mercredi, 11 septembre 2013 17:21
Mohamed Benchicou
La Famille Bouteflika vient de réussir son golpe, comme disent les sud-américains pour parler de cette pratique coutumière aux états policiers qu'est le coup d'Etat. Le gouvernement qui vient d'être nommé aujourd'hui consacre, en effet, le triomphe du clan présidentiel.
Bouteflika vient de placer ses proches à la tête des départements les plus importants après avoir placé son homme à la tête du FLN, le très contesté Amar Saadani, ex- président de l’Assemblée nationale populaire. Le dispositif pour le quatrième mandat est en place.
Le dernier carré d'impénitents ingénus est désormais fixé : il faut maintenant se résoudre à rentrer du pays d'Alice. Alice Benflis comme dirait l'autre. Comme la cigale de La Fontaine, nous y avons chanté tout l'été un refrain à la fois ridicule et suranné, « Qui va succéder à Bouteflika ? », une vieille berceuse de mauvais goût, composée pour nous, grands enfants qui n'avons toujours rien retenu du mélodrame de 2004 ni de celui de 2009, ni même aux subterfuges par lesquels s'éternisent au pouvoir nos chers autocrates. Il est vrai que, aux dires des hommes de théâtre, « un niais est aussi nécessaire au mélodrame qu'un tyran est indispensable ».
Reconnaissons, cependant, que nous étions en surnombre sur la scène. Incorrigibles opposants vaniteux qui se préparaient à l'après Bouteflika et journalistes ingénus qui se disaient informés des derniers bobards à la mode, « Bouteflika, n'en a plus que pour quelques jours », sornette qui en appelle généralement une autre : « le général Toufik hésite entre Ouyahia et Benflis. » Mais, ce n'était pas trop tôt, tout cela semble fini, l'été tire à sa fin en même temps que le pouvoir du général, emportant ses tubes et ses illusions.
Le DRS s'est vu, coup sur coup, amputé de son service de presse, de la Direction centrale de la sécurité de l’armée (DCSA) de son célèbre service de police judiciaire qui avait conduit toutes les grandes enquêtes sur la corruption.
Autrement dit, pour la première fois depuis l'indépendance, les services de renseignements sont marginalisés. Dieu est mort. Il s'appelait Toufik et il avait tous les attributs de la divinité. Reb Dzayer comme l'appelait Monsieur Malti, oui, un dieu, lui dont on n’a jamais vu le visage ni entendu la voix. Et c'était cela, la preuve qu'il existe, l’aphonie et l’invisibilité, privilège et prestiges des divinités. Il ne parle jamais ? Logique ! Dans la mythologie gréco-romaine les dieux pressentis par les poètes sont muets. Il n'y a pas de photos de lui ? Rien de plus normal. Reb Dzayer, comme les dieux en Égypte, ne se donne pas en spectacle aux paparazzis.
Le soin de figurer les images et les statues des dieux en Égypte n'était pas laissé aux artistes ordinaires. Cette prestigieuse besogne était dévolue aux prêtres qui en donnaient les dessins, et, comme chacun le sait, les prêtres chez nous ne se dévoilent pas, sous peine de prison, C'est pourquoi, chez nous, plus qu’ailleurs, Dieu se prêtait aux fantasmes, chacun pouvait imaginer Reb Dzayer comme bon lui semblait, et c’est tant mieux pour la mythomanie nationale.
Son déclin, on le pressentait depuis la nomination d'Amar Saadani à la tête du FLN, et dont on dit qu'il a été désigné dans une villa d’un de ces milliardaires nouvellement enrichis sous Bouteflika, à Sidi Yahia, sur les hauteurs de ce nouvel Alger clinquant et sans panache. Dieu saurait-il accepter qu’on outrage sa maison ? Parce qu’enfin, le FLN, c'est quand même la chapelle Sixtine de la politique algérienne : le candidat qui y est adoubé devient forcément premier magistrat du pays. Mais pour la Famille Bouteflika, l’avis de Dieu importait peu. C'est même pour ça qu'il a été choisi. Saadani saura exécuter les consignes de la Tentacule : porter la candidature de Bouteflika pour 2014. Et puis, ce qui ne gâche rien, il est l’ancien président du comité national de soutien au candidat Bouteflika.
