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La liberté culturelle dans un monde diversifié (V)

lundi 23 août 2004, par Hassiba

L’expérience en Inde, en Malaisie, en Afrique du Sud et aux Etats-Unis montre que la discrimination positive peut réduire les inégalités entre les groupes. En Malaisie, le rapport du revenu moyen entre les populations chinoises et malaises a baissé de 2,3 en 1970 à 1,7 en 1990.

Aux Etats-Unis, la proportion d’avocats noirs au sein de la profession s’est accrue de 1,2% à 5,1%, et la proportion de médecins noirs de 2% à 5,6%. En Inde, l’allocation des emplois dans la Fonction publique, l’admission à l’enseignement supérieur et les sièges parlementaires accordés aux castes et aux tribus répertoriées ont aidé les membres de ces groupes à sortir de la pauvreté et à rejoindre la classe moyenne.

Aucune de ces politiques n’est dénuée de complexité, mais l’expérience de nombreux pays montre qu’il y a des solutions. On peut reprocher à l’éducation bilingue d’être inefficace, mais c’est parce qu’elle n’est pas assez soutenue pour assurer sa qualité.

On peut accuser les programmes de discrimination positive de créer des inégalités permanentes ou de devenir une source de favoritisme, mais ils peuvent être mieux gérés. Ce sont là des manières de répondre aux demandes d’intégration culturelle. Mais nous devons aussi admettre que dans le monde d’aujourd’hui, il existe également davantage de mouvements qui cherchent à établir une domination culturelle et à supprimer la diversité.
Les mouvements visant la domination culturelle menacent la liberté culturelle. Les combattre par des mesures illicites et non démocratiques constitue une violation des droits de l’Homme et n’élimine pas le problème. La prise en compte démocratique de ces mouvements est la façon la plus efficace d’en mettre au jour les visées intolérantes et de saper l’attrait qu’ils suscitent.

Les dirigeants des mouvements prônant la domination culturelle croient à leur propre supériorité culturelle et essaient d’imposer leurs idéologies aux autres, à la fois au sein de leur communauté et au dehors. Tous les mouvements de ce type ne sont pas violents. Certains cherchent à contraindre par le biais de campagnes politiques, de menaces et de harcèlement. Dans certains cas extrêmes, ils utilisent également des moyens violents : agressions haineuses, expulsions, nettoyage ethnique et génocide. En tant que force politique, l’intolérance menace de submerger les processus politiques dans nombre de pays à travers le monde. Les mouvements en faveur de la domination culturelle prennent différentes formes : partis politiques, milices, groupes violents, réseaux internationaux et même pouvoirs publics. Il est naïf de présumer que les sociétés démocratiques sont immunisées contre l’intolérance et la haine.

Dirigeants manipulateurs, pauvreté et inégalité, Etats faibles et inefficaces, interventions politiques extérieures et liens avec la diaspora figurent souvent parmi les causes sous-jacentes de la montée des mouvements qui militent pour la domination culturelle. Ces facteurs peuvent également inspirer les mouvements nationalistes, comme ceux en faveur de l’autonomie ou de la sécession, Mais les mouvements pour l’autonomie nationale sont différents des mouvements pour la domination culturelle. D’une part, les mouvements en faveur de la domination culturelle peuvent souvent émaner de l’intérieur d’un groupe majoritaire qui domine déjà l’Etat, comme les partis d’extrême droite dans beaucoup de pays européens. Inversement, maints mouvements pour l’autonomie nationale peuvent être relativement libéraux, reconnaissant l’importance de composer avec la diversité au sein d’un territoire autonome et cherchant seulement le même respect et la même reconnaissance que les autres nations. Ce qui distingue les mouvements visant la domination culturelle est leur affirmation d’une supériorité culturelle et leur intolérance. Ils prennent pour cible la liberté et la diversité.

