaines tribus juives et les polythéistes arabes de Médine entreprenaient une action militaire conjointe contre Muhammad et ses compagnons, les musulmans se trouveraient dans une situation extrêmement périlleuse. Il fallait donc faire quelque chose pour rétablir la confiance des musulmans et dissuader leurs ennemis de les attaquer.

                    a suivre...

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                    • #85
                      suite

                      Poursuite dans le désert

                      Le lendemain, le dimanche 16 shawwâl, il fit proclamer dans les rues de Médine que les gens devaient se préparer pour une opération militaire. Cet appel s'adressait, selon les instructions du Prophète , uniquement à ceux qui avaient participé à la bataille de la veille. Les compagnons du Prophète répondirent promptement au nouvel appel.

                      Tous ceux qui avaient participé à la bataille se rassemblèrent, même les blessés. Aucun ne pensait que sa blessure le dispensait de participer à la nouvelle opération. Deux frères, Abdullâh et Râfi', fils de Sahm, avaient reçu plusieurs blessures à Uhud : ils n'hésitèrent pas néanmoins à répondre à ce nouvel appel. Comme les blessures de Râfi' étaient beaucoup plus graves que celles de son frère, il ne pouvait pas marcher jusqu'à la mosquée. Abdullâh le porta sur son dos une partie du chemin, puis le posa pour qu'il marche un peu.

                      Le Prophète fut touché de les voir dans cet état et implora Dieu pour eux. Plusieurs hommes qui n'avaient pas participé à la bataille d'Uhud demandèrent la permission de se joindre à la troupe maintenant, mais le Prophète refusa leur offre. Même Abdullâh ibn Ubayy, l'homme qui avait déserté avec le tiers de l'armée juste avant d'arriver au champ de bataille, vint trouver le Prophète et lui demanda de le laisser se joindre à l'armée. Sa proposition fut rejetée. Le Prophète ne voulait pas réhabiliter immédiatement les déserteurs ou ceux qui avaient rechigné à partir la première fois.

                      Si certains s'étaient repentis, leur repentir se reconnaîtrait à leur comportement futur. Le Prophète préférait attendre que Dieu leur ait pardonné. La seule exception fut Jâbir ibn Abdullâh. C'était un jeune homme dont le Prophète savait qu'il était l'un des plus fidèles de ses compagnons. Il vint trouver le Prophète et lui dit : « Messager de Dieu, c'est mon père qui m'a ordonné de rester en arrière pour m'occuper de mes sept soeurs. Il m'a dit : "Mon fils, nous ne pouvons pas tous les deux laisser ces femmes sans un homme pour s'occuper d'elles. Je ne suis pas homme à te laisser te joindre au combat avec le Prophète à ma place. Il faut donc que tu restes en arrière pour t'occuper de tes soeurs." C'est pour cette raison que je ne suis pas venu avec vous la première fois. »

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                      • #86
                        SALAM



                        Vulnérabilité et trahison



                        Malgré l'efficacité de la démonstration de force organisée par le Prophète à Hamra al-Asad, où il avait campé pendant trois jours avec son armée, allumant des feux toute la nuit et faisant savoir qu'il était prêt à affronter les Quraysh pour une nouvelle bataille si telle était leur intention, il n'en demeurait pas moins qu'à Uhud, les musulmans avaient essuyé une défaite militaire. Certains non musulmans et les hypocrites de Médine ne cachaient pas leur satisfaction de ce qui était arrivé aux musulmans. Ils lancèrent une campagne de dérision dont la cible principale était le Prophète lui-même.

                        La défaite des musulmans devint leur sujet de conversation. Où qu'ils se trouvent, et quel que soit leur interlocuteur, la même question revenait : « Comment un messager de Dieu peut-il être vaincu par des idolâtres païens ? » Ils ne cessaient de répéter : « Si Muhammad était vraiment un prophète, il n'aurait pas subi cette défaite. Il n'est qu'un aventurier ambitieux à la recherche d'un royaume. C'est pourquoi il lui arrive parfois de gagner et parfois de perdre. »

                        Les hypocrites, quant à eux, s'efforçaient de détourner les gens du camp musulman. Ils tentaient de présenter la défaite d'Uhud comme un désastre total. Ils s'enorgueillissaient d'avoir déserté l'armée avant la bataille, ajoutant que les musulmans auraient mieux fait de suivre leur exemple.

                        Menaces extérieures

                        Les menaces extérieures se faisaient cependant de plus en plus précises. De nombreuses tribus, pensant n'avoir pas grand-chose à craindre des musulmans, adoptèrent une attitude hostile. Les tribus bédouines de la région de Médine pensaient pouvoir effectuer des razzias sur la ville sans risque de représailles. La tribu des Asad fut la première à envisager une telle attaque et commença à mobiliser ses forces dans cette perspective.

                        Cependant, le Prophète avait déjà mis sur pied un vaste réseau de renseignement afin de toujours être informé des événements susceptibles d'affecter la sécurité de Médine et de sa population musulmane. Lorsqu'il apprit les intentions des Asad, il mobilisa cent cinquante hommes des muhâjirûn et des ansâr sous le commandement de son compagnon Abu Salama.

                        Les musulmans agirent vite et purent attaquer la tribu des Asad chez elle, la prenant par surprise. Les assaillants musulmans purent disperser l'ennemi et ramener son bétail avec eux à Médine, obtenant ainsi une victoire totale sans subir de pertes. Toutefois, Abu Salama, qui avait été blessé à Uhud, souffrit d'une résurgence de la même blessure : les soins médicaux ne servirent à rien, et il mourut quelques jours plus tard.

