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Baâziz, l’insoumis

vendredi 4 juin 2004, par Hassiba

Casquette de pêcheur, veste bleue de docker, Baâziz est né il y a une quarantaine d’années d’un marin arabophone, musicien de chaâbi, et d’une Kabyle, à Cherchell, petite ville près d’Alger, célèbre pour ses vestiges romains et son académie militaire.

Il chante : « C’est pas l’homme qui prend la merde/ C’est la merde qui prend l’homme/ Moi la merde elle m’a pris je me souviens j’étais p’tit/ J’ai troqué ma djellaba mon burnous un peu zone/ Contre un petit cabas et un billet pour l’Hexagone. »

Tradition.

Abdelaziz Bekhti, alias Baâziz, donne ainsi une adaptation très personnelle de la chanson de Renaud Dès que le vent soufflera, devenue chez le titi algérois Nous nous en allerons : une série de vers ironiques sur la harangue anti-immigrés de Le Pen. Baâziz fait donc du maâkous, une tradition qui consiste à pasticher un chant populaire pour dénoncer les injustices sociales et politiques. Du reste, s’il a prénommé son fils Rachid, c’est en hommage à Rachid Ksentini (1887-1944), chansonnier star considéré comme le Charlot algérien.

Au passage, Baâziz avoue aussi son admiration pour les pères fondateurs du chaâbi d’Alger, M’hamed El Anka et Omar M’rizek. Si, en Algérie, on trouve plusieurs genres musicaux, représentés chacun par des dizaines, voire des centaines d’artistes, Baâziz, lui, adopte un style unique, croisement « francalgérien » de Renaud, Brassens, Dylan, Hugues Auffray et de tout ce que son pays d’origine a connu comme pamphlétaires.

L’Algérie à peine indépendante, ses responsables ont emprisonné à deux ou trois reprises l’Oranais Ahmed Sabeur, premier protest singer recensé dans les années 60. Ferhat Mehenni, leader du groupe kabyle Imazighen Imoula, sera pour sa part jeté au cachot une dizaine d’années plus tard.

Langues parlées.

Baâziz, lui, joue au chat et à la souris avec la censure, tantôt toléré, tantôt interdit d’antenne (officielle). Pourtant, c’est la télévision nationale qui l’a lancé, quand il est apparu sur le petit écran, à la fin des années 80, en chanteur folk, guitare à la main et harmonica accroché au cou. Entre jeux de mots et rimes moqueuses, le titi défend les langues parlées, face à une arabisation classique et bureaucratique. Il fustige également les nouveaux riches, persifle contre les généraux, réclame la libération des prisonniers politiques kabyles.

Récemment, il s’est lancé à sa façon dans la campagne présidentielle algérienne en s’attaquant aux dérives autoritaires du président Bouteflika. « Il est un zinzin qui nous dirige/ Chaque matin il change de discours/ Il nous est devenu un monstre/ Et son peuple est rongé par les cafards. »

Par Bouziane DAOUDI, www.liberation.fr


Baâziz ce soir et demain à 21 h
au New Morning,
7-9, rue des Petites-Ecuries, Paris Xe.
CD : « Café de l’indépendance » (Suave)