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Gnawa Diffusion met en fusion Ibn Zeïdoun

samedi 15 mai 2004, par Hassiba

Avec plus de cinq cents personnes dans la salle et deux mille restées dehors, on peut dire que Gnawa Diffusion a fait plus que salle comble.

Tout y est. Lumières, musiciens « bouillonnants », un public déchaîné, le tout baignant dans un nuage de « djaoui » (encens) bien piquant. D’emblée, on sent que le concert de Gnawa Diffusion sera un franc succès, un événement ! Tous les ingrédients sont réunis et les liants musicaux aussi.

Il y en a pour tous les goûts : reggae, chaabi, hip-hop, gnawi, tendances orientales, dub, rock... une « tchekchouka » musicale comme le dit si bien Amazigh Kateb, le digne fils de son père, Kateb. L’odeur du bkhour, mélangée à celle de la « sueur » des spectateurs « ameutés », produit des senteurs étranges, épicées, pimentées. Tout contribue à créer une ambiance euphorique, vertigineuse. Castagnettes et batterie font la fête à l’unisson tandis que les guitares électriques séparent les mélodies pour laisser le passage au timbre acoustique et rauque d’un guimbri original, tenu amoureusement par Amazigh.

Des « essences » bien assaisonnées, aspergées de paroles à la Gnawa Diffusion, piquantes, satiriques, dédiées à l’Algérie. Amazigh, tout en régalant les spectateurs présents, dédicace quelques titres au public resté dehors, le nez collé aux portes de la salle Ibn Zeïdoun, dans l’espoir de voir s’ouvrir les battants clos ! Mais, dès que les portes s’entrouvrent, c’est l’émeute ! Le nombre des spectateurs qu’on a empêché d’entrer, faute de places, est estimé à 2 000 personnes ! « Je suis vraiment désolé pour eux. Ils auraient pu assister au concert s’il avait été organisé, comme prévu, à la place Agora... L’Algérie est un bien étrange pays, unique... C’est le seul pays où la météo et le pouvoir vont dans la même direction ! » dit Amazigh.

Ignorant les perturbations qui ont lieu de l’autre côté de la salle, les spectateurs profitent des moments présents. L’hystérie atteint son paroxysme et le public, fiévreux, transpire. Des séances de transes se déclenchent ici et là tandis que quelques spectateurs, plus fiévreux que d’autres, jettent leurs vêtements à travers la salle ! Infatigable, Gnawa Diffusion enchaîne morceau sur morceau, maintenant le public hors d’haleine. Amazigh réclame plus de djaoui, plus de bkhour, plus de sensations fortes. Plus sensibles au pouvoir du reggae, quelques jeunes rendent hommage à Bob Marley en expirant quelques bouffées d’un « joint » circulant entre des jeunes qui ne prennent même plus la peine d’être discrets. L’atmosphère s’alourdit, devient irrespirable, mais personne ne s’en soucie. L’attention est ailleurs. Tous les sens sont attirés par cet îlot de lumières et de sons qui électrise leurs corps ! Comme dans un état second, le public obéit aux pulsations émanant de la scène et qui rythment ses mouvements, ébauchent le geste à développer. Laissant leurs sièges vides, les spectateurs se dressent. Ils ne peuvent plus tenir en place. La musique s’irradie dans leurs veines et enflamme leurs sens. L’ambiance se chargera, elle, de déverrouiller toutes les inhibitions.La scène, quant à elle, est complètement envahie par les musiciens et la lumière.

Donnant le « la », Amazigh Kateb pousse chacun des musiciens à se surpasser, à aller au-delà de ses limites. L’éclairage presque aveuglant qui explose sur la scène et l’obscurité totale qui plombe la salle créent un contraste aux reliefs changeants. Les mouvements des corps et les vagues sonores mêlant une palette de sons et de rythmes diversifiés dessinent une fresque éblouissante qui représenterait en fait la carte d’identité de Gnawa Diffusion. Le meilleur est gardé pour la fin. Amazigh clôture avec l’un des tubes qui a fait son succès. J’aimerais être un fauteuil part sur un air chaabi tout ce qu’il y a d’apaisant. Mais ce n’est que l’intro qui sera bien vite rattrapée par une entrée tonitruante des instruments. Les spectateurs quittent la salle à regret et s’en vont à la rencontre des amis qui n’ont pas eu, eux, la chance d’assister au concert. Comme pour remuer le couteau dans la plaie, ils leur lancent au visage qu’ils ont tout « raté ! ». Ce qui est vrai.

Par Farida Belkhiri, La Tribune