La question est de savoir comprendre avec eux. Les Etats ont souvent essayé d’affronter ces mouvements au moyen de méthodes répressives et non démocratiques : interdiction des partis, détentions et procès extrajudiciaires, législation qui viole les droits fondamentaux et même emploi aveugle de la force et de la torture. Ces mesures suppriment souvent les demandes et processus politiques légitimes, entraînant des réactions encore plus extrêmes. Lorsque le Front islamique du salut (FIS) a gagné le premier tour des élections de 1991 en Algérie, les militaires sont intervenus et ont interdit le parti. Il en est résulté une guerre civile qui a coûté la vie à plus de 1 000 personnes et a impulsé le développement de groupes intolérants et violents.

Au contraire, la conciliation démocratique fonctionne.
Autoriser les partis d’extrême droite à concourir aux électionspeut également les forcer à modérer leurs positions, comme avec le Parti de la liberté (FPO) en Autriche ou le Parti de la justice et du développement au Maroc. La compétition électorale met en lumière l’attrait marginal des autres groupes (le Parti du progrès au Danemark). La conciliation démocratique donne également aux Etats la légitimité ont essayé VC de me Acquièrent à tort des droits de propriété ou qui n’offrent pas de compensation aux communautés devraient être retirés.
Biens culturels

Les biens culturels devraient-ils être protégés au sein du commerce international pour aider à assurer la protection de la diversité culturelle dans le monde. Les films et les produits audiovisuels sont-ils des biens culturels ?

Deux principes sont essentiels : reconnaître le rôle des biens culturels comme source (le créativité et de diversité, et reconnaître le désavantagé (les petites industries du film et audiovisuelles sur les marchés mondiaux. La diversité des biens culturels est importante en soi car elle accroit le choix du consommateur et enrichit l’expérience culturelle des individus. Mais les biens culturels bénéficient également d’économies d’échelle. Ainsi, les créations des grands producteurs tendent à évincer celles des petits producteurs, notamment dans les pays plus pauvres. Comment peut-on promouvoir la diversité ? Eriger des barrières commerciales n’est pas la solution, puisque cela réduit les choix. Soutenir les industries culturelles plutôt que les barrières douanières favoriserait davantage la diversité . L’Argentine, le Brésil et la France ont expérimenté avec succès des subventions à la production et (les exemptions clé taxes pour les industries culturelles, sans stopper les flux de produits culturels d’outremer vers les marchés locaux. La Hongrie retient 6%, sur les redevances télévisuelles pour promouvoir les films domestiques.
L’égypte utilise des partenariats public privé pour financer les infrastructures de la production cinématographique.

Immigration

Les immigrés devraient-ils s’assimiler ou devrait-on reconnaître leurs cultures ? Trois principes son essentiels : respecter la diversité, reconnaître les identités multiples et construire des liens communs d’appartenance à la communauté locale. Aucun pays n’a fait des progrès et fermant ses frontières. La migration internationale apporte des qualifications, de la main d’œuvre et des idées qui enrichissent la vie des individus. Tout comme on ne peut prendre la défense du traditionalisme et des pratiques religieuses qui violent les droits de l’homme, l’assimilation forcée ne peut être pas un solution viable.

Les identités ne sont pas un jeu à somme nulle. Songez aux paroles de cette Malaisienne en Norvège : " On me demande souvent depuis combien de temps je vis ici. Lorsque je réponds : " vingt ans ", il arrive fréquemment que l’on me dise : " Mais alors, vous êtes prés que l’on raisonne couramment, en matière d’identité, comme s’il s’agissait d’un jeu à somme nulle : si vous avez moins d’une autre l’identité est imaginée comme un cube dont les dimensions sont fixes.

Deux approches de l’immigration dominent les politiques dans la plupart des pays : le différentialisme (les immigrés conservent leurs identités mais ne s’intègrent pas au reste de la société) et l’assimilation (sans avoir le choix de conserver l’ancienne identité). Mais de nouvelles approches du multiples sont en train d’apparaître . Cela implique de promouvoir la tolérance et la compréhension entre les cultures, mais aussi de faire une place spécifique aux pratