Sur le site de Guy Perville, ce savoureux extrait d'un livre de Jules Roy (l'auteur est ici en observateur ironique de sa propre famille) :
Jules Roy, La guerre d’Algérie, Paris, Julliard, 1960, p. 21-22.
« Ce sont des gens qui ne vivent pas comme nous... Cette phrase jetait un voile pudique sur leur pauvreté. Ce qui pouvait apparaître comme une grande et profonde misère n’était qu’un refus de coucher dans des lits, de manger aussi bien que nous, ou d’habiter des maisons bâties en dur, sous des toits. Leur bonheur, oui, était ailleurs, un peu semblable, qu’on me pardonne, à celui des bêtes de la ferme, et je crois que je les ai toujours vus considérés, chez nous, comme des bœufs, qu’on traitait bien, mais qui ne pouvaient inspirer aucune compassion. "Ils n’ont pas les mêmes besoins que nous"... me disait-on. Je le croyais volontiers, et, du coup leur état ne pouvait m’émouvoir. Souffre-t-on de voir les bœufs coucher sur la paille ou manger de l’herbe ? Les Arabes pouvaient bien marcher nu-pieds et cheminer des jours entiers puisqu’il ne leur était pas nécessaire d’aller en voiture et encore moins de porter des chaussures. La chaleur, le froid, la faim leur étaient inconnus. Ah ! l’heureuse espèce !»
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