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Des petits fils de déportés en Nouvelle Calédonie en visite à Algérie

mardi 8 mars 2005, par Salim

De l’émotion, beaucoup d’émotion hier à l’aéroport Houari-Boumediene. En répondant à l’appel du sang, de la terre et de la mémoire, Tayeb, Christophe et Abdelkader ont fait le chemin inverse de celui de leurs aïeux : petits-fils de déportés en Nouvelle-Calédonie, ils ont exorcisé, hier, les vieux démons, bouclé la boucle de l’histoire.

Une triste histoire, celle d’Algériens expatriés, chassés de chez eux, transportés dans d’affreuses conditions pour être jetés dans des bagnes.
Issus des troisième et cinquième génération, ils n’ont pas vécu les mêmes affres que leurs grands-pères ou arrière-grands-pères mais, ce passé, ils le portent sur leurs épaules, c’est de leur histoire qu’il s’agit.

En faisant un long voyage, 22 heures de vol, 22 000 kilomètres, ils avaient rendez-vous avec les leurs, avec leur terre et leur mémoire. Christophe Sand, enfant de la quatrième génération, foulait hier pour la première fois le sol algérien. Des trois personnes ayant fait le voyage, c’était le plus ému, le plus touché. Tout au long du trajet, il n’a cessé de repenser à son arrière-grand-père, l’imaginant embarqué au quai d’Alger. « Pendant le voyage, la descente de l’avion, je n’ai cessé de penser à lui, je n’étais pas seul, on était deux. » Les conditions du voyage n’étaient pourtant pas les mêmes, l’époque non plus. Christophe en a conscience mais, dit-il, « c’était douloureux car la terre est la même, les montagnes sont les mêmes et je ne cesse de penser à ces personnes âgées qui quittaient l’Algérie avec la certitude que plus jamais elles ne pourront revenir, que c’était fini ». La gorge nouée par l’émotion, il dira « un siècle plus tard, je boucle la boucle de l’histoire, c’est un pan de ma vie qui va se refermer ».

En venant en Algérie, il espère toucher de plus près la vérité, sentir ce qu’a dû ressentir son grand-père, ne plus se contenter des documents d’archives pour comprendre. « J’ai toujours su que j’étais algérien, mais j’ai dû chercher dans les archives pour mieux appréhender l’histoire. » Dans sa famille, on ne parlait en effet pas beaucoup de ce qui s’était passé. Un lourd silence entourait le passé, un spectre qu’il veut briser grâce à cette visite. Des non-dits qu’il a cependant pu dépasser : il savait que sa grand-mère surnommée mamie s’appelait en fait Yasmina, qu’elle était algérienne. La maison qu’il occupait était certes située au Pacifique, mais elle avait tout d’une maisonnette kabyle qui fonctionnait comme une maison kabyle, autant de repères qu’il n’a jamais perdus de vue.

Christophe n’a pas fait seul le voyage. Il était accompagné de M. Laiffa, maire de Borail, et de Bouferchèche Abdelkader, président de l’Association des Arabes de Nouvelle-Calédonie. Ce dernier a tenu à remercier tous ceux qui, après la diffusion du documentaire de Said Eulmi sur l’ENTV, lui ont écrit pour témoigner de leur solidarité, pour dire tout simplement que jamais ils n’oublieront. A tous ceux-là, il a promis de répondre, mais patience, dira-t-il, le courrier a atteint un volume impressionnant. De son côté, M. Laiffa dira que « aujourd’hui, le côté émotionnel prend le dessus. Notre séjour sera chargé d’émotions ».

Des émotions, les trois visiteurs de l’Algérie en ont eu avant même d’arriver à Alger. Faisant escale à Paris, ils ont été pris d’assaut par des Algériens qui les ont reconnus et qui ont tenu à leur témoigner de la sympathie. Mais le meilleur reste à venir : ils visiteront tour à tour Sétif, Constantine, Jijel, Batna, Skikda, Biskra et Tizi-Ouzou. Chacune de leurs escales sera un rendez-vous avec l’histoire, avec la mémoire car ils ne veulent pas oublier, ils ne veulent pas être oubliés...

Par Nawal Imès, lesoirdalgerie.com