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Amraoui Missoum, l’infatigable chef d’orchestre

samedi 2 avril 2005, par Stanislas

Né en 1921 à la Casbah qui fut le giron de la musique chaâbie, Amraoui Missoum est un maître incontestable, un monument qui occupe, à ce jour, une grande place dans le patrimoine musical national.

En effet, cet enfant grandi dans la misère d’antan, avait exercé tous les métiers de l’indigénat, cireur, garçon de café... Les études coraniques qu’il entama dès 1936 à Sidi M’hamed-Cherif dévoilèrent rapidement ses capacités vocales ainsi que l’amour grandissant qu’il éprouvait pour la chanson.

Ce penchant torride le poussa, d’ailleurs, à mettre fin à ses études secondaires pour se consacrer définitivement pour la musique. Vite, il s’affirma comme un virtuose musicien et s’imposa comme un jeune chef d’orchestre dans la Casbah. Sa passion pour la chose artistique le lia précocement aux différentes activités culturelles, tel que le théâtre notamment dans la troupe de Mahiedine Bachtarzi. Amraoui Missoum est un nom, une vedette qui restera gravée pour longtemps dans la mémoire des artistes algériens, particulièrement les chanteurs de la deuxième génération de l’immigration. Sa rencontre avec le professeur Triki le guida dans le droit chemin. En effet, le jeune Missoum apprendra aux côtés de ce géant les bases de la musique orientale.

Ayant déjà appris et avec succès la musique algéroise,

Amraoui Missoum

le chaâbi, Amraoui Missoum s’engagea à étudier le solfège et apporter, ainsi la touche scientifique qui manquait à son vaste travail. Vers 1947, Amraoui Missoum débarqua en France. Grâce à sa modestie reconnue, il lia amitié avec tous les jeunes artistes algériens et maghrébins d’expressions arabe et kabyle. Saloua, Dahmane El Harrachi, Mohand Saïd Ou Belaïd, Akli Yahiatène, Taleb Rabah, Touraya... valurent leurs notoriétés à ce démiurge de la musique algéro-orientale. Dans les cafés, il chantait les souffrances de sa patrie occupée et assurait des galas au profit du PPA-MTLD, ce qui lui valut l’emprisonnement à Serkadji. Ainsi, Amraoui Missoum parcourut sans cesse les milieux où la communauté algérienne établie outre-mer pour dénicher et valoriser les voix muettes qui souffraient du marasme de l’anonymat. Sans lassitude, il corrigeait, écrivait et arrangeait tous les textes et toutes les musiques de ses jeunes talents qui lui doivent dans la majorité des cas, leur réussite. L’apport de Amraoui Missoum est surtout dans l’émergence de la chanson féminine. C’est grâce à lui que la femme algérienne a pu conquérir l’horizon lointain de la chanson. Saloua, H’nifa, Bahia Farah, Aït Farida... furent toutes le produit de Missoum.

Ainsi donc, naquit l’école de Amraoui Missoum. Pratiquement tous les chanteurs kabyles, qui constituaient une part volumineuse dans la chanson de l’exil, auraient bénéficié du savoir et des services de ce génial musicien. Même les maisons d’enregistrement n’acceptaient les nouveaux produits que sous la direction de ce talentueux chef d’orchestre. Parmi ses chansons, Yal Fellahg, Ana El Aârabi..., et la célèbre chanson intitulée, Casbah, Casbah où cache-tu des secrets.

Je connais de toi Bab jdid, Bir Jebbah et Souk El Djemaâ.
L’échoppe du marchand de jasmin
Confie-moi ton secret ! Je suis ton fils et j’ai crié
Pour la première fois “maman” au sein de la Casbah
Tu as abrité mes joies et mes peines, tu as couvé ma jeunesse
Casbah, dis-moi tes secrets.
Amraoui Missoum a rendu l’âme en 1969, son sacrifice pour la musique algérienne restera éternel dans le patrimoine culturel et continuera de donner les fruits des longues années de labeur.

Par Ali Khalfa, depechedekabylie.com