Des militants "issus de la diversité" s'organisent pour peser au sein du PS
LE MONDE | 22.10.07
Bagdad Ghezal, secrétaire de la section socialiste d'Etaples-sur-Mer (Pas-de-Calais), envisageait initialement de ne briguer qu'une place éligible aux élections municipales de mars. "C'est le tir de barrage de ceux qui ont prétendu que ma présence risquait de faire fuir les électeurs qui m'a fait changer d'avis", assure ce cadre associatif de 51 ans. Piqué au vif, M. Ghezal a finalement décidé de viser la succession du maire socialiste, qui ne se représente pas. Dans la foulée, ce membre du PS depuis huit ans a lancé, "avec des adhérents du Nord et du Pas-de-Calais issus des quartiers populaires", un réseau baptisé Gauche pour tous. Objectif : plaider la cause des militants issus de la diversité.
Ségolène Royal favorable aux primaires "à l'italienne"
"On ne peut pas faire de politique sans parti ; j'observe ce qui se passe mais je ne veux pas me placer dans des logiques de conflit interne", déclare Ségolène Royal dans un entretien à Libération publié lundi 22 octobre. L'ex-candidate socialiste à la présidentielle, qui confirme qu'elle n'a "pas pris (sa) décision" quant à sa candidature au poste de premier secrétaire du PS lors du congrès de 2008, refuse "de se laisser happer par le système". Mme Royal confirme son intérêt pour la pratique des primaires "à l'italienne", estimant que, pour l'élection du leader de la gauche, il faudrait "aussi faire voter des gens qui ne sont pas adhérents du parti". Interrogée sur les rapports entre PS et MoDem, elle estime qu'il "y aura forcément, en France, des recompositions entre centre et PS", sans pour autant "laisser de côté les militants venus de l'extrême gauche ou du PC". "Soyons réalistes, dans de nombreuses villes, aux municipales, cette convergence (avec le centre) devra s'opérer."
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A Lyon, l'association Rhône diversité-socialiste 2008, qui assure rassembler près d'une centaine de militants PS "pas tous issus de l'immigration", a adressé rue de Solferino une motion réclamant que les trois cantons du département où ont été désignés des candidats de la diversité soient exclus des négociations avec les autres partis de gauche.
"On nous répète que l'opinion n'est pas prête. Mais c'est complètement faux !", proteste Zorah Aït-Maten qui avait dû s'effacer - à la demande de la direction nationale - devant un candidat radical de gauche, alors qu'elle avait été désignée par les militants pour être candidate aux législatives dans la première circonscription du Rhône. "Les choses ne vont pas dans le bon sens, souligne-t-elle. La preuve : actuellement, aucun représentant de la diversité ne figure dans les huit premières places sur les listes présentées à Lyon par le PS."
Au sein du PS, plusieurs représentants éminents de la diversité se trouvent en difficulté. Après avoir manqué de peu la victoire aux législatives, Faouzi Lamdaoui, secrétaire national à l'égalité des chances, a été écarté de la course à la mairie d'Argenteuil (Val-d'Oise) malgré l'avis de la direction nationale qui a entamé une action de "réservation" en gelant le processus de désignation interne pour tenter une conciliation.
"BANC DES REMPLAÇANTS"
A Orly (Val-de-Marne), où Razzye Hammadi, président du Mouvement des jeunes socialistes, sollicite l'investiture aux municipales, la même procédure est prévue. "Le problème central est celui de l'homogénéité sociologique du PS, relève le patron du MJS. Si les jeunes militant - qu'ils s'appellent Jean ou Mohammed - éprouvent tant de difficultés à émerger, c'est parce que nous n'avons plus de projet politique à long terme. Pour beaucoup, la seule chose qui compte est de se faire réélire."
Dans une note adressée à la commission électorale du PS, Fayçal Douhane, membre du Conseil national, réclame "une méthode" et propose un objectif : faire élire au moins 1 000 candidats issus de la diversité parmi les 916 villes de plus de 10 000 habitants. "Au PS, les minorités sont encore sur le banc des remplaçants alors que la droite investit des candidats issus de l'immigration à La Courneuve, Aubervilliers ou Rennes", déplore M. Douhane, qui se définit comme un chaud partisan de "la méritocratie républicaine".
Il existe toutefois quelques contre-exemples. Dans l'Eure, Rachid Mammeri est donné favori pour conduire la liste de gauche à Evreux alors qu'à Vernon, deuxième ville du département, Philippe Nguyen Thanh, militant d'origine vietnamienne, a été désigné comme candidat à la mairie.
Bruno Le Roux, secrétaire national chargé des élections, fait valoir que "si la droite a nommé des ministres issus de la diversité, le PS compte plus de trente conseillers régionaux, dont sept vice-présidents, et plus d'une centaine d'adjoints dans les villes de plus de 10 000 habitants".
"Personne ne fait mieux", affirme le dirigeant socialiste. D'après lui, le PS devrait pouvoir installer lors des prochaines municipales "un minimum" de trois cents candidats issus de l'immigration dans un fauteuil de maire ou d'adjoint. Pour autant, concède M. Le Roux, "si l'on m'applaudit lorsque je parle de diversité et de parité, je sais aussi que chacun a tendance à considérer que c'est le voisin qui est concerné".
Pour Malek Boutih, secrétaire national chargé des questions de société et ancien président de SOS-Racisme, "une génération issue de la diversité commence vraiment à émerger, mais le parti n'a ni la maturité, ni le fond politique, ni les convictions nécessaires pour placer ses représentants en tête de liste". "Plus largement, dit-il, cela nous renvoie à la nécessité de se remettre en phase avec les classes populaires."
