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Entretien avec Djamel Laroussi

samedi 2 avril 2005, par Stanislas

Djamel Laroussi est guitariste, mais aussi joueur de goumbri, percussionniste et chanteur.

Il est né et a grandi en Algérie où il a fait ses études et ses premiers pas d’artiste avant d’aller à l’Ecole de musique de Cologne, en Allemagne, d’où il sortira avec un diplôme de guitariste, spécialité jazz. Djamel Laroussi est gaucher, il tient sa guitare comme un droitier et la manie comme un chef. Il est classé parmi les 20 meilleurs guitaristes du monde.

Mais il a aussi son « petit » succès comme auteur-compositeur et interprète. Deux albums, un Live, des concerts un peu partout dans le monde et bien d’autres activités musicales. En vacances, entre deux concerts, dans son pays, il nous a rendu visite. La discussion amicale n’a pas tardé à prendre les traits d’un entretien auquel Djamel Laroussi se plie sans trop rechigner. Après les échanges d’amabilités et de nouvelles, la discussion s’amorce sur la cote sur le marché du dernier album Live sorti discrètement chez les éditions Gamma qui ne se sont pas donné la peine de faire la promotion de l’album.

Djamel Laroussi

En réponse, Djamel nous dira que le responsable de Gamma lui a affirmé que le stock de CD est épuisé. « Il reste quand même des cassettes », dit-il avec un sourire avant de nous expliquer que « le Live a été sponsorisé par WDR, une importante radio musicale allemande, pour une tournée en Allemagne en 2004 et a été édité en France par les éditions Night & Day ». Ce qui lui a permis d’enregistrer de bons chiffres de vente dans les deux pays. Il faut dire aussi que les Live ont toujours une bonne cote sur les marchés.

L’album de Djamel ne fait pas exception, d’autant plus que le chanteur guitariste l’a composé en répondant à la demande du public, avec l’Etoile filante en deux versions. Les 14 titres sont puisés des deux précédents albums plus quelques inédits, un ou deux réarrangements et un medley pour le final. L’Etoile filante Part II, réarrangée, est chantée sur un rythme 6/8, un berouali très entraînant. Mais ce sont surtout les inédits qui retiennent notre attention. Les nouvelles sonorités qu’on y décèle nous suggèrent l’idée que ce serait l’ébauche d’un nouvel album en préparation qui permettrait à Djamel Laroussi d’intégrer à sa musique une nouvelle dimension. Et ça sera notre première question. La discussion en suggérera d’autres

A part les improvisations et les réarrangements, les inédits du Live sont-ils l’esquisse d’un nouvel album ?

Djamel Laroussi : Non. Les inédits sont en fait le produit de mon envie de changer continuellement les sons. C’est des titres que je n’ai jamais joués et que je n’intègrerai jamais dans un album. Je préfère les garder pour les Lives. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’ébauche d’un nouvel album...

Revenons aux improvisations et réarrangements. Sont-ils inspirés par de nouvelles découvertes de sons et de rythmes ou par des réminiscences qui remontent à la surface ?

C’est les deux. J’ai en tête tous les rythmes de chez nous, mais j’ai aussi différentes autres musiques et sons que j’ai récoltés un peu partout. J’ai, par exemple, travaillé avec les musiciens d’un groupe allemand, Bläck Fööss, très connu, qui m’ont demandé de réarranger et de produire un morceau pour la composition duquel ils s’étaient inspirés des musiques maghrébines. Ils voulaient mettre en valeur la dimension maghrébine du morceau et m’ont donné carte blanche pour cela. J’ai enrichi le morceau, mais je me suis aussi enrichi de ce que le groupe allemand m’a donné. Au Canada, j’ai rencontré des musiciens guyanais qui chantent des airs mystiques traditionnels. Là aussi, l’échange s’est fait et des morceaux seront évidemment composés autour de ces thèmes avec des « emprunts » des deux côtés.C’est dans ce sens que je dis : « c’est les deux ». Pour illustrer le propos, disons que j’agis avec la musique comme ma mère, Dieu ait son âme, le faisait avec s’ferdjel (les coings) : rien n’était jeté et rien n’était perdu : avec les épluchures, elle préparait du sirop, avec la pulpe, de la confiture ou de la mélasse et avec le cœur, de la gelée... comme le disait si bien Lavoisier : rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. Je fais de même avec la musique. Je transforme les sons créés par moi ou par d’autres pour en recréer de nouveaux. C’est ainsi que j’ai fait un remix en musique funk d’un morceau du Live qui s’est d’ailleurs retrouvé à la 7ème position dans les charts des DJ. J’ai fais la même chose avec les morceaux que j’ai composés pour les Bläck Fööss. Je les ai repris pour les retravailler.

