Sans doute, depuis sa proclamation par la Révolution française (1789), le principe d'autodétermination a fait l'objet de nombreuses interprétations qui ont pris en considération l'histoire et la situation des peuples. Si ce droit était apparu en Europe, il serait devenu universel du fait de la contribution de chaque continent et de chaque Etat à sa redéfinition tout en veillant à conserver ses composantes initiales[1]. Certes, le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes reconnu par le droit international, constitue l'un des fondements de la Charte des Nations Unies. Dès son apparition, il fut appliqué à «une collectivité humaine», à laquelle on reconnaissait «la faculté de choisir son appartenance politique par voie de rattachement à un Etat, de changement de souveraineté ou d'accession à l'indépendance politique»[2]. Toutefois, la question posée à ce niveau est celle concernant les cas auxquels doit être appliqué le principe d'autodétermination? En général et d'après l'ONU, le recours à ce droit se fait lorsqu'un peuple est exposé à une domination coloniale, raciste ou étrangère. Mais aucune mention n'est faite pour le cas où des peuples considérés minoritaires, revendiqueraient des droits qu'ils estiment avoir été violés par leur propre Etat, dans ce cas, le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes leur sera-t-il appliqué ?
En effet, définir le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes paraît être une priorité afin de pouvoir comprendre ses mécanismes, sa finalité et ses limites. Tout en démontrant la consécration juridique de ce droit, nous allons dévoiler ses limites et l'aspect contradictoire qu'il porte en son sein vis-à-vis des autres principes énoncés par la Charte à savoir l'inviolabilité de l'intégrité territoriale et la non-ingérence.
I. La consécration juridique du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes
La consécration juridique[3] du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes a fait l'objet de nombreux textes, et ce depuis la première guerre mondiale. Ce droit fut invoqué- le 11 janvier 1918- sous la forme du principe des nationalités par le président Wilson dans ses fameux quatorze points, en ces termes : «aux autres nationalités qui sont maintenant sous domination turque, on devra garantir une sécurité absolue d'existence et la pleine possibilité de se développer d'une façon autonome, sans être aucunement molestées». Par la suite, l'expression du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes a figuré dans le traité de Versailles du 28 juin 1919 et plus tard dans la Charte de l'Atlantique du 14 août 1941. En outre, la commission des juristes a rédigé un rapport qu'il avait adressé au Conseil de la Société des Nations le 5 septembre 1920. Dans ce rapport, elle a constaté la place -si importante- qu'occupe le principe d'autodétermination dans la pensée politique de l'après première guerre mondiale. Nonobstant, le principe ne fut «inscrit dans le cadre de la SDN, et [sa] consécration (...) dans un certain nombre de traités internationaux ne saurait suffire pour le faire considérer comme une des règles positives du droit des gens»[4].
Plus tard, le concept de peuple fut introduit dans la Charte des Nations Unies du 26 juin 1945. Son article 1er a bien démontré le rôle que doit assumer la grande instance mondiale dans le but de «développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l'égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes, et prendre toutes autres mesures propres à consolider la paix du monde». Plus loin, l'article 55 insiste sur le fait de «créer les conditions de stabilité et de bien être nécessaires pour assurer entre les nations des relations pacifiques et amicales fondées sur le respect du principe de l'égalité des droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes». En insistant sur le respect de ce droit, la Charte onusienne visait essentiellement la mise en œuvre du processus de la décolonisation et la conduite des peuples en question vers l'indépendance par l'acquisition de leurs propres moyens d'administration. De même, l'environnement politique international des années soixante, soixante-dix et même celle quatre-vingt, a fortement conditionné l'approche onusienne du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.
Ainsi, dans sa résolution 1514 (XV) du 14 décembre 1960, l'Assemblée générale a précisé que «tous les peuples ont le droit de libre détermination ; en vertu de ce droit, ils déterminent librement leur développement, leur statut politique, social et culturel». De même, et aux termes de l'article 1er des Pactes adoptés le 16 décembre 1966, par l'Assemblée générale des Nations Unies, «Tous les peuples ont le droit de disposer d'eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel ». En d'autres termes, on peut dire que «le principe d'autodétermination irradie le droit des peuples. C'est le ‘‘pivot'' des droits collectifs. Il fait des peuples les titulaires de droits politiques, économiques, culturels et sociaux»[5].