                        Le Prophète apprit ensuite que Khâlid ibn Sufyân, de la tribu de Hudhayl, était en train de mettre sur pied une force importante pour attaquer Médine. Le Prophète appela son compagnon Abdullâh ibn Anîs et lui fit part de ce qu'il avait appris. Il lui demanda d'aller rejoindre Khâlid ibn Sufyân à 'Urâna et de le tuer. Abdullâh ibn Anîs demanda au Prophète de lui décrire l'homme afin qu'il le reconnaisse. Le Prophète dit : « Lorsque tu le verras, il te fera penser à Satan. Le signe qui te confirmera que c'est bien ton homme sera que quand tu le regarderas, tu auras l'impression qu'il tremble. »

                        Abdullâh ibn Anîs relata ainsi la suite des événements :

                        Je le vis avec ses femmes ; il essayait de leur trouver un emplacement pour établir leur camp. C'était l'heure de la prière de 'asr. Lorsque je le vis, je le reconnus au tremblement dont m'avait parlé le Prophète . J'allai vers lui , mais je craignis alors de ne pas pouvoir faire ma prière si je devais me battre avec lui . Je fis donc ma prière en marchant vers lui , en faisant des mouvements de la tête au lieu des mouvements habituels de la prière. Quand j'arrivai près de lui, il me demanda qui j'étais. Je répondis : « Je suis un Arabe et j'ai entendu dire que tu mobilises une troupe pour attaquer cet homme : j'ai décidé de me joindre à vous. » Il répondit : « C'est bien ce que je fais. » Je marchai un moment avec lui , guettant le moment de le prendre par surprise. Puis, au bon moment, je le frappai de mon sabre et le tuai. Je quittai les lieux, tandis que ses femmes pleuraient sur son corps. Lorsque j'arrivai à Médine, le Prophète me vit et dit : « La mission est un succès. » Je répondis : « Je l'ai tué, Messager de Dieu. » Il me dit : « C'est bien. »

                        Les Hudhayl, furieux de l'assassinat de leur chef, se rendirent compte qu'ils ne pourraient pas se venger des musulmans s'ils les attaquaient à Médine. Comprenant que seule la ruse leur permettrait de se venger, ils envoyèrent au Prophète une délégation de deux tribus appelées Adal et al-Qâra. Quand ils parlèrent au Prophète, les membres de cette délégation lui dirent que leurs contribules voulaient apprendre l'islam et éventuellement y adhérer. Ils demandèrent au Prophète d'envoyer un groupe de ses compagnons pour leur expliquer l'islam et leur enseigner la récitation du Coran.

                        Le Prophète envoya avec eux six de ses compagnons, avec pour chef Marthad ibn Abî Marthad. Les cinq autres étaient Khâlid ibn al-Bukayr, Asim ibn Thâbit, Khubayb ibn Adî, Zayd ibn ad-Dathinna et Abdullâh ibn Târiq. Les deux groupes firent route ensemble jusqu'à un point d'eau appelé ar-Rajî' et appartenant aux Hudhayl, où ils établirent leur camp. La délégation envoya secrètement un émissaire dire aux Hudhayl de venir arrêter les musulmans.

                        Pris par surprise, les six musulmans se retrouvèrent entourés par une centaine d'hommes des Hudhayl. Ils réussirent à trouver refuge sur une colline voisine et se montrèrent prêts à combattre. Les hommes de Adal et al-Qâra leur dirent : « Nous n'avons pas l'intention de vous tuer. Tout ce que nous voulons, c'est vous remettre aux Mecquois pour de l'argent. Nous vous jurons devant Dieu de ne pas vous tuer, nous nous y engageons solennellement. »

                        Les trois premiers, Marthad, Khâlid et Asim, répliquèrent qu'ils n'accepteraient jamais la parole d'idolâtres et ne passeraient aucun accord avec eux. Ils se battirent avec leurs compagnons contre leurs assaillants déloyaux, et furent tous les trois tués. Les trois autres préférèrent accepter l'offre des assaillants. Ils déposèrent leurs armes et furent faits prisonniers. Dès qu'ils furent descendus de la colline, 'Abdullâh ibn Târiq comprit que ses ravisseurs s'apprêtaient à trahir leur parole. Il réussit à se détacher les mains, saisit son sabre et fit demi-tour. Cependant, les hommes le bombardèrent de flèches, de pierres et d'autres projectiles et finirent par le tuer. Les deux autres musulmans restaient prisonniers.

                        Le serment d'un mort

                        Âsim ibn Thâbit présentait un intérêt particulier pour les traîtres. Lors de la bataille d'Uhud, il avait tué deux frères idolâtres. Leur mère, Sulâfa bint Sa'd, faisait partie des femmes de Quraysh qui s'étaient jointes à l'armée à la bataille d'Uhud. Elle savait que c'était Asim qui avait tué ses deux fils. Elle avait fait le voeu que si elle mettait la main sur Asim, elle se servirait de son crâne comme coupe pour boire du vin. Maintenant, ses meurtriers voulaient lui couper la tête afin de la vendre à Sulâfa, pensant en tirer un bon prix.

                        Or, Asim avait fait serment devant Dieu de ne jamais toucher un idolâtre ni laisser un idolâtre le toucher. Bien que cela ne soit pas demandé aux musulmans, 'Asim avait fait ce serment parce que, trouvant les négateurs impurs, il ne voulait avoir aucun contact physique avec eux. Quand il fut tué, il se trouva évidemment à la merci de ses meurtriers, qui étaient négateurs. Lorsque ceux-ci s'approchèrent de lui pour lui couper la tête, cependant, ils le trouvèrent quasiment recouvert d'un grand nombre de guêpes, de frelons et d'abeilles.

