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Abdelkrim Agabi, un algérien au coeur de l’antarctique

samedi 23 avril 2005, par nassim

L’astronome algérien Abdelkrim Agabi, en mission scientifique et technique dans l’antarctique, envoit un message d’amitié à ses compatriotes.

Après diverses expéditions auxquelles j’ai participé pendant l’été austral,

Abdelkrim Agabi, Antarctique.

j’ai été sélectionné, en tant qu’astronome, avec douze autres personnes, pour vivre une aventure scientifique, technique et humaine, unique au cœur du continent antarctique. Pendant une année, nous allions être des pionniers, les premiers à hiverner au Dôme C, cet endroit reculé de la planète, au climat redoutable. Notre équipe, constituée d’un médecin, d’un cuisinier, de huit techniciens et de trois scientifiques, est cantonnée dans une base franco-italienne, dédiée à la science, dont la construction, véritable prouesse technique vu les conditions météorologiques, a coûté aux deux pays plus de trente-cinq millions d’euros.

Depuis le départ du dernier avion qui nous reliait encore au monde et l’annonce officielle de l’hivernage le 15 février 2005, notre groupe vit en autonomie complète. La température qui plafonnait aux alentours de -50°C a brusquement chuté pour atteindre les -71°C. Il faut savoir que nous sommes encore à deux mois de l’hiver austral, période où le thermomètre poursuivra sa descente, pouvant atteindre les -90°C. En cas de problème, quelle que soit sa gravité, inutile d’espérer un quelconque secours. L’opération serait techniquement irréalisable. La station, constituée de deux bâtiments reliés par un tunnel, couvre une surface de 1 500 m2.

Un des bâtiments, dit “bruyant” regroupe la centrale électrique qui fonctionne au gasoil modifié et réchauffé pour éviter le gel, la cuisine, la salle de sport, les magasins de vivres et les locaux techniques. L’autre bâtiment est consacré aux activités “calmes”. Il abrite un hôpital parfaitement équipé, qui permettrait de faire face à d’éventuelles interventions chirurgicales, les chambres et enfin les laboratoires scientifiques au dernier étage.
La vie ici ressemble à celle d’une station spatiale. Chacun a un programme très précis à réaliser qui laisse peu de place aux loisirs. Pour ma part, j’ai mis sur pied un observatoire astronomique qui me permettra de scruter le ciel afin de qualifier le site du Dôme C et ouvrir ainsi la voie à de futures observations astronomiques, concurrentes de celles faites à partir de l’espace, à un coût moindre.

Par moments, isolement oblige, mon esprit s’évade et je me retrouve enfant dans les rues d’Alger. Je pense à ma mère si courageuse, mon père, ma sœur, mes frères, toujours présents à mes côtés, mes amis, mes professeurs de l’École polytechnique d’El-Harrach, je pense à tout le chemin parcouru jusqu’à ma participation à l’une des grandes aventures scientifiques de notre époque. Je puise alors dans ces évocations tout le courage nécessaire pour supporter les difficultés car je sais désormais que rien n’est impossible.

Actuellement, nous connaissons encore une alternance des jours et des nuits, mais, d’ici peu, nous allons être plongés dans le noir permanent, nouvelle forme d’existence dont je vous relaterai les circonstances.

Par Abdelkrim Agabi (source : liberte-algerie.com)