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“Ilès Azidan”, premier album de Azouz Hachelaf

Douce Algérie

lundi 22 mars 2004, par Hassiba

Azouz Hachelaf, artiste chanteur, balance entre deux âges et deux patries. Il vient de dédier son coup d’essai musical à sa terre natale. Ilès Azidan (douce langue), 1er opus de cet architecte, installé à Lille, est actuellement disponible en France dans le réseau Fnac.

Il sera bientôt dans les bacs en Algérie sous le label Izem. L’album, qui se décline sur onze titres, est une franche diatribe militante. Tirs multiples : dans Ilès Azidan, le chanteur crie à la face de “ceux qui ont rédigé le code de l’infamie” ; Tirga n tafsut (les rêves du printemps) rend hommage à “ceux qui ont arrosé de leur sang pour que fleurisse le printemps 2001” ; Mmi awarac (le fils à la douceur de la motte de beurre) raconte ce que “l’école est devenue” ; Amazigh ukyis (l’homme libre) est un texte qui dénonce “le monolithisme militaro-arabo-baâthiste”.

Côté cœur, Hachelaf se fait plaisir en dédiant un hommage au grand poète de l’exil, cheikh El Hasnaoui, à travers la reprise de Inet-as ma d-yas (viendra-t-il ?). De pieuses pensées aussi pour l’écrivain et chercheur Mouloud Maâmmeri via L’baz n’ tagnawt aâlayen (le faucon des hautes sphères), “cet homme sanctifié qui renaît chaque année parce qu’il est la naissance”. Ad rzugh f taddart iw (je rends visite au village) est une halte, voire un pèlerinage dans le village natal, à la rencontre des amis d’enfance.

L’auteur, qui se plaît dans cette étrange posture de “Kabylille” (contraction de Kabyle et de Lille), est établi en France depuis 1969. Sa patrie de cœur, il l’a finalement trouvée dans l’entre-deux. “Le temps a fait son travail, dit-il, il m’a donné la chance de posséder deux patries : la première avec tout son charme de cœur ouvert, d’un tempérament du Sud, de la Méditerranée dans toutes ses dimensions. La deuxième, celle de mes enfants, désormais mienne, avec sa très grande culture, l’humanisme de ses grands auteurs, sa tolérance et sa rationalité de grande nation.”

De sa jeunesse passée entre Alger et Dellys, il retient ses incursions poétiques dans Promesses, revue dirigée par Jean Sénac dans les années 1960/70, dans laquelle des noms comme Tahar Djaout, Youcef Sebti ou Saleh Guenniche affûtaient leurs plumes. “À cette époque déjà, je faisais de la poésie et de la musique. J’étais foncièrement adepte des Beatles et de Bob Dylan. J’écoutais en parallèle la chanson kabyle bien sûr”, lâche-t-il, derrière un gros nuage de fumée.

De sa musique, il fait une estrade pour parler du “problème identitaire”, dire et redire cette “chanson kabyle qui s’affaiblit par toutes les reprises qui nous ressassent les oreilles”, plaider “l’abrogation du code de la famille” et dénoncer “la dilapidation des richesses algériennes”. S’il sait pertinemment qu’il n’est pas venu en “Rambo pour faire de l’ordre”, il persiste et signe : “Quatre ou cinq albums dans la continuité de Ilès Azidan sont à prévoir”.

Qu’est-ce qui fait donc tant vibrer Azouz Hachelaf ? Il tire lentement sur sa pipe : “L’amour de cette terre sur laquelle mon propre père a versé son sang.”

Djamel Belayachi, Liberté