                        Ils craignirent de se faire piquer s'ils mettaient leur projet à exécution. Quelqu'un suggéra d'attendre la tombée de la nuit, où les insectes regagneraient leur nid. Cependant, quand le soleil commença à se coucher, des pluies torrentielles emportèrent le corps de 'Asim ibn Thâbit vers une destination inconnue. Lorsqu'il apprit que Asim avait été protégé par les guêpes et les frelons, 'Umar ibn al-Khattâb dit : « Dieu protégera toujours Ses fidèles serviteurs. Asim avait fait le serment de ne jamais toucher un idolâtre aussi longtemps qu'il vivrait, et Dieu lui a permis de réaliser sa promesse après sa mort. »

                        Les deux autres prisonniers, Khubayb ibn Adî et Zayd ibn ad-Dathinna, furent emmenés à La Mecque et vendus aux Quraysh. 'Uqba ibn al-Hârith acheta Khubayb pour le tuer afin de venger la mort de son père al-Hârith ibn Amir, tandis que Safwân ibn Umayya achetait Zayd pour le tuer afin, lui aussi, de venger son père Umayya ibn Khalaf qui avait été tué à la bataille de Badr. Les deux hommes ayant été capturés pendant le mois où il était traditionnellement interdit, en Arabie, de se battre et de s'entretuer, ils furent gardés prisonniers jusqu'à la fin de cette période.

                        Peu après, les deux hommes furent emmenés à en endroit appelé at-Tan'îm, à six kilomètres environ au nord de La Mecque, pour y être tués. Un grand nombre d'hommes, de femmes et d'enfants s'y rendirent pour assister à la mise à mort des deux prisonniers sans défense. Safwân ibn Umayya ordonna à l'un de ses esclaves, du nom de Nastas, de tuer Zayd. Lorsqu'on l'eut amené pour le tuer, Abu Sufyân s'adressa à Zayd : « Je te le demande au nom de Dieu, Zayd, préférerais-tu que Muhammad soit à ta place pour être tué par nous, tandis que tu serais en sécurité dans ta famille ? » Zayd répondit : « Je ne voudrais pas être dans ma famille maintenant, et que Muhammad soit gêné ne serait ce que par une épine dans son corps, où qu'il se trouve à présent. »

                        Abu Sufyân remarqua : « Je n'ai jamais vu personne montrer autant d'amour pour quelqu'un, que les adeptes de Muhammad pour lui. » Quand on amena Khubayb pour le tuer, il demanda à ses meurtriers : « Je serais reconnaissant si vous me laissiez faire une brève prière. » Ils cédèrent à sa requête et il effectua une prière de deux rak'ât, aussi calmement que tout fidèle absorbé par sa prière. Lorsqu'il eut fini, il leur dit : « J'aurais prié plus longtemps si je n'avais craint que vous pensiez que j'avais peur de la mort. »

                        Les Quraysh attachèrent Khubayb à une croix de bois puis dressèrent cette croix. Il leva les yeux vers le ciel et dit : « Seigneur, j'ai transmis le message de Ton Messager. Informe-le de ce qu'on nous a fait. » Puis il regarda ses meurtriers et dit : « Seigneur, compte-les tous, tue-les tous et n'en laisse aucun échapper. » Lorsqu'ils comprirent qu'il était en train de faire cette prière, ils se jetèrent à terre sur le côté, comme le voulait leur tradition. Ils croyaient qu'en agissant ainsi ils échapperaient à la malédiction prononcée contre eux.

                        Ainsi s'acheva un épisode qui causa une immense peine aux musulmans de Médine, en particulier à cause de la trahison à l'origine de ces meurtres.

                        A SUIVRE....
                        __________________

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                        • #87
                          SUITE

                          Nouvelle trahison

                          À l'époque où ces musulmans étaient traîtreusement assassinés à ar-Rajî', un autre groupe des ansâr fut victime d'un crime encore plus terrible et plus perfide. L'affaire commença lorsqu'un homme du Najd appelé Amir ibn Mâlik - ou plus solennellement Abu Barâ', selon la tradition arabe d'appeler un homme le père de son fils aîné - vint à Médine rencontrer le Prophète. Ce dernier lui expliqua le message de l'islam et l'invita à croire à l'unicité de Dieu et au message qu'il avait confié à Muhammad. Abu Barâ', qui était un chef très respecté des siens, n'embrassa pas l'islam mais ne le rejeta pas non plus : il suggéra au Prophète d'envoyer un groupe de ses adeptes au Najd, où ils pourraient parler aux clans et aux tribus et les inviter à croire à l'islam.

                          Il dit au Prophète qu'il avait bon espoir que la réaction des tribus arabes du Najd ne soit pas défavorable. Le Prophète exprima ses craintes que les gens du Najd, connus pour leur bravoure et leur férocité, n'essaient de les tuer. Abu Barâ' s'engagea à les prendre sous sa protection. Dans les traditions de l'Arabie de l'époque, tout homme pouvait prendre une autre personne sous sa protection en le déclarant publiquement. Cela signifiait que la tribu du protecteur était dans l'obligation de défendre la personne protégée contre quiconque essaierait de lui nuire.

                          La pratique habituelle voulait que les tribus arabes respectent la protection accordée à quiconque par les membres de toute tribu avec laquelle ils ne voulaient pas entrer en conflit. En effet, toutes les tribus considéraient que la violation de leur protection par un individu ou une tribu était un acte d'agression auquel on ne pouvait répondre que par la guerre, ou du moins en tuant les coupables de cette violation ou un nombre équivalent de personnes de leur tribu.

                          Le Prophète envoya une mission comprenant au moins quarante de ses compagnons (quoique certains récits avancent le nombre de soixante-dix), tous membres des ansâr à l'exception de Amir ibn Fuhayra, le serviteur d'Abû Bakr qui avait joué un rôle important dans l'organisation de l'émigration du Prophète à Médine. Quand la délégation parvint à un endroit appelé Bi'r Ma'un, à mi-chemin entre la région habitée par la tribu des Amir et celle habitée par la tribu des Sulaym, elle envoya l'un de ses membres, Harâm ibn Milhân, apporter au chef de la tribu des Amir, qui s'appelait Amir ibn at-Tufayl, la lettre que le Prophète lui avait adressée.