D'après la Déclaration relative aux principes du droit international portant sur les relations amicales et la coopération entre les Etats, contenue dans la résolution 2625 (XXV) du 24 octobre 1970 : «la création d'un Etat souverain et indépendant, la libre association ou l'acquisition de tout autre statut politique librement décidé par un peuple constituent pour ce peuple des moyens d'exercer son droit à disposer d'eux-mêmes». Selon cette résolution, « en vertu du principe de l'égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes, principe consacré dans la Charte des Nations Unies, tous les peuples ont le droit de déterminer leur statut politique, en toute liberté et sans ingérence extérieure, et de poursuivre leur développement économique, social et culturel, et tout Etat a le devoir de respecter ce droit conformément aux dispositions de la Charte». D'après ce texte, l'accent est mis, non seulement sur le droit de tout peuple de disposer de lui-même, mais également sur le libre choix du mode de développement dans le cadre d'un Etat souverain.
Ainsi, chaque peuple a le droit de déterminer son statut politique «en toute liberté et sans ingérence extérieure». En revanche, tout Etat doit respecter ce droit qui n'est reconnu qu'aux peuples soumis à des régimes coloniaux, racistes ou à domination étrangère. Qu'en est-il du problème des sécessions ? Rappelons à cet égard que le texte de la résolution 2625 n'encourage aucune action de nature à démembrer ou à menacer «totalement ou partiellement, l'intégrité territoriale ou l'unité politique de tout Etat souverain et indépendant se conduisant conformément au principe de l'égalité de droits et du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes énoncé ci-dessus et doté ainsi d'un gouvernement représentant l'ensemble du peuple appartenant au territoire sans dimension de race, de croyance ou de couleur».
En sus, le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes porte en son sein un certain nombre de droits comme de l'autodétermination politique, de l'autodétermination économique et de la souveraineté des peuples sur leurs richesses naturelles. Toutefois le droit politique prédomine les autres droits. Son acquisition conduit automatiquement et progressivement à l'obtention des autres. De même, la contradiction que contient le principe à l'égard des autres principes reconnus par le droit international, exprime l'ambiguïté quant à son application dans des cas présentant à la fois des aspects relevant de tous les principes singuliers ou réunis. Cela dit, dans le cas des Etats multiethniques, Etats souverains, exposés à des situations de démembrement, «l'affirmation du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes est la forme d'ingérence la plus répandue» [6].
En effet, définir le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes paraît être une priorité afin de pouvoir comprendre ses mécanismes, sa finalité et ses limites. Tout en démontrant la consécration juridique de ce droit, nous allons dévoiler ses limites et l'aspect contradictoire qu'il porte en son sein vis-à-vis des autres principes énoncés par la Charte à savoir l'inviolabilité de l'intégrité territoriale et la non-ingérence.
I. La consécration juridique du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes
La consécration juridique[3] du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes a fait l'objet de nombreux textes, et ce depuis la première guerre mondiale. Ce droit fut invoqué- le 11 janvier 1918- sous la forme du principe des nationalités par le président Wilson dans ses fameux quatorze points, en ces termes : «aux autres nationalités qui sont maintenant sous domination turque, on devra garantir une sécurité absolue d'existence et la pleine possibilité de se développer d'une façon autonome, sans être aucunement molestées». Par la suite, l'expression du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes a figuré dans le traité de Versailles du 28 juin 1919 et plus tard dans la Charte de l'Atlantique du 14 août 1941. En outre, la commission des juristes a rédigé un rapport qu'il avait adressé au Conseil de la Société des Nations le 5 septembre 1920. Dans ce rapport, elle a constaté la place -si importante- qu'occupe le principe d'autodétermination dans la pensée politique de l'après première guerre mondiale. Nonobstant, le principe ne fut «inscrit dans le cadre de la SDN, et [sa] consécration (...) dans un certain nombre de traités internationaux ne saurait suffire pour le faire considérer comme une des règles positives du droit des gens»[4].