Alors, que cache le nouveau gouvernement et la déconfiture du général Toufik ? Une nouvelle Algérie, sans doute. Une Algérie avec un peu moins de DRS. Ce n'est pas forcément une mauvaise nouvelle. Il fallait libérer l'initiative politique du joug des services de renseignements. Mais ne nous emballons pas : ce n'est pas une bonne nouvelle non plus. Loin de là.
Certes, le fait que ce transfert se soit fait au profit de l'armée pourrait laisser croire que l'armée ait pris les devants. La nomination du général Gaïd Salah au poste de vice-ministre de la Défense vient même corroborer cette thèse. Il y aurait alors de quoi se réjouir. L’armée, la seule force organisée, on pourrait en attendre, enfin, une période de transition qui déboucherait sur un changement de régime. Rendre la maison à son propriétaire, le peuple, spolié en 1962 de son droit au profit de l'Etat-DRS.
Vu sous cet angle, la destitution de Toufik et de ses proches collaborateurs, prélude à la dissolution du DRS, constituerait une rafraîchissante nouvelle. Mais ce n'est pas le cas. Pour qu’il en fût ainsi, il eut fallu également le départ du président Bouteflika et un gouvernement qui garantirait les libertés démocratiques et l'autonomie de la justice.
Or, non seulement Bouteflika ne part pas mais il a pris soin d'installer à la tête de la justice Tayeb Louh, qui est son homme de main et dont la principale fonction va être d'étouffer les affaires de corruption, dont celle de Sonatrach, d'assurer l'impunité aux amis du cercle présidentiel mais aussi relancer la répression des adversaires, en collaboration avec l'autre fils de la Famille, Belaiz, qui va reconstituer à la tête de l'Intérieur, le système Zerhouni.
Ne nous faisons pas d'illusions : Bouteflika est un pur personnage machiavélien. Il n’est pas contre l’état-DRS, puisqu’il en est l’un des architectes ; il est contre l’état-DRS des « autres », l’état-DRS qui n’est pas le sien ! Bouteflika partage avec la DRS la notion de l’Etat produit de la force, non d’un mouvement social.
Il ne veut pas de « réformes démocratiques », mais d’un état hégémonique où il serait le seul maître. Il ne veut pas d’alternance, il veut le pouvoir à vie. Comme le Prince de Machiavel, Bouteflika ne postule pas au pouvoir. Il est le pouvoir. Le pouvoir au sens où l’entend Machiavel : absolu et éternel. Celui obtenu par le clan d’Oujda en 1962, par la violence et le coup de force contre le gouvernement provisoire de la république algérienne (GPRA). Ce pouvoir dont il est le seul légataire après la mort de Boumediene.
Mais comment cela a-t-il été possible ? Dans un récent commentaire, nous rappelions que l’arrivée de Bouteflika en 1999, fut le produit d'une convergence d'intérêts entre la caste militaire et un magma voyoucrate dans lequel figurait le lobby affairiste national et international (arabes du golfe notamment) auxquels s'est ajoutée la pègre pétrolière
La convergence d’intérêts qui a pu unir, un moment, la caste militaire et cette voyoucratie semble avoir évolué d’année en année, en faveur de cette dernière et il ne paraît pas insensé de dire qu’aujourd’hui, en dépit des apparences, le vrai pouvoir est davantage entre les mains de cette mafia invisible que de l’institution militaire et du DRS.
Autrement dit, avec l'affaiblissement de l'État algérien sous Bouteflika, l'abandon de parcelle de souveraineté, le manque de vision géostratégique, l'Algérie a perdu de son indépendance et les changements politiques intérieurs ne relèvent plus de sa seule souveraineté mais sont dictés certainement de l'extérieur, en fonction des intérêts stratégiques qui nous échappent. Comme ce fut le cas en 2004, quand la loi sur les hydrocarbures, élaborée sous la dictée des grands groupes de la pègre pétrolière internationale ( le rédacteur de cette loi ne serait autre que Bob Pleasant, «le juriste» américain que Chakib aurait rencontré à la Banque mondiale et recruté au ministère de l’Energie et des Mines dès son installation à ce département avec l’arrivée de Abdelaziz Abdelaziz au pouvoir en 1999 ) a été déterminante pour arracher le deuxième mandat de Bouteflika.
