Accueil > MUSIQUE > Guerouabi, le maître du chaâbi

Guerouabi, le maître du chaâbi

lundi 21 mars 2005, par nassim

Il a toujours cru au “mektoub”. Depuis ses “20 ans”. Souffrant, Guerouabi, l’incontestable cheikh du chaâbi a le soutien de tous ses fans. Gageons qu’il retrouvera très vite la forme pour revenir nous enivrer encore de sa voix si singulière.

Né le 6 janvier 1938 à El-Mouradia (Alger), El-Hachemi Guerouabi a grandi à Belouizdad (ex-Belcourt). En plus de la musique, le baroudeur qu’il était occupait son temps dans le football. Excellent ailier droit, il a joué sa dernière saison footballistique en 1951-1952, sous les couleurs de la Redoute Club.

Vers 1952-1953, il commença à s’intéresser à la musique et tout particulièrement à El-Anka, M’rizek, H’ssissen, Zerbout et autre Lachab. Vite découvert par ses pairs, il rejoint l’orchestre de Hadj M’hamed El-Anka, où il participait activement. Sa voix était singulière, à tel point que El-Anka faisait de lui le "détonateur", dans chaque couplet ou refrain chanté ou répété, dans les spectacles et à la Télévision nationale. Après la disparition d’El-Anka, maître du chaâbi durant près de cinquante ans, les regards se sont vite braqués sur la relève. Une relève nommée El-Hachemi Guerouabi. Ce dernier, qui avait un cachet “vocal” assez particulier et très distingué, avait trouvé du mal à se placer à la tête de la succession. Suivant les conseils et les orientations de ses pairs, il décide de s’investir dans le conservatoire, fondé par Mahieddine Bachetarzi, musicien - chanteur et comédien - dramaturge.

Au music-hall El-Arbi, il se distingue en obtenant deux prix grâce à Mahieddine Bachetarzi.

El-Hachemi Guerouabi

Guerouabi n’arrêtait pas d’étonner et d’épater. Il n’avait pas cessé, non plus, de dissuader ceux qui le conseillaient, à l’époque, que la vraie relève ne pouvait se faire sans passer par la grande école. De l’arabo-andalou, du chaâbi, de la chanson orientale, du jazz et autres styles qui accrochaient un public exigeant, Guerouabi, qui ne croyait pas devenir un cheikh, exprime alors son penchant pour les textes populaires du chaâbi. Cela lui vaudra l’accès immédiat à l’Opéra d’Alger, de 1953 à 1954, où il chantera Magrounet lehwahjeb, qui fut un succès. Engagé à l’Opéra comme chanteur, il fera aussi de la comédie et jouera dans plusieurs pièces et sketches, dont Dahmane la chaire et Haroun Rachid. Après l’indépendance, il rencontre Mahboub Bati, avec lequel il enrichit ses connaissances, se perfectionne et enregistre des chansonnettes. Avec un premier rôle lyrique.

Ce fut un triomphe. Mais aussi un exploit pour ceux qui savaient ce que valait et ce que vaudra Guerouabi. Toute tracée devant lui, la voie du chaâbi s’ouvre devant El-Hachemi, qui deviendra une référence dans la relève, mais aussi dans la production et le spectacle. “Elle m’a habité. Ça a été un long parcours jalonné de joie, de peine, de marginalisation et, heureusement, de beaucoup de succès”, disait Guerouabi, aujourd’hui maître incontestable de tous les styles de musique chaâbi, dont la qasida medh (genre mystique), les gharamiat (poésie courtoise) et le mouachahate (textes classiques arabo-andalous).
Chaleureux avec son public, attentif avec les chanteurs, compositeurs et autres poètes, il a toujours su renouveler la confiance autour de lui et d’instaurer une discipline dans l’art de chanter. “J’ai besoin qu’on m’interpelle sur tel ou tel morceau. Je n’ai pas de programme standard, c’est le public qui décide”, ne cessait pas de répéter à ses cinq instrumentistes - choristes, dont le cithariste Lakehal Belhaddad, le banjoïste Sid Ali, le violoniste - altiste Abdessamed et les deux percussionnistes (darbouka et tar) Nabil et Hocine.

À l’étranger, Guerouabi a su canaliser et renouveler la colère, la nostalgie et l’amour de ses compatriotes émigrés, à travers ses tournées, notamment en Europe. Aujourd’hui, le cheikh, qui souffre d’une longue maladie, a les compassions de tous son public. De ses fans. De tout un peuple.

Par Farid Belgacem, liberte-algerie.com