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Discovery retourne dans l’espace

jeudi 5 mai 2005, par nassim

Après la tragique fin qu’a subie la navette Columbia, plusieurs modifications ont été apporté à Discovery pour renforcer sa fiabilité dans l’espace.

Fiers, courageux, intrépides... Les astronautes américains

Discovery retournera dans l’espace le 22 mai.

sont vraiment taillés dans l’étoffe des héros ! Il n’y a qu’à écouter l’équipage de la navette « Discovery », qui reprendra le 22 mai la route des étoiles, après deux ans de repos forcé. Le souvenir de « Columbia » se désintégrant lors de sa rentrée dans l’atmosphère le 1er février 2003 ne les trouble pas plus qu’un accident de trottinette. Ils affichent même une sérénité à rendre fou de jalousie un bonze octogénaire. Eileen Collins, 48 ans, assurera le commandement de la mission LF-1 destinée à apporter nourriture et outils à la station spatiale. Craint-elle le retour dans l’atmosphère ? « C’est une partie très excitante de la mission... J’essaierai de me concentrer sur mon job... Je ne me laisserai pas distraire. » Quelle femme aux nerfs d’acier ! James Kelly, le pilote, en rajoute : « Durant le vol, je n’aurai pas ce type d’appréhension : oh, l’atterrissage approche et, tu sais, le dernier, objectivement, n’a jamais eu lieu ! » Les sept astronautes assureront simplement leur job, pour la gloire de la science et de l’Amérique.

S’ils partent l’esprit tranquille, c’est qu’ils sont persuadés qu’en deux ans les milliers d’ingénieurs de la Nasa ont supprimé tout risque. Les 15 recommandations clés du CAIB (Columbia Accident Investigation Board) auraient été suivies à la lettre. La cause de l’accident a été identifiée : à l’envol, une plaque de mousse isolante grosse comme une valise s’est détachée du bras de fixation reliant le réservoir à la navette. Elle a frappé le bord de l’aile, détériorant les tuiles thermiques sur une surface grande comme une pizza. Lors de l’entrée dans l’atmosphère, le plasma entourant la navette, chauffé à 2 000 °C, s’est introduit par des fissures provoquant la pulvérisation du vaisseau.

Faisant preuve de sagacité, la Nasa a donc éliminé la mousse sur le bras de fixation pour la remplacer par des résistances chauffantes indétachables. En revanche, sur tout le reste du réservoir, l’isolant en polyuréthane a été conservé sur 2,5 centimètres d’épaisseur. Mais sa pose a été effectuée millimètre par millimètre. Les ingénieurs ont pris soin d’éliminer toutes les fuites d’azote du système de refroidissement du combustible. Celles-ci avaient tendance à détacher la mousse du fuselage. Désormais, la Nasa garantit l’impossibilité de formation de débris supérieur à la taille d’un gâteau sec.

Des précautions drastiques.

Malgré tout, cette certitude n’a pas empêché la création d’un système de surveillance hypersophistiqué. Au sol, neuf nouvelles caméras à longue focale et un radar épieront le vaisseau lors de son ascension pour voir si aucun débris ne s’en détache. Une caméra fixée sur le réservoir repérera le moindre morceau de mousse en goguette. Et les satellites espions militaires seront mis à contribution. Lorsque « Discovery » arrivera sur orbite, Eileen Collins la fera pivoter pour avoir une vision du réservoir central en train de se détacher. Dès la coupure des moteurs, l’astronaute Andy Thomas enlèvera son casque et ses gants pour empoigner un appareil photo et une caméra numériques. Il se ruera sur le pont supérieur pour confier l’un des deux appareils à son confrère japonais Soichi Noguichi. A travers les hublots, tous deux prendront des centaines d’images du revêtement du réservoir moins de trois minutes après sa séparation, contre quinze minutes lors des précédents vols. Le jour même, ils déchargeront les photos dans l’ordinateur de bord, qui les transmettra au sol. Durant la nuit, plusieurs dizaines d’ingénieurs les examineront à la loupe pour détecter le moindre trou. Lors des précédentes missions, les photos étaient prises avec des films argentiques qui n’étaient examinés qu’après le retour au sol. Chaque aile a été truffée de 22 capteurs thermiques et de 66 accéléromètres détectant le moindre impact.

Mais ces précautions ne suffisent pas. Le deuxième jour du vol, il est prévu d’examiner chaque centimètre du revêtement thermique de la navette. Les astronautes Charlie Camarda, Andy Thomas et Steve Robinson saisiront avec le bras télémanipulateur de la navette une perche télescopique (Orbital Boom Sensor System) coiffée par deux radars et une caméra. Se relayant durant douze heures aux commandes de cet engin long de 30 mètres, les trois compères cartographieront le revêtement thermique sans le heurter. Sinon, c’est la tuile ! Enfin, un dernier contrôle de la navette s’effectuera le jour suivant, lors de l’arrimage à la station spatiale. Arrivée à 200 mètres d’elle, Eileen Collins immobilisera « Discovery » pour lui faire effectuer une pirouette. Ainsi, les occupants de la station pourront la photographier sous toutes ses coutures au moyen d’appareils photo très puissants.

Si, au cours de toutes ces inspections, les astronautes découvrent le moindre trou dans le bouclier thermique, ils auront deux options. Si l’accroc est important, ils devront passer dans la station spatiale pour y attendre la navette « Atlantis », qui ne pourra pas être lancée avant le 14 juin. Si la fissure est réparable, Soichi Noguichi et Steve Robinson tenteront de la colmater au moyen d’un procédé pas totalement homologué. Après avoir enfilé leur scaphandre, ils injecteront avec un pistolet spécial une substance collante devant être lissée pour éviter toute protubérance, même minuscule, qui risquerait d’être fatale ! Les tests menés à terre ont été mitigés. Mais, surtout, ils n’ont pas été réalisés en apesanteur. Même si le revêtement thermique de la navette n’est pas détérioré, les deux bricoleurs sortiront dans l’espace pour se faire la main sur des tuiles emportées à cet effet.

Au terme des douze jours de mission, quand « Discovery » pénétrera dans l’atmosphère, toute l’Amérique retiendra son souffle. Toute, sauf Eileen Collins : « Le vaisseau est suffisamment sûr pour que je veuille prendre le risque. Je pense que nous sommes davantage en sûreté que nos ancêtres qui traversèrent le Pacifique dans de vieux navires. Franchement, je crois qu’ils étaient fous d’effectuer ce voyage, mais ils voulaient le faire. Et nous, nous voulons poursuivre l’exploration humaine de l’Univers. » Une héroïne comme l’Amérique les aime...

Par Frédéric Lewino, lepoint.fr