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Dix Nobel plaident pour une éthique de la biologie

jeudi 14 avril 2005, par nassim

Au 4e forum international "BioVision" de Lyon, dix Nobel plaident pour une éthique de la biologie.

omment célébrer de manière originale le 50e anniversaire de l’annonce de la

Ensemble pour une éthique de la biologie.

mise au point par l’Américain Jonas Salk (Nature du 12 avril 1955) du premier vaccin contre la poliomyélite, cette maladie virale sur le point d’être éradiquée à l’échelle de la, planète ?

Les responsables du 4e forum international "BioVision" qui se tient actuellement à Lyon ont eu, à ce sujet, une idée originale. Mardi 12 avril, ils ont annoncé le lancement par un groupe de dix lauréats du prix Nobel (de médecine et de physiologie, de chimie et de la paix) d’un appel en faveur d’un développement plus éthique des sciences du vivant et d’un partage plus équitable des acquis dans ce domaine. Une initiative qu’une centaine d’associations et d’ONG soutiennent comme la majorité des quelque 3 000 à 4 000 participants à ce forum qui s’achève le 15 avril.

La majorité seulement. Car des associations et des ONG, comme Attac, Greenpeace et la Confédération paysanne, ont préféré se démarquer de ces débats en organisant un "contre-forum". BioVision, a dit Jean-Pierre Berlan, membre du conseil scientifique d’Attac, est une "pseudo-réunion démocratique, où l’argent public sert à promouvoir une industrie déjà florissante et à cautionner une conception mécanique du vivant". Une opinion qui n’a pas empêché l’ancien premier ministre Raymond Barre, le ministre délégué à la recherche, François d’Aubert, d’appuyer l’initiative des Nobel parmi lesquels figurent les Français François Jacob et Jean-Marie Lehn. Lucides, ces scientifiques n’ont d’ailleurs pas manqué de rappeler d’emblée que les premiers "objectifs du millénaire pour le développement", fixés en 2000 par 189 pays lors de l’assemblée générale des Nations unies, étaient, d’ores et déjà, hors de portée ou presque.

FAIRE PRESSION SUR LES ÉTATS

"Tous les experts internationaux chargés de faire le point sur l’avancement des programmes dans ce domaine attirent l’attention sur le fait que les objectifs intermédiaires fixés pour 2015 ne seront pas atteints, observent-ils. Cela signifie plusieurs millions de morts de plus chaque année." Il convient dès lors, selon eux, de faire pression sur les Etats afin de "clarifier les objectifs, les priorités et les conditions réglementaires et éthiques autour du vivant." Il faut aussi parvenir "à donner une forte impulsion aux investissements publics et privés pour favoriser le développement des connaissances et leurs applications" et "initier, dans chaque pays, une coopération construite entre les communautés scientifiques, industrielles et sociétales engagées dans les sciences du vivant.""Il faut bien reconnaître que le texte de cet appel n’est pas d’une très grande lisibilité, confie Roger Guillemin, physiologiste américain d’origine française et prix Nobel de médecine et de physiologie en 1977 pour ses travaux sur les hormones sécrétées par l’hypothalamus. Nous aurions pu mieux faire. Il aurait été plus simple, au fond, de dire que les espoirs en matière de développement durable ­ qu’il s’agisse de santé, d’alimentation et d’environnement ­ ne peuvent venir que du développement des sciences ; que d’une manière générale les citoyens sont dans ce domaine plutôt enclins à être généreux et qu’il faut faire pression sur les gouvernements pour qu’enfin on puisse avancer."Ouvrant cette "journée des Nobel", François d’Aubert a souligné l’importance de la lutte contre les maladies infectieuses. Jamais, a-t-il souligné, elles "n’ont circulé et évolué aussi vite qu’aujourd’hui dans les pays du Sud comme dans les pays industrialisés. Elles sont responsables de 43 % des décès dans les pays pauvres. Nos pays ne sont pas à l’abri puisque leur incidence a augmenté de 10 % à 20 % ces dernières années, du fait de la recrudescence de maladies traditionnelles, de l’apparition de nouveaux agents pathogènes ou de multirésistances favorisant les affections nosocomiales, des modifications liées à notre environnement ou de l’augmentation du trafic entre les différentes régions du globe."

À PRIX COÛTANT

"Dans le domaine de la santé, a précisé M. d’Aubert, la France inscrira dans ses priorités les recherches fondamentales portant sur de nouvelles approches thérapeutiques et vaccinales contre les maladies transmissibles liées à la pauvreté." A cette occasion, le ministre a salué l’établissement et la multiplication de partenariats "public-privé" dans la recherche médicale, tout en insistant sur "le rôle essentiel de la recherche fondamentale, source de grandes découvertes et fondement d’innovations en matière thérapeutique". M. d’Aubert s’est enfin félicité des initiatives "extrêmement ambitieuses qui voient le jour", comme l’accord qui vient d’être conclu entre la multinationale française Sanofi-Aventis, numéro 3 mondial de la pharmacie, et la jeune fondation "Drugs for Neglected Diseases Initiative" pour développer un nouveau médicament contre le paludisme plus facile à utiliser et surtout moins cher que ceux proposés par le marché."Cet objectif ne sera atteint que si les organisations internationales mettent en place les aides financières en faveur des pays pour leur permettre de conduire les changements indispensables dans le traitement du paludisme", préviennent les deux contractants. Sanofi-Aventis et quelques autres géants de l’industrie pharmaceutique pourraient, indiquent les responsables du forum BioVision, annoncer dans les prochains jours des initiatives similaires visant à faire que certains médicaments puissent, dans certains pays en voie de développement, être délivrés à prix coûtant.

Par Jean-Yves Nau, lemonde.fr