Plus tard, le concept de peuple fut introduit dans la Charte des Nations Unies du 26 juin 1945. Son article 1er a bien démontré le rôle que doit assumer la grande instance mondiale dans le but de «développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l'égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes, et prendre toutes autres mesures propres à consolider la paix du monde». Plus loin, l'article 55 insiste sur le fait de «créer les conditions de stabilité et de bien être nécessaires pour assurer entre les nations des relations pacifiques et amicales fondées sur le respect du principe de l'égalité des droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes». En insistant sur le respect de ce droit, la Charte onusienne visait essentiellement la mise en œuvre du processus de la décolonisation et la conduite des peuples en question vers l'indépendance par l'acquisition de leurs propres moyens d'administration. De même, l'environnement politique international des années soixante, soixante-dix et même celle quatre-vingt, a fortement conditionné l'approche onusienne du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.
Ainsi, dans sa résolution 1514 (XV) du 14 décembre 1960, l'Assemblée générale a précisé que «tous les peuples ont le droit de libre détermination ; en vertu de ce droit, ils déterminent librement leur développement, leur statut politique, social et culturel». De même, et aux termes de l'article 1er des Pactes adoptés le 16 décembre 1966, par l'Assemblée générale des Nations Unies, «Tous les peuples ont le droit de disposer d'eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel ». En d'autres termes, on peut dire que «le principe d'autodétermination irradie le droit des peuples. C'est le ‘‘pivot'' des droits collectifs. Il fait des peuples les titulaires de droits politiques, économiques, culturels et sociaux»[5].
D'après la Déclaration relative aux principes du droit international portant sur les relations amicales et la coopération entre les Etats, contenue dans la résolution 2625 (XXV) du 24 octobre 1970 : «la création d'un Etat souverain et indépendant, la libre association ou l'acquisition de tout autre statut politique librement décidé par un peuple constituent pour ce peuple des moyens d'exercer son droit à disposer d'eux-mêmes». Selon cette résolution, « en vertu du principe de l'égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes, principe consacré dans la Charte des Nations Unies, tous les peuples ont le droit de déterminer leur statut politique, en toute liberté et sans ingérence extérieure, et de poursuivre leur développement économique, social et culturel, et tout Etat a le devoir de respecter ce droit conformément aux dispositions de la Charte». D'après ce texte, l'accent est mis, non seulement sur le droit de tout peuple de disposer de lui-même, mais également sur le libre choix du mode de développement dans le cadre d'un Etat souverain.
Ainsi, chaque peuple a le droit de déterminer son statut politique «en toute liberté et sans ingérence extérieure». En revanche, tout Etat doit respecter ce droit qui n'est reconnu qu'aux peuples soumis à des régimes coloniaux, racistes ou à domination étrangère. Qu'en est-il du problème des sécessions ? Rappelons à cet égard que le texte de la résolution 2625 n'encourage aucune action de nature à démembrer ou à menacer «totalement ou partiellement, l'intégrité territoriale ou l'unité politique de tout Etat souverain et indépendant se conduisant conformément au principe de l'égalité de droits et du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes énoncé ci-dessus et doté ainsi d'un gouvernement représentant l'ensemble du peuple appartenant au territoire sans dimension de race, de croyance ou de couleur».
En sus, le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes porte en son sein un certain nombre de droits comme de l'autodétermination politique, de l'autodétermination économique et de la souveraineté des peuples sur leurs richesses naturelles. Toutefois le droit politique prédomine les autres droits. Son acquisition conduit automatiquement et progressivement à l'obtention des autres. De même, la contradiction que contient le principe à l'égard des autres principes reconnus par le droit international, exprime l'ambiguïté quant à son application dans des cas présentant à la fois des aspects relevant de tous les principes singuliers ou réunis. Cela dit, dans le cas des Etats multiethniques, Etats souverains, exposés à des situations de démembrement, «l'affirmation du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes est la forme d'ingérence la plus répandue» [6].
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