                          Cependant, Amir ibn at-Tufayl ne regarda même pas la lettre : il tua Harâm ibn Milhân sur-le-champ. Il faut souligner ici que la tribu des Amir était au courant qu'Abû Barâ', un de ses chefs, avait pris cette mission sous sa protection. Celui-ci était en effet parti de Médine au-devant des émissaires musulmans pour signaler à toutes les tribus que les compagnons du Prophète étaient sous sa protection. Le meurtre de Harâm par Amir ibn at-Tufayl constituait donc une violation des valeurs et des traditions ancestrales, d'une part parce qu'il avait tué un émissaire alors que les émissaires devaient normalement circuler librement, d'autre part parce qu'il avait rompu un engagement de protection contracté par un chef de sa propre tribu.

                          'Amir ibn at-Tufayl appela ensuite les membres de sa tribu à attaquer la délégation musulmane. Ceux-ci refusèrent catégoriquement, lui signifiant clairement qu'ils n'étaient pas prêts à violer l'engagement de protection pris par Abu Barâ'. Il se tourna alors vers la tribu des Sulaym : là, il obtint l'aide escomptée. Ils avancèrent en force sous son commandement et eurent tôt fait d'encercler les musulmans qui , inquiets de l'absence prolongée de leur émissaire, avaient commencé à avancer vers le district de la tribu des 'Amir.

                          Les musulmans se trouvèrent assiégés par une force bien plus importante que la leur. Toutes les chances étaient contre eux. Il n'y eut ni négociations, ni aucune forme de dialogue. Les assaillants n'avaient qu'un but, qu'ils entreprirent de réaliser immédiatement. Les musulmans se défendirent, naturellement, et menèrent avec bravoure un combat difficile. Cependant, l'ennemi avait l'avantage du nombre. Tous les hommes musulmans de cette mission furent tués, à l'exception de Ka'b ibn Zayd qui , blessé, fut laissé pour mort. Ce dernier survécut toutefois et put participer, un an plus tard environ, à une autre bataille aux côtés du Prophète où il tomba en martyr.

                          Deux des musulmans avaient auparavant été envoyés mener les bêtes au pâturage. Ils avaient parcouru une distance importante et n'avaient pas assisté aux terribles événements de la journée. Ils se doutèrent cependant qu'un événement grave avait eu lieu lorsqu'ils virent un grand nombre d'oiseaux concentrés sur l'endroit où ils avaient laissé leurs compagnons. Ils comprirent que quelque chose s'était passé pour attirer les oiseaux. Ils se hâtèrent de rejoindre l'endroit, où un horrible spectacle les attendait. Tous leurs frères étaient morts ; leur sang baignait les lieux.

                          Les chevaux des assaillants étaient encore là : ils n'étaient pas encore partis. L'un des deux hommes, Amr ibn Umayya des muhâjirûn, dit à son frère des ansâr, al-Mundhir ibn Muhammad, qu'à son avis le mieux qu'ils pouvaient faire était de rentrer annoncer au Prophète ce qui s'était passé. Son compagnon répliqua : « Je ne voudrais pas échapper à une bataille où al-Mundhir ibn Amr [l'un de ses amis] a été tué. Je ne souhaiterais certainement pas que d'autres me racontent comment il est mort. » Il attaqua alors les agresseurs et se battit seul contre tous, tuant deux de leurs hommes avant d'être tué. Amr ibn Umayya restait seul et, se rendant compte qu'il serait futile d'essayer de combattre à lui seul une troupe aussi importante, il se laissa faire prisonnier.

                          Lorsqu'il dit à Amir ibn at-Tufayl qu'il appartenait à la tribu des Mudar, il fut libéré. Amir lui dit, après lui avoir rasé la tête en signe d'humiliation, qu'il le libérait au nom de sa mère, qui était dans l'obligation de libérer un prisonnier ou un esclave. Amr ibn Umayya prit le chemin de Médine. Arrivé à un lieu appelé Qarqara, il fit halte pour se reposer. Deux hommes de la tribu des Amir vinrent le rejoindre dans l'endroit ombragé où il s'était arrêté. Ces deux hommes s'étaient rendus auprès du Prophète et étaient porteurs d'un laissez-passer de sa part.

                          Autrement dit, le Prophète les avait pris sous sa protection. Ne sachant pas cela, Amr décida de tuer les deux hommes quand il apprit à quelle tribu ils appartenaient. Il attendit qu'ils s'endorment puis mit son idée à exécution. En les tuant, il pensait venger partiellement ses compagnons. De retour à Médine, Amr relata au Prophète ce qui était arrivé à ses partisans, le Prophète fut peiné, outragé et blessé par ce qui s'était passé. Il dit : « C'est le résultat des conseils d'Abû Bara. Je ne voulais pas les envoyer, je craignais les conséquences. » Jamais peut-être le Prophète n'éprouva une peine pareille à celle qu'il ressentit pour ses compagnons tués lors de cet incident.

                          En effet, c'était à la fois un meurtre commis de sang-froid et une trahison. Dans son affliction, le Prophète implora Dieu de punir les clans qui avaient participé au meurtre de ses compagnons. Il répéta cette invocation tous les jours pendant quinze jours, au cours de ses prières de l'aube. Il mentionnait nommément chaque clan et implorait également Dieu de secourir certains individus qui étaient détenus à La Mecque par les Quraysh.

                          Confiants ou vulnérables

                          Les deux incidents tragiques d'ar-Rajî' et Bi'r Ma'ûna mirent en évidence la vulnérabilité de la situation de la communauté musulmane à Médine. Venant juste après la bataille d'Uhud, ces deux incidents suggéraient qu'une grande partie des forces hostiles à l'islam étaient fort tentées de tester la résistance des musulmans. Les ennemis intérieurs, à Médine, tirèrent les conséquences de ces deux événements et se dirent qu'une attaque bien organisée visant la personne même du Prophète pourrait leur apporter le succès qu'ils espéraient.

