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L’Expo Aichi 2005 s’ouvre au Japon

lundi 28 mars 2005, par nassim

L’Expo Aichi 2005 (Japon), inaugurée jeudi 24 mars et ouverte au public le lendemain, se veut un grand spectacle consacré aux rapports entre l’homme et son milieu.

Première exposition universelle du XXIe siècle, elle a pour thème la "Sagesse de la nature". Formule ambiguë, qui prend certes une signification particulière à la suite de l’entrée en vigueur du protocole de Kyoto visant à réduire l’émission des gaz à effets de serre, mais élude les problèmes de fond du développement durable.

Réunissant 121 pays, quatre organisations internationales et plusieurs dizaines d’organisation non gouvernementales, l’Expo (d’un coût d’un milliard d’euros) occupe un site de 173 hectares aux environs de Nagoya. Les organisateurs se sont efforcés de préserver la topographie du site, ses arbres et ses plans d’eau. Une promenade circulaire, de 2,6 km de long sur 80 m de large, serpente à 25 m au-dessus du sol et permet d’accéder aux pavillons. Alors que l’Expo d’Osaka en 1970, qui consacrait l’accession du Japon au rang de troisième puissance économique mondiale, avait attiré 64 millions de visiteurs, Aichi n’en attend que 15 millions, dont 10 % d’étrangers.

"PROGRÈS DANS L’HARMONIE"

Des traditions religieuses du Bhoutan aux récifs coralliens de Malaisie et aux "magnificences de la nature" présentées dans le pavillon japonais en forme de dôme tressé en bambou, le patrimoine naturel et culturel mondial ainsi que les procédés traditionnels et modernes pour pondérer l’usage de ses richesses sont mis en valeur. Mais l’Expo n’échappe pas à un côté"parc à thème".
Sous un autre intitulé que celle d’Osaka, placée sous le signe du"Progrès dans l’harmonie", elle s’inscrit dans une même logique : celle d’une foi inébranlable en un scientisme né avec l’industrialisation et dont les expositions universelles sont un point d’orgue. L’Expo d’Aichi esquive le vrai problème que résume la formule du sociologue français Ignacy Sachs ­"Le contrat entre la terre et l’humanité n’est rien d’autre que le contrat entre les hommes." Un message que s’efforce de rappeler le pavillon français en soulignant la dimension sociale du développement durable, qui implique la lutte contre la pauvreté.

L’Expo Aichi n’est pas seulement ambiguë par son intitulé, mais par sa réalisation. Le projet a soulevé une vive opposition locale, qui a contraint les organisateurs à renoncer au site choisi (la forêt de Kaisho) et à transférer l’Expo sur son emplacement actuel, un parc de loisirs voisin. Le soutien de World Wild Foundation (WWF) a mué un problème local en un enjeu universel. Le Bureau international des expositions a craint d’apparaître soutenir un projet contre la volonté populaire. Les lucioles de la forêt de Kaisho ont été épargnées.

"On a simplement déplacé le problème", déplore Ken Kageyama, professeur honoraire à l’université d’Aichi et responsable de l’Union des mouvements de citoyens opposés à l’Expo. "Les autorités ont ignoré les revendications des citoyens. Alors que l’Expo d’Hanovre avait donné lieu à un référendum, ici, il nous a été refusé. Nous n’avons pas été pas admis aux débats sur les projets. En outre, le problème de fond a été banni : la relation entre pauvreté et destruction de l’environnement", commente-t-il. Pour protester contre le non-fonctionnement des comités d’évaluation des effets écologiques de l’Expo, WWF et deux organisations japonaises de protection de la nature ne participeront pas au colloque international sur l’environnement qui doit se tenir le 29 avril sur le site.

L’ombre de Toyota pèse enfin sur un événement qualifié par le grand quotidien Mainichi de "foire industrielle de Toyota". L’Expo, dont le comité d’organisation est noyauté par le personnel de la firme, permet à celle-ci de désenclaver sa ville usine, Toyota-City, située à proximité du site, en profitant des travaux publics destinés à le desservir (nouvelle autoroute circulaire, train à moteur linéaire et nouvel aéroport). La fourniture par le Japon des pavillons ­ dont les occupants, pour la première fois, ne prennent en charge que l’aménagement intérieur ­ a cependant encouragé la participation de pays pauvres, tandis que Tokyo a fait montre d’une "bienveillance" particulière dans l’attribution de son aide publique à ceux qui ont répondu à son invitation.

Par Philippe Pons, lemonde.fr