Jean-Michel Normand
LE MONDE | 22.10.07
Bagdad Ghezal, secrétaire de la section socialiste d'Etaples-sur-Mer (Pas-de-Calais), envisageait initialement de ne briguer qu'une place éligible aux élections municipales de mars. "C'est le tir de barrage de ceux qui ont prétendu que ma présence risquait de faire fuir les électeurs qui m'a fait changer d'avis", assure ce cadre associatif de 51 ans. Piqué au vif, M. Ghezal a finalement décidé de viser la succession du maire socialiste, qui ne se représente pas. Dans la foulée, ce membre du PS depuis huit ans a lancé, "avec des adhérents du Nord et du Pas-de-Calais issus des quartiers populaires", un réseau baptisé Gauche pour tous. Objectif : plaider la cause des militants issus de la diversité.
Ségolène Royal favorable aux primaires "à l'italienne"
"On ne peut pas faire de politique sans parti ; j'observe ce qui se passe mais je ne veux pas me placer dans des logiques de conflit interne", déclare Ségolène Royal dans un entretien à Libération publié lundi 22 octobre. L'ex-candidate socialiste à la présidentielle, qui confirme qu'elle n'a "pas pris (sa) décision" quant à sa candidature au poste de premier secrétaire du PS lors du congrès de 2008, refuse "de se laisser happer par le système". Mme Royal confirme son intérêt pour la pratique des primaires "à l'italienne", estimant que, pour l'élection du leader de la gauche, il faudrait "aussi faire voter des gens qui ne sont pas adhérents du parti". Interrogée sur les rapports entre PS et MoDem, elle estime qu'il "y aura forcément, en France, des recompositions entre centre et PS", sans pour autant "laisser de côté les militants venus de l'extrême gauche ou du PC". "Soyons réalistes, dans de nombreuses villes, aux municipales, cette convergence (avec le centre) devra s'opérer."
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A Lyon, l'association Rhône diversité-socialiste 2008, qui assure rassembler près d'une centaine de militants PS "pas tous issus de l'immigration", a adressé rue de Solferino une motion réclamant que les trois cantons du département où ont été désignés des candidats de la diversité soient exclus des négociations avec les autres partis de gauche.
"On nous répète que l'opinion n'est pas prête. Mais c'est complètement faux !", proteste Zorah Aït-Maten qui avait dû s'effacer - à la demande de la direction nationale - devant un candidat radical de gauche, alors qu'elle avait été désignée par les militants pour être candidate aux législatives dans la première circonscription du Rhône. "Les choses ne vont pas dans le bon sens, souligne-t-elle. La preuve : actuellement, aucun représentant de la diversité ne figure dans les huit premières places sur les listes présentées à Lyon par le PS."
Au sein du PS, plusieurs représentants éminents de la diversité se trouvent en difficulté. Après avoir manqué de peu la victoire aux législatives, Faouzi Lamdaoui, secrétaire national à l'égalité des chances, a été écarté de la course à la mairie d'Argenteuil (Val-d'Oise) malgré l'avis de la direction nationale qui a entamé une action de "réservation" en gelant le processus de désignation interne pour tenter une conciliation.
"BANC DES REMPLAÇANTS"
A Orly (Val-de-Marne), où Razzye Hammadi, président du Mouvement des jeunes socialistes, sollicite l'investiture aux municipales, la même procédure est prévue. "Le problème central est celui de l'homogénéité sociologique du PS, relève le patron du MJS. Si les jeunes militant - qu'ils s'appellent Jean ou Mohammed - éprouvent tant de difficultés à émerger, c'est parce que nous n'avons plus de projet politique à long terme. Pour beaucoup, la seule chose qui compte est de se faire réélire."
Dans une note adressée à la commission électorale du PS, Fayçal Douhane, membre du Conseil national, réclame "une méthode" et propose un objectif : faire élire au moins 1 000 candidats issus de la diversité parmi les 916 villes de plus de 10 000 habitants. "Au PS, les minorités sont encore sur le banc des remplaçants alors que la droite investit des candidats issus de l'immigration à La Courneuve, Aubervilliers ou Rennes", déplore M. Douhane, qui se définit comme un chaud partisan de "la méritocratie républicaine".
Il existe toutefois quelques contre-exemples. Dans l'Eure, Rachid Mammeri est donné favori pour conduire la liste de gauche à Evreux alors qu'à Vernon, deuxième ville du département, Philippe Nguyen Thanh, militant d'origine vietnamienne, a été désigné comme candidat à la mairie.
Bruno Le Roux, secrétaire national chargé des élections, fait valoir que "si la droite a nommé des ministres issus de la diversité, le PS compte plus de trente conseillers régionaux, dont sept vice-présidents, et plus d'une centaine d'adjoints dans les villes de plus de 10 000 habitants".
"Personne ne fait mieux", affirme le dirigeant socialiste. D'après lui, le PS devrait pouvoir installer lors des prochaines municipales "un minimum" de trois cents candidats issus de l'immigration dans un fauteuil de maire ou d'adjoint. Pour autant, concède M. Le Roux, "si l'on m'applaudit lorsque je parle de diversité et de parité, je sais aussi que chacun a tendance à considérer que c'est le voisin qui est concerné".
Pour Malek Boutih, secrétaire national chargé des questions de société et ancien président de SOS-Racisme, "une génération issue de la diversité commence vraiment à émerger, mais le parti n'a ni la maturité, ni le fond politique, ni les convictions nécessaires pour placer ses représentants en tête de liste". "Plus largement, dit-il, cela nous renvoie à la nécessité de se remettre en phase avec les classes populaires."
Jean-Michel Normand
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