                          Ils attendaient donc que l'occasion se présente. On peut ici se demander si la situation n'aurait pas été plus facile pour les musulmans si Dieu avait choisi de leur révéler l'identité de tous les hypocrites, afin qu'ils puissent au moins s'en méfier. Dieu aurait certainement pu le faire facilement s'il l'avait voulu, mais telle ne fut pas Sa volonté. Si le Prophète avait pris des mesures effectives contre eux, il aurait donné l'impression de punir une partie de ses adeptes sans raison apparente. Cela aurait pu dissuader de nombreuses personnes qui auraient autrement pu décider d'embrasser l'islam.

                          Le Prophète serait apparu comme un tyran qui jugeait arbitrairement certains de ses partisans. En outre, il donnait l'exemple que devraient suivre les futures générations de musulmans. Puisqu'aucun dirigeant musulman ne recevrait plus de révélation divine, l'identité des hypocrites des générations futures ne pourrait être établie. Ainsi les hypocrites représentaient-ils un danger impossible à quantifier. Les musulmans devaient demeurer sur leurs gardes.

                          Quant aux tribus juives, elles avaient conclu un traité de coexistence avec le Prophète . Aucune des deux parties ne devait intervenir dans les affaires religieuses de l'autre. Les tribus juives s'étaient engagées à ne soutenir aucun ennemi du Prophète ou des musulmans. L'expérience passée prouvait toutefois qu'elles pouvaient violer les clauses de leur traité s'il leur semblait que tel était leur intérêt. Un an ou deux auparavant, la tribu juive de Qaynuqâ' avait adopté une attitude ouvertement hostile au Prophète. Certains de ses membres avaient essayé de comploter contre les musulmans.

                          Tout cela s'était passé peu après l'éclatante victoire remportée par les musulmans lors de la bataille de Badr. Les musulmans étaient alors dans une position de force considérable, mais cela ne les avait pas dissuadé de comploter contre eux. Après le choc de la défaite d'Uhud et les trahisons d'ar-Rajî' et Bi'r Ma'una, la tentation de nuire aux musulmans était trop importante pour être ignorée. Le Prophète devait donc être constamment à l'affût du moindre signe de trahison pouvant venir d'un côté ou de l'autre. Il était également judicieux qu'il saisisse la première occasion de mettre à l'épreuve la loyauté des uns et des autres.

                          A SUIVRE....

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                            La tribu des An-Nadir se montre hostile

                            Cette occasion se présenta lorsque Amir ibn Umayya, le seul compagnon du Prophète qui n'avait pas été tué à Bi'r Ma'una, rentra à Médine et relata au Prophète ce qui était arrivé à ses compagnons et ce que lui-même avait fait sur le chemin du retour. Le Prophète devait payer le prix du sang aux proches des deux hommes que Amr avait tués en revenant. L'Etat musulman de Médine étant encore très pauvre - en particulier parce que les muhâjirûn dépendaient financièrement de leurs frères les ansâr, qui les avaient accueillis très généreusement -, une aide extérieure était nécessaire dans la circonstance.

                            Le Prophète alla donc trouver la tribu juive d'an-Nadîr, qui était alliée des 'Amir. Il demanda à leurs chefs de contribuer au paiement du prix du sang. Quand il eut expliqué le but de sa visite, ils se montrèrent prêts à lui donner satisfaction. Ils prirent soin de lui témoigner du respect, s'adressant à lui par son titre d'Abû al-Qâsim, c'est-à-dire père de son premier fils al-Qâsim (mort en bas âge). Ils lui dirent : « Nous allons certainement t'aider dans cette affaire. »

                            Le Prophète était venu avec quelques-uns de ses compagnons, dont Abu Bakr, 'Umar et Alî. Il s'assit avec ses compagnons près d'une maison appartenant aux juifs. Les chefs de la tribu d'an-Nadîr les y laissèrent, donnant à penser qu'ils allaient réunir de l'argent pour contribuer au paiement de la compensation dont le Prophète était redevable. Lorsqu'ils se retrouvèrent seuls, certains dirent : « Jamais vous ne trouverez en cet homme une proie aussi facile qu'en ce moment. Qu'un homme fort monte sur le toit de la maison à côté de laquelle Muhammad est assis et lui fasse tomber une grosse pierre ou un rocher sur la tête pour nous en débarrasser. »

                            L'un deux, Amr ibn Jihâsh ibn Ka'b, se porta volontaire pour commettre cette félonie. Cependant, le Prophète fut informé par Dieu du dessein de la tribu d'an-Nadîr : il laissa ses compagnons là où ils se trouvaient, donnant l'impression qu'il allait bientôt revenir, et rentra tout droit à Médine. Quand les compagnons du Prophète qui étaient venus avec lui, commencèrent à s'inquiéter de son absence prolongée, ils partirent à sa recherche.

                            Ils rencontrèrent bientôt un homme venant de Médine qui leur dit qu'il l'avait vu entrer dans la ville. Ils repartirent immédiatement pour Médine et y retrouvèrent le Prophète, qui les informa du complot en préparation. Le Prophète ayant quitté les lieux et échappé à la tentative d'assassinat, les an-Nadîr n'avaient aucune raison de poursuivre leur complot. Ils comprenaient qu'ils avaient manqué l'occasion de parvenir à leurs fins et espéraient que le Prophète ne leur avait échappé que par coïncidence. Ils ne savaient pas qu'il avait été averti.

                            Ils devaient bientôt apprendre que la trahison ne pouvait rester impunie. Après tout, les an-Nadîr n'avaient strictement aucune raison d'attenter à la vie du Prophète, à qui ils étaient liés par un traité de coexistence pacifique et de coopération. Leur action était uniquement motivée par leur haine implacable du Prophète et de l'islam.

