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Chelsea, l’or et la manière

mercredi 27 avril 2005, par Stanislas

Chelsea, le club londonien avec son richissime président russe et ses stars talentueuses reçoit Liverpool en demi-finale de la Ligue des champions.

Le football anglais et ses millions de livres connaîtront

Chelsea Football Club.

ce soir, à Stamford Bridge, une forme de consécration. Le Chelsea du milliardaire russe Roman Abramovitch recevra Liverpool en demi-finale aller de la Ligue des champions, la translation au faîte du foot européen des confrontations existentielles entre les snobs de la capitale et les Mickey Mousers du Nord. Ce match a un parfum centenaire, celui des hectolitres de bière vidés sur les trottoirs et vidangés cent mètres plus loin ; des chants mi-provocateurs mi-amusés, tel le « in your Liverpool slums... » (dans vos taudis de Liverpool), entonnés par les supporters londoniens à l’intention du kop adverse ; d’une ferveur que même les mesures drastiques adoptées pour nettoyer les stades anglais n’ont aucune chance d’éteindre tout à fait.

Astuces. Sur la pelouse, pour peu que l’entraîneur des Reds, Rafael Benitez, ne sorte pas de son sac à malices l’une des formidables astuces tactiques dont il est coutumier, les Blues de Chelsea pourraient bien revêtir leur habit de lumière et propager un peu plus loin l’onde de choc qui avait emporté le FC Barcelone en 8e de finale et le Bayern Munich en quart. Leur jeu développé à mille tours minute, où l’on attaque à dix, où l’on défend pareil et dont chaque geste (amorti, contrôle, passe, tacle...) semble marqué du sceau de la perfection technique. A Chelsea, les 440 millions d’euros investis depuis deux ans par Abramovitch se voient sur le terrain. Le diable est dans les détails : dix corners de suite suprêmement exécutés ou une frappe de 25 mètres dans la lunette.

Il est aussi peut-être bien en coulisse, même si les supporters de Chelsea s’en contrefoutent, ou mieux en rient. Le club londonien a établi, début 2005, le plus gros déficit jamais affiché en Grande-Bretagne : 130 millions d’euros. A la limite, c’est la gloire.

Mais il y a plus inquiétant. Selon le Moscow Times, Abramovitch a été l’objet, il y a quelques mois en Russie, d’un redressement fiscal pharaonique : 230 millions d’euros. C’est sans doute le signe que l’oligarque n’est plus tout à fait en cour au Kremlin, ce que quelques opérations récentes effectuées par lui ­ la vente du géant de l’aluminium Roussal ou le désengagement partiel de la société pétrolière Sibneft ­ tendraient à confirmer. Tout le monde sait qu’Abramovitch tient le club à bout de bras. Si le milliardaire s’enrhume, le tapis volant sur lequel sont installés José Mourinho, Didier Drogba et consorts risque l’atterrissage incontrôlé.

Ombre. Deux joueurs, le génial ailier néerlandais Arjen Robben et le gigantesque défenseur allemand Robert Huth ont déjà jeté, début avril, une zone d’ombre sur le conte des Mille et Une Nuits. C’est-y-pas que le service médical de Chelsea retape ses stars payées 100 000 euros la semaine de la façon suivante : prélèvement sanguin sur le joueur blessé, isolation des plaquettes et réinjection des dites plaquettes (celles-ci aident à la cicatrisation) à l’endroit du corps où le joueur est précisément touché. Pour être distincte de la méthode d’autotransfusion prohibée par l’Agence mondiale antidopage (AMA), où l’on stocke les globules rouges avant de les réinjecter au sportif pour faire monter son taux d’oxygénation, cette méthode ne s’en apparente pas moins à une manipulation sanguine. C’est ce qu’a expliqué le président de l’AMA, Dick Pound, avant d’indiquer qu’il avait demandé « de plus amples informations » à son département scientifique. UK Sport, l’organisme britannique chargé de surveiller la médication et les méthodes employées dans le sport britannique, va demander des explications au médecin du Chelsea FC avant de voir « si c’est légal ou pas ».

Quoi qu’il en soit, cette méthode résonne après la sortie d’Arsène Wenger en octobre sur les taux de globules rouges explosifs de certains joueurs qu’Arsenal a réceptionnés. A part ça, le match de ce soir promet d’être fabuleux.

Par Grégory SCHNEIDER, liberation.fr