Et, inversement, votre musique a-t-elle influencé des musiciens ou des groupes étrangers ?

Il y a des groupes qui m’ont dit travailler dans la même direction que moi. Il y a aussi des organisateurs de spectacles qui m’ont invité à animer des concerts dans leurs pays où, m’ont-ils affirmé, j’ai un public. Je peux citer la Malaisie où je serai prochainement en concert, l’Italie, la Grèce...

On peut donc dire que Djamel Laroussi marche bien à l’étranger. Mais avez-vous une idée de votre audience, en Allemagne pour commencer ?

J’ai mon public de Berlin à Fribourg, à l’opposé, et mes concerts attirent du monde. Je n’ai pas à me plaindre.

Pour la France, vous devez vous partager le public avec les autres groupes qui travaillent le même style ?

Je n’ai pas le même public. Car, en fait, à bien y regarder, je n’ai pas le même style. J’ai peut-être le même public que Gnawa Diffusion avec lequel j’ai beaucoup d’affinités.

Et pour l’Algérie ?

A part que j’aimerais beaucoup me produire dans mon pays, je n’ai pas une idée précise de mon public, et pour cause. Mais, avant que vous posiez la question, je tiens à préciser que, quand je parle de me produire en Algérie, j’entends dans de bonnes conditions. Je ne peux pas venir sur un coup de fil, quand on t’appelle une semaine à l’avance pour te demander de venir chanter dans un stade. Et ça s’est passé comme ça avec un organisateur dont je préfère taire le nom. Aucun spectacle ne se prépare en une semaine... Cela dit, j’ai mal au cœur de me voir invité à animer des workshops et des master-class au Danemark et au Mexique et pas dans mon propre pays, l’Algérie.

En attendant la tournée algérienne, où en est l’ébauche du nouvel album que vous avez évoqué tout à l’heure ?

En fait, l’album est quasi bouclé. Le morceau joué avec les Bläck Fööss réarrangé qui y sera intégré est déjà enregistré et j’ai quelque 14 autres titres prêts. Je n’ai pas encore décidé du nombre de titres que je mettrai. En vérité, je peux vous dire que j’ai l’équivalent de 3 albums dans ma tête...

Mais la musique qui est dans la tête ne fait pas forcement des titres et un album...

En effet, c’est le thème qui décidera du choix des titres pour les 3 albums. Il y a aussi le public et la demande. Pour le thème, étant compositeur et arrangeur, je n’ai aucun problème pour trouver le fil conducteur.

Mis à part la composition, vous vous êtes aussi mis à la production. Qu’en est-il ?

Disons que j’offre mes services comme co-compositeur et producteur. J’aime proposer du nouveau comme j’aime en avoir. Aussi, quand l’occasion de faire découvrir une nouveauté se présente, je la prends. Surtout si j’ai l’occasion d’y apporter quelque chose de moi. Et si ça rapporte, c’est tant mieux. Mais, condition sine qua non, il faut d’abord que la musique qu’on me demande de produire ou sur laquelle on me demande de travailler me fasse vibrer. Je travaille aussi sur des commandes de musiques de pub, de film ou de jingles, à la même condition. Je travaille avec l’inspiration et ce n’est pas l’argent qui peut me l’apporter.

H. G., latribune-online.com