                            Le Prophète envoya l'un de ses compagnons, Muhammad ibn Maslama, à la tribu d'an-Nadîr avec le message suivant : « Quittez la ville. Vous n'êtes plus autorisés à la partager avec moi maintenant que vous avez ourdi votre complot contre moi. Je vous donne dix jours pour mettre cet ultimatum à exécution. Quiconque d'entre vous serait vu à Médine après cela serait exécuté. » Le message était parfaitement clair et ne permettait aucun compromis. Dans la situation de Médine, où trois communautés différentes, Arabes païens, juifs et musulmans, vivaient côte à côte, une trahison flagrante ne pouvait être tolérée.

                            Toute sédition interne devait être maîtrisée immédiatement, avec toute la fermeté et la détermination nécessaires, afin que chacun sache que toute trahison serait sévèrement sanctionnée. La tribu d'an-Nadîr commença à préparer leur évacuation. Les termes de l'ultimatum leur permettaient d'emporter tous leurs biens et de désigner des agents pour s'occuper de leurs fermes et de leurs vergers. On voit donc que ces termes étaient hautement humains. Il n'était pas question de les déposséder de leurs biens.

                            Puisqu'à eux seuls ils n'étaient pas assez puissants pour affronter militairement les musulmans, le bon sens aurait par conséquent voulu qu'ils partent sans faire de difficultés. Toutefois, un fait nouveau les fit revenir sur leur position. Ils reçurent un message de Abdullâh ibn Ubayy, le chef de file des hypocrites, celui-là même qui avait divisé l'armée musulmane avant la bataille d'Uhud et déserté avec trois cents de ses partisans. Il leur demandait de rejeter l'ultimatum du Prophète et de refuser de quitter Médine. Il leur promettait son soutien, affirmant qu'il disposait de deux mille hommes prêts à combattre avec eux. Ils étaient prêts à prendre position dans leurs forts pour se battre à leurs côtés et aux côtés de la tribu Juive de Qurayza.

                            La tribu arabe de Ghatafân, alliée de celle d'an-Nadîr, viendrait aussi à la rescousse. Abdullâh ibn Ubayy s'engageait aussi à ce que ses propres contribules les soutiennent jusqu'au bout, allant jusqu'à quitter eux aussi Médine si la tribu d'an-Nadîr était contrainte à évacuer. Huyay ibn Akhfab, le chef de la tribu d'an-Nadîr, fut vivement intéressé par l'offre de Abdullâh ibn Ubayy. Il y vit une excellente occasion de vaincre les musulmans. Après tout, le moral des musulmans devait, pensait-il, être au plus bas après leur défaite d'Uhud et le massacre de leurs compagnons à ar-Rajî' et Bi'r Ma'una. Il envoya donc un message au Prophète : « Nous ne sommes pas disposés à évacuer nos demeures. Nous résisterons à toute tentative de nous expulser. Agis comme bon te semblera. »

                            Lorsque le Prophète reçut ce message, ses compagnons et lui-même glorifièrent Dieu en disant : « Ils ont décidé de se battre. » Les musulmans se mobilisèrent et le Prophète partit à la tête d'une force considérable, avec Alî comme porte-drapeau, après avoir chargé son compagnon Ibn Umm Maktûm de le remplacer à Médine. Ils encerclèrent le district des juifs d'an-Nadîr, qui se retirèrent dans leurs forts en attendant le soutien de Abdullâh ibn Ubayy et de leurs coreligionnaires de la tribu de Qurayza. Ils s'armèrent de flèches et d'autres projectiles en prévision de la bataille à venir.

                            Tous ces événements sont évoqués dans le Coran, à la sourate 59 intitulée al-Hashr (L'Exode). Au sujet de la promesse des hypocrites, le Coran dit :

                            N'as-tu pas remarqué ce que disent les hypocrites à leurs frères négateurs, parmi les gens des Écritures : « Si vous êtes exilés, nous vous suivrons ; nous n'obéirons jamais à ceux qui sont contre vous. Et si vous êtes attaqués, nous volerons à votre secours. » Mais Dieu est Témoin qu'ils ne racontent là que des mensonges, car ces hypocrites ne suivront pas leurs alliés, s'ils sont expulsés, pas plus qu'ils ne les assisteront, s'ils sont attaqués ; et même s'ils leur prêtaient secours, ils ne tarderaient pas à s'enfuir. Et c'est ainsi que leurs alliés ne recevront, en définitive, aucun secours. (59.11-12)

                            C'était bien vrai. La tribu des an-Nadîr attendait les renforts, mais ceux-ci n'arrivaient pas. Ni leurs alliés de Ghatafân, ni leurs coreligionnaires de Qurayza, ni leurs partisans les hypocrites ne vinrent à leur secours. Le siège se poursuivait et la situation devenait de plus en plus difficile. Le Prophète ordonna de brûler certains de leurs palmiers. Lorsque cet ordre fut exécuté, les an-Nadîr lui envoyèrent un message demandant pourquoi il agissait ainsi alors qu'il avait toujours réprouvé ce type d'action. Le Coran indique clairement que dans ce cas, l'acte était approuvé par Dieu.

                            Le siège se poursuivit pendant vingt-six jours. Chez les assiégés, la nervosité et la peur commençaient à se faire sentir. Ils envoyèrent dire au Prophète qu'ils étaient prêts à évacuer selon les conditions initiales de l'ultimatum. Le Prophète répondit à leur message qu'ils ne pouvaient plus bénéficier des mêmes conditions que celles qu'il leur avait proposées en premier lieu. S'ils avaient évacué pacifiquement, ils auraient évité d'avoir des ennuis. Mais le fait qu'ils avaient voulu s'allier avec d'autres contre le Prophète et les musulmans montrait qu'ils seraient encore prêts à le faire si une nouvelle occasion se présentait.

                            Le Prophète était néanmoins conscient que toute dissension interne devait être résolue au plus vite et avec le minimum d'effusion de sang. Les musulmans ne sont jamais prompts à faire couler le sang. Puisqu'ils étaient prêts à quitter les lieux, le Prophète était prêt à les laisser partir sous de nouvelles conditions. Ils seraient libres de quitter Médine avec leurs femmes et leurs enfants. Chacun d'eux emporterait un chameau chargé de ses biens, mais les armes ne seraient pas autorisées. Ils devraient abandonner leurs fermes et leurs terres.