TSA
Mohamed Benchicou
La Famille Bouteflika vient de réussir son golpe, comme disent les sud-américains pour parler de cette pratique coutumière aux états policiers qu'est le coup d'Etat. Le gouvernement qui vient d'être nommé aujourd'hui consacre, en effet, le triomphe du clan présidentiel.
Bouteflika vient de placer ses proches à la tête des départements les plus importants après avoir placé son homme à la tête du FLN, le très contesté Amar Saadani, ex- président de l’Assemblée nationale populaire. Le dispositif pour le quatrième mandat est en place.
Le dernier carré d'impénitents ingénus est désormais fixé : il faut maintenant se résoudre à rentrer du pays d'Alice. Alice Benflis comme dirait l'autre. Comme la cigale de La Fontaine, nous y avons chanté tout l'été un refrain à la fois ridicule et suranné, « Qui va succéder à Bouteflika ? », une vieille berceuse de mauvais goût, composée pour nous, grands enfants qui n'avons toujours rien retenu du mélodrame de 2004 ni de celui de 2009, ni même aux subterfuges par lesquels s'éternisent au pouvoir nos chers autocrates. Il est vrai que, aux dires des hommes de théâtre, « un niais est aussi nécessaire au mélodrame qu'un tyran est indispensable ».
Reconnaissons, cependant, que nous étions en surnombre sur la scène. Incorrigibles opposants vaniteux qui se préparaient à l'après Bouteflika et journalistes ingénus qui se disaient informés des derniers bobards à la mode, « Bouteflika, n'en a plus que pour quelques jours », sornette qui en appelle généralement une autre : « le général Toufik hésite entre Ouyahia et Benflis. » Mais, ce n'était pas trop tôt, tout cela semble fini, l'été tire à sa fin en même temps que le pouvoir du général, emportant ses tubes et ses illusions.
Le DRS s'est vu, coup sur coup, amputé de son service de presse, de la Direction centrale de la sécurité de l’armée (DCSA) de son célèbre service de police judiciaire qui avait conduit toutes les grandes enquêtes sur la corruption.
Autrement dit, pour la première fois depuis l'indépendance, les services de renseignements sont marginalisés. Dieu est mort. Il s'appelait Toufik et il avait tous les attributs de la divinité. Reb Dzayer comme l'appelait Monsieur Malti, oui, un dieu, lui dont on n’a jamais vu le visage ni entendu la voix. Et c'était cela, la preuve qu'il existe, l’aphonie et l’invisibilité, privilège et prestiges des divinités. Il ne parle jamais ? Logique ! Dans la mythologie gréco-romaine les dieux pressentis par les poètes sont muets. Il n'y a pas de photos de lui ? Rien de plus normal. Reb Dzayer, comme les dieux en Égypte, ne se donne pas en spectacle aux paparazzis.
Le soin de figurer les images et les statues des dieux en Égypte n'était pas laissé aux artistes ordinaires. Cette prestigieuse besogne était dévolue aux prêtres qui en donnaient les dessins, et, comme chacun le sait, les prêtres chez nous ne se dévoilent pas, sous peine de prison, C'est pourquoi, chez nous, plus qu’ailleurs, Dieu se prêtait aux fantasmes, chacun pouvait imaginer Reb Dzayer comme bon lui semblait, et c’est tant mieux pour la mythomanie nationale.
Son déclin, on le pressentait depuis la nomination d'Amar Saadani à la tête du FLN, et dont on dit qu'il a été désigné dans une villa d’un de ces milliardaires nouvellement enrichis sous Bouteflika, à Sidi Yahia, sur les hauteurs de ce nouvel Alger clinquant et sans panache. Dieu saurait-il accepter qu’on outrage sa maison ? Parce qu’enfin, le FLN, c'est quand même la chapelle Sixtine de la politique algérienne : le candidat qui y est adoubé devient forcément premier magistrat du pays. Mais pour la Famille Bouteflika, l’avis de Dieu importait peu. C'est même pour ça qu'il a été choisi. Saadani saura exécuter les consignes de la Tentacule : porter la candidature de Bouteflika pour 2014. Et puis, ce qui ne gâche rien, il est l’ancien président du comité national de soutien au candidat Bouteflika.
