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Aux Etats-Unis, "Star Wars" envahit le commerce et la politique

mardi 24 mai 2005, par Hassiba

Aux Etats-Unis, l’industrie cinématographique respire. La baisse de la fréquentation des salles devenait préoccupante : ­ - 8 % par rapport à 2004. Hollywood a pu constater que les vieilles recettes restent profitables. Dès sa première journée d’exploitation, le jeudi 19 mai, Star Wars a battu aux Etats-Unis le record historique détenu par Shrek 2, avec 50 millions de dollars de recettes.

Un groupe de fans costumés attend devant un cinéma à Hollywood (Californie) la première de Star Wars : "La Revanche des Sith."

En quatre jours, le film a récolté 158,5 millions de dollars et il a réalisé le deuxième résultat pour un premier week-end, derrière Spiderman en 2002 (114,8 millions de dollars).Vingt-sept ans après avoir fait connaissance avec la galaxie de George Lucas, les Américains ont accueilli avec enthousiasme le dernier épisode de la saga, La Revanche des Sith, sorti à Cannes le 15 mai et aux Etats-Unis le 19 mai. A New York, on a vu des enfants se battre avec des sabres lasers dans les parcs à jeux. Devant les cinémas, on a croisé des figures en costume de personnages de Star Wars, jeunes mêlés aux fans de la première heure. Des spectateurs sont retournés sur les lieux où leur père les avait emmenés voir leur premier Star Wars en 1977, a raconté la presse. Une génération a passé.

"CAMPING URBAIN"

La sortie mondiale avait été programmée pour jeudi 19 mai à minuit une minute. Depuis des jours, des files d’attente s’étaient formées devant les cinémas, à New York, à Los Angeles, à Chicago. Les fans dormaient sur le trottoir. Le"camping urbain" , dans l’attente du film, a toujours fait partie du rite. A Denver, les cinémas qui ont essayé de rationaliser l’attente en établissant des priorités et en distribuant des bracelets ont été cloués au pilori pour n’avoir rien compris. Des blogueurs ont raconté leur attente, comme Mike Lund, qui a tenu une chronique pour la BBC. A Hollywood, la queue pour entrer au célèbre Grauman’s Chinese Theatre a eu le temps de se fabriquer tout un site Internet (liningup. net).

Aucune statistique n’a été publiée, mais un certain nombre d’élèves ont séché les classes le jeudi de la sortie. Un important bureau de placement, Challenger, Gray and Christmas, se basant sur les 9,4 millions de spectateurs de 2002, a calculé que les employés qui se feraient porter malades après avoir attrapé la "grippe de Star Wars" coûteraient jusqu’à 627 millions de dollars aux employeurs. Les équipes de dépannage de la chaîne de magasins Best Buy ont de leur côté proposé un formulaire type, pour expliquer la"maladie" aux employeurs.

Le film est sorti le même jour dans le monde entier, à deux exceptions près. Dès vendredi, la police new-yorkaise a saisi plus de 1 000 DVD piratés dans un entrepôt de Harlem. Dimanche, c’est à Pékin, en Chine, que des copies pirates ont été trouvées, alors que le film était également sorti jeudi. En Malaisie, 500 000 DVD ont été saisis. Les enquêteurs pensent que les copies pirates émanent probablement des distributeurs à qui des exemplaires sont donnés.

De Cannes, George Lucas a prêté à son film un message anti-Bush, comparant la guerre en Irak à celle du Vietnam et espérant que les Américains vont "se réveiller". Cette déclaration a donné au film le parfum de controverse qui lui manquait. De la droite à la gauche, on échangeait des banderilles au sujet du film. A peine sorti, il n’a pas échappé à la polarisation de la société. L’association de gauche Moveon.org a entrepris de distribuer dans les files d’attente des prospectus dénonçant "la revanche de Frist", du nom du chef de la majorité républicaine au Sénat, Bill Frist, engagé dans une épreuve de force avec les démocrates au sujet de la nomination de juges conservateurs.

Dans l’enceinte même du Sénat, le sénateur démocrate Frank Lautenberg a, lui aussi, interprété un passage du film comme un trait de l’époque. Il finissait un discours solennel sur l’affaire des juges et il présentait une photo de Palatine, le chancelier suprême, qui essaie de profiter de l’état de guerre pour se faire nommer empereur à vie. Le sénateur a cité une réplique du film : "C’est ainsi que meurt la liberté, dans un tonnerre d’applaudissements."

Immédiatement, le site conservateur Pabaah.com ("Américains patriotes boycottant Hollywood, l’antiaméricaine") a placé La Revanche des Sith sur la liste des films à éviter. Mais pour le cinéaste Jason Apuzzo, qui édite un blog culturel conservateur, il ne faut pas se laisser prendre aux apparences. La saga Star Wars fait plutôt appel à des catégories de droite, estime-t-il, à "un univers moral résolument traditionnel, du bien contre le mal". Le film présente un spectacle de "déclin moral qui est totalement étranger à la tendance hollywoodienne actuelle". Alors George Lucas peut fulminer contre Bush ou la guerre en Irak. Comme réalisateur, il est "fondamentalement traditionaliste", écrit-il.

Mais s’il est un domaine où l’Empire de George Lucas n’a pas d’états d’âme, c’est celui du commerce des produits dérivés. Sur les trottoirs de New York, aux abords des cinémas, des hôtesses distribuent des pochettes plastiques aux couleurs orange et noir de La Revanche des Sith. On y trouve des bonbons Star Wars, ou des cuillers en forme d’épée lumineuse. La chaîne de fast-food Burger King donne des jouets. "La semaine dernière, j’ai gagné un milk shake gratuit", relate Ken Tucker, critique du New York Magazine, en concluant, sarcastique : "Que les frites soient avec vous."

Par Corine Lesnes, le monde.fr