                            Ils emportèrent donc ce qu'ils purent sur leurs chameaux, emmenèrent leurs femmes et leurs enfants et partirent pour Khaybar, une ville d'Arabie où les juifs étaient nombreux. Certains se rendirent en Syrie. Ceux qui possédaient des biens immobiliers les détruisirent avant de partir afin que les musulmans ne puissent pas en bénéficier. Dieu dit dans le Coran : « Ils démolissaient leurs maisons de leurs propres mains, autant que des mains des croyants. » (59.2)

                            Ainsi s'acheva le conflit. Les musulmans n'eurent pas besoin de se battre et aucun sang ne fut versé. La position des musulmans de Médine était désormais beaucoup plus solide après le départ de cette tribu. Les hypocrites apparaissaient bien faibles.

                            Causes de la chute des An-Nadir

                            Ce second affrontement entre les musulmans de Médine et leurs voisins juifs était la conséquence directe d'une tentative de ces derniers de profiter de la succession rapide de revers que les musulmans venaient de connaître. Le Coran commente cet affrontement et indique très clairement que tout ce que les musulmans firent, lorsqu'ils mobilisèrent leurs forces et assiégèrent leurs adversaires dans leurs places fortes, n'était qu'un élément secondaire de toute l'affaire. C'était Dieu qui avait Lui-même dirigé cet affrontement et l'avait mené à sa conclusion.

                            La sourate 59 du Coran, intitulée al-Hashr (L'Exode), fut révélée peu après cet affrontement et en commente divers aspects, établissant les principes généraux que les musulmans doivent appliquer dans leurs rapports avec les autres. Elle commence par rappeler :



                            A SUIVRE...

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                              C´est Lui qui a expulsé de leurs maisons, ceux parmi les gens du Livre qui ne croyaient pas, lors du premier exode. Vous ne pensiez pas qu´ils partiraient, et ils pensaient qu´en vérité leurs forteresses les défendraient contre Allah. Mais Allah est venu à eux par où ils ne s´attendaient point, et a lancé la terreur dans leurs coeurs. Ils démolissaient leurs maisons de leurs propres mains, autant que des mains des croyants. Tirez-en une leçon, ô vous êtes doués de clairvoyance ! (59/2)

                              Nous avons ici l'affirmation parfaitement claire que les musulmans eux-mêmes ne s'attendaient pas à ce que la tribu d'an-Nadîr soient expulsés, en raison de la puissance et des forces dont ces derniers disposaient. On imagine la lourde tâche à laquelle les musulmans auraient été confrontés si les hypocrites avaient tenu parole à levé une force de deux mille hommes pour soutenir la tribu d'an-Nadîr, et si les Qurayza s'étaient aussi joints à eux. Or, Dieu avait empêché un tel rassemblement de forces qui aurait démoralisé les musulmans, à un moment où le souvenir des récents revers était encore frais.

                              Le Coran affirme aussi que le seul facteur qui poussa la tribu juive d'an-Nadîr à se soumettre aux injonctions du Prophète fut la terreur que Dieu avait suscitée dans leur coeur. Après tout, aucun combat n'eut lieu et les forts des d'an-Nadîr constituaient une place forte imprenable. Eux-mêmes étaient convaincus qu'aucune armée ne pourrait pénétrer dans leur place forte, mais c'était sans compter avec la puissance de Dieu et le fait qu'il accomplit ce qu'il veut. Ils n'avaient donc pris aucune précaution contre ce qui pourrait venir d'eux-mêmes.

                              Ils ne purent se prémunir contre la peur qui s'empara d'eux si brusquement qu'ils n'eurent d'autre issue que de se rendre. C'est ainsi que Dieu accomplit Son dessein. Puisqu'il sait tout et peut faire ce qu'il veut, puisqu'il possède les moyens d'accomplir Son dessein, puisque c'est Lui-même qui crée les causes et les effets, les moyens et les fins, rien ne peut L'arrêter et rien ne peut être trop difficile pour Lui. Il est le Tout-Puissant, le Sage.

                              Nous avons vu précédemment que le Prophète ordonna à ses compagnons de couper et de brûler certains palmiers appartenant à la tribu d'an-Nadîr. Choqués par cette action, ils lui envoyèrent un message lui rappelant qu'il déplorait auparavant de tels actes commis par d'autres chefs. Le Prophète ignora leur message, tandis que ses compagnons étaient mal à l'aise. Il n'était pas du tout caractéristique des musulmans de couper des arbres et de détruire des fermes comme les armées conquérantes le faisaient et le font toujours aujourd'hui. Mais Dieu leur dit dans le Coran qu'il avait Lui-même approuvé cette action : « Les palmiers que vous avez coupés et ceux que vous avez épargnés le furent avec la permission de Dieu, dans le but de confondre les pervers. » (59.5)

                              Ce fut d'ailleurs le seul cas où les musulmans furent autorisés à brûler ou à détruire. Ce verset les rassure donc en soulignant que telle était la volonté de Dieu. Il avait, après tout, pris en charge cet affrontement et le dirigeait comme Il le souhaitait afin d'accomplir Son dessein. Tout se passait avec Sa permission. Le but de couper certains palmiers tout en laissant les autres debout était simplement d'humilier les traîtres. Ceux-ci eurent le coeur brisé de voir couper et brûler leurs palmiers, puis plus encore de devoir évacuer Médine en laissant derrière eux aux mains des musulmans leur ferme et leurs vergers, avec tous les palmiers qui restaient.

                              Après l'évacuation

                              Le Prophète partagea uniquement entre les muhâjirûn les terres et les biens laissés par les an-Nadîr après leur reddition. Seuls deux des ansâr, Sahl ibn Hanîf et Abu Dujâna, eurent droit à une part. Il s'écartait en cela de sa pratique habituelle dans la répartition des butins de guerre, ce qui nécessite une explication.

