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Kingdom of Heaven et le choc des religions

dimanche 8 mai 2005, par nassim

La pomme de discorde qui ressort du film "Kingdom of Heaven" se situe dans le traitement par le cinéaste Ridley Scott de la guerre christianisme-islam pour la prise de Jérusalem et sa représentation de l’adversaire musulman pendant les croisades.

Kingdom of Heaven (le Royaume des cieux), le dernier film épique du réalisateur américano-britannique Ridley Scott,

"Kingdom of Heaven" : Excellent film à voir.

à l’affiche dans les grandes villes du monde, n’a pas fini de faire parler de lui, sur le fond principalement. 1186, presque 100 ans après la conquête de Jérusalem par les premiers croisés : le roi lépreux Beaudoin IV, un chef sage et pondéré, selon Ridley, œuvrait en accord avec Salah Eddine (Ghassane Massoud) à neutraliser les desseins guerriers des seigneurs chrétiens et des soldats de Salah Eddine décidés à reconquérir la ville sainte. Le roi mourut et sa sœur (Eva Green) lui succéda et porta son mari à la tête du trône. Le nouveau roi, un guerrier, entama son règne par l’annulation du traité de paix avec Salah Eddine et déclara la guerre. C’est dans ce contexte que va apparaître le héros du film, Balian (Orlando Bloom), jeune forgeron français et enfant illégitime d’un seigneur croisé, qui sera embarqué dans les croisades et sera sacré chevalier.

Il se retrouvera à défendre Jérusalem lorsqu’elle sera assiégée par les 200 000 soldats de Salah Eddine et à entretenir la flamme qui se déclare avec la reine. Pour la forme, les critiques s’accordent dans l’ensemble pour souligner les défauts parasitant le métrage, la faiblesse du scénario jugé inabouti, un montage manquant de rythme, un personnage lisse, sans flamme, manquant de substance et surtout un peu trop jeune pour le rôle. Prenant en référence Gladiator, le précédent film épique de Ridley, une critique dira que « Kingdom of Heaven reprend plusieurs des recettes esthétiques de Gladiator, en particulier dans les scènes de combat : même utilisation des ralentis et des mouvements syncopés, même traitement décoloré de l’image pour accentuer l’impact du métal par un montage au hachoir ». « Kingdom of Heaven, c’est un peu tout cela à la fois, un grand film imparfait, attachant même si mal monté », renchérira une autre critique. En fait, la pomme de discorde se situe dans le traitement de la guerre christianisme-islam et la représentation de l’adversaire musulman. Certains critiques qui ont vite fait de tirer un parallèle avec les événements actuels, le vécu des musulmans en Palestine et après l’invasion de l’Irak, estiment que le réalisateur met en exergue l’humanisme de Salah Eddine qu’il présente comme exagérément tolérant envers ses prisonniers croisés et des musulmans durant les Croisades.

D’autres soutiennent cependant que les aspects religieux sont traités avec parcimonie, et ceci dans les deux camps. Musulmans et chrétiens sont présentés à pied d’égalité. Quant au combat final pour la ville sacrée, il n’est pas placé sous le signe d’une suprématie de culte mais bien sur l’aspect humain de défendre sa vie et celle des habitants. Si le fanatisme religieux n’est pas écarté, il n’est utilisé que pour en montrer les ravages. Le film dans son épilogue distille quelques considérations sur la tolérance et l’absurdité et cette guerre. « Je préférerai brûler Jérusalem », déclare un Balian au bord de la capitulation. Et Saladin de répondre que « ça ne serait pas une mauvaise chose », écrit une critique. Un professeur de la charia islamique rejoint cet avis et juge que Kingdom of Heaven n’est que le reflet équilibré et objectif d’une étape de l’histoire musulmane et qu’il est l’œuvre qui représente le mieux la personnalité de Salah Eddine.

Selon le professeur qui rejette toute idée d’instigation à la violence et à la confrontation, le film ne soutient aucunement la thèse de la confrontation entre les cultures islamique et chrétienne. Ridley Scott rejoint cet avis. Tout en reconnaissant que son film revisite l’histoire, il dit cependant avoir tenté de respecter au mieux les faits historiques sans prendre partie pour un camp contre l’autre. Répondant à un journaliste qui lui demandait s’il s’était servi de ce qui se passe aujourd’hui pour faire son film, Ridley Scott répondra sans ambages : « Tout à fait. Le racisme, la montée des fanatismes religieux se retrouvent autant aujourd’hui qu’à cette période. Et je pense qu’en ces temps-là aussi, il y avait des hommes plus doués de raison que d’autres. Vous savez, il faut arrêter un peu les clichés du Moyen Age tels que la saleté, l’ignorance, etc. En tout temps, il y a eu des hommes différents et qui ont fait bouger le cours de l’histoire. Ce qu’on vit aujourd’hui n’est qu’un miroir de cette époque. »

Par Hassan Gherab, latribune-online.com