Alors, que cache le nouveau gouvernement et la déconfiture du général Toufik ? Une nouvelle Algérie, sans doute. Une Algérie avec un peu moins de DRS. Ce n'est pas forcément une mauvaise nouvelle. Il fallait libérer l'initiative politique du joug des services de renseignements. Mais ne nous emballons pas : ce n'est pas une bonne nouvelle non plus. Loin de là.
Certes, le fait que ce transfert se soit fait au profit de l'armée pourrait laisser croire que l'armée ait pris les devants. La nomination du général Gaïd Salah au poste de vice-ministre de la Défense vient même corroborer cette thèse. Il y aurait alors de quoi se réjouir. L’armée, la seule force organisée, on pourrait en attendre, enfin, une période de transition qui déboucherait sur un changement de régime. Rendre la maison à son propriétaire, le peuple, spolié en 1962 de son droit au profit de l'Etat-DRS.
Vu sous cet angle, la destitution de Toufik et de ses proches collaborateurs, prélude à la dissolution du DRS, constituerait une rafraîchissante nouvelle. Mais ce n'est pas le cas. Pour qu’il en fût ainsi, il eut fallu également le départ du président Bouteflika et un gouvernement qui garantirait les libertés démocratiques et l'autonomie de la justice.
Or, non seulement Bouteflika ne part pas mais il a pris soin d'installer à la tête de la justice Tayeb Louh, qui est son homme de main et dont la principale fonction va être d'étouffer les affaires de corruption, dont celle de Sonatrach, d'assurer l'impunité aux amis du cercle présidentiel mais aussi relancer la répression des adversaires, en collaboration avec l'autre fils de la Famille, Belaiz, qui va reconstituer à la tête de l'Intérieur, le système Zerhouni.
Ne nous faisons pas d'illusions : Bouteflika est un pur personnage machiavélien. Il n’est pas contre l’état-DRS, puisqu’il en est l’un des architectes ; il est contre l’état-DRS des « autres », l’état-DRS qui n’est pas le sien ! Bouteflika partage avec la DRS la notion de l’Etat produit de la force, non d’un mouvement social.
Il ne veut pas de « réformes démocratiques », mais d’un état hégémonique où il serait le seul maître. Il ne veut pas d’alternance, il veut le pouvoir à vie. Comme le Prince de Machiavel, Bouteflika ne postule pas au pouvoir. Il est le pouvoir. Le pouvoir au sens où l’entend Machiavel : absolu et éternel. Celui obtenu par le clan d’Oujda en 1962, par la violence et le coup de force contre le gouvernement provisoire de la république algérienne (GPRA). Ce pouvoir dont il est le seul légataire après la mort de Boumediene.
Mais comment cela a-t-il été possible ? Dans un récent commentaire, nous rappelions que l’arrivée de Bouteflika en 1999, fut le produit d'une convergence d'intérêts entre la caste militaire et un magma voyoucrate dans lequel figurait le lobby affairiste national et international (arabes du golfe notamment) auxquels s'est ajoutée la pègre pétrolière
La convergence d’intérêts qui a pu unir, un moment, la caste militaire et cette voyoucratie semble avoir évolué d’année en année, en faveur de cette dernière et il ne paraît pas insensé de dire qu’aujourd’hui, en dépit des apparences, le vrai pouvoir est davantage entre les mains de cette mafia invisible que de l’institution militaire et du DRS.
Autrement dit, avec l'affaiblissement de l'État algérien sous Bouteflika, l'abandon de parcelle de souveraineté, le manque de vision géostratégique, l'Algérie a perdu de son indépendance et les changements politiques intérieurs ne relèvent plus de sa seule souveraineté mais sont dictés certainement de l'extérieur, en fonction des intérêts stratégiques qui nous échappent. Comme ce fut le cas en 2004, quand la loi sur les hydrocarbures, élaborée sous la dictée des grands groupes de la pègre pétrolière internationale ( le rédacteur de cette loi ne serait autre que Bob Pleasant, «le juriste» américain que Chakib aurait rencontré à la Banque mondiale et recruté au ministère de l’Energie et des Mines dès son installation à ce département avec l’arrivée de Abdelaziz Abdelaziz au pouvoir en 1999 ) a été déterminante pour arracher le deuxième mandat de Bouteflika.
TSA
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