                              A Badr, les butins de guerre étaient le produit d'une bataille majeure entre les musulmans et les négateurs, où les musulmans avaient mené une lutte difficile. Le conflit avec les juifs d'an-Nadîr n'avait par contre nécessité aucun combat. Aucune arme n'avait été utilisée, personne ne s'était battu. Les biens acquis par les musulmans à l'issue de cette confrontation appartiennent à une autre catégorie que les butins de guerre et ne sont donc pas traités de la même façon. Dans la terminologie musulmane, ce type de biens s'appelle fay', et le principe établi est que le fay' revient à l'État musulman. La manière dont il convient de le répartir est expliquée dans le Coran :


                              Le butin provenant [des biens] des habitants des cités, qu´Allah a accordé sans combat à Son Messager, appartient à Allah, au Messager, aux proches parents, aux orphelins, aux pauvres et au voyageur en détresse, afin que cela ne circule pas parmi les seuls riches d´entre vous. Prenez ce que le Messager vous donne; et ce qu´il vous interdit, absentez-vous en; et craignez Allah car Allah est dur en punition. (59.7)

                              Cc verset indique clairement que la totalité du fay' appartient à l'autorité musulmane. C'est donc au chef de cet État de le répartir, entre ceux qui peuvent y prétendre sur la base de ce verset. Le terme « à ses proches » se réfère à la famille du Prophète : celle-ci n'a pas droit à une part de la zakât et ne peut hériter du Prophète, ce qui est compensé par une part du fay'.

                              Ce verset coranique établit aussi une règle cruciale du système économique et social de l'islam : la règle en vertu de laquelle l'argent ne doit pas rester uniquement entre les mains des riches. L'islam autorise la propriété privée, mais celle-ci n'est considérée comme légitime que dans la mesure où les pauvres ont droit à une part des biens des riches de la communauté.

                              De fait, tout le système économique de l'islam est basé sur ce principe. Le système de la zakât et celui de l'héritage sont deux facteurs importants contribuant à la répartition des richesses dans la société musulmane qui, d'une manière générale, milite contre l'apparition d'une classe aristocratique minoritaire monopolisant la majeure partie des richesses de la communauté. La règle établie quant à la distribution du fay' contribue à remédier à toute situation créant un déséquilibre entre différents secteurs de la société musulmane.

                              Les muhâjirûn, qui avaient émigré de La Mecque en laissant derrière eux tous leurs biens, étaient toujours une charge pour leurs frères les ansâr. Certains d'entre eux étaient parvenus à assurer leur autonomie en travaillant, mais la plupart partageaient encore les ressources de leurs frères médinois. Le Prophète avait maintenant la possibilité de remédier à cette situation.

                              Il appela les ansâr et leur parla, les félicitant pour leur bonté, leur générosité et la manière dont ils avaient traité leurs frères les muhâjirûn. Puis il leur dit : « Je partagerai ce fay' que Dieu m'a accordé de la tribu d'an-Nadîr entre les muhâjirûn et vous, si vous le désirez ; dans ce cas, ils continueront à vivre dans vos maisons avec vous et à avoir une part de vos biens. Ou bien, je répartirai le fay' entre eux et ils quitteront vos maisons, si vous préférez. »

                              Sa'd ibn 'Ubâda et Sa'd ibn Mu'adh, les deux chefs des ansâr, répondirent :
                              « Répartis-le entre eux, et nous serons heureux qu'ils continuent à vivre dans nos maisons comme maintenant. » Les autres membres des ansâr approuvèrent la décision de leurs chefs, et le Prophète invoqua Dieu pour eux et pour leurs enfants.

                              Les deux hommes des ansâr qui reçurent aussi une part du fay', Abu Dujâna et Sahl Ibn Hanîf, étaient pauvres. Ils étaient apparemment les deux seuls pauvres des ansâr, et c'est pour cette raison qu'ils reçurent une part du fay'. Il est donc clair que le Prophète cherchait à rectifier le déséquilibre existant au sein de la communauté musulmane. Les muhâjirûn n'avaient aucune raison de recevoir le fay' au détriment des autres, si ce n'est leur pauvreté. Tout dirigeant musulman doit ainsi identifier les pauvres de sa communauté et leur distribuer le fay' qui peut être en sa possession.

                              L'affrontement avec la tribu d'an-Nadîr, venant juste après les revers d'Uhud, ar-Rajî' et Bi'r Ma'ûna, remonta le moral des musulmans. Ils obtenaient une victoire totale dont eux-mêmes n'avaient pas rêvé. L'ennemi intérieur était durement frappé. De fait, la victoire des musulmans mortifiait tous leurs autres ennemis. Bien que les Quraysh soient restés en dehors de l'incident, la victoire des musulmans signifiait qu'ils se trouvaient maintenant bien mieux placés en cas de nouvel affrontement entre les deux parties. Les autres tribus juives hostiles qui restaient à Médine se retrouvaient beaucoup plus faibles après l'expulsion de leurs coreligionnaires.

                              Les hypocrites arabes de Médine, qui s'étaient montrés totalement incapables de prendre part à un conflit armé contre les musulmans, étaient très affaiblis par l'expulsion de leurs alliés. Ils comprenaient maintenant qu'il ne leur restait plus d'espoir de reprendre le contrôle de Médine, à moins que les Quraysh et les autres alliés arabes n'obtiennent une victoire décisive sur les musulmans, ce qui ne semblait pas du tout probable dans les circonstances actuelles.
                              __________________

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                              • #90
                                Dieu a fait de Muhammad le plus parfait des hommes,
                                Non, le plus parfait des hommes , c'est mon grand père Kaci , d'ailleurs , c'est certain il repose au paradis في جنة الفردس

                                Dernière modification par kimi16, 24 septembre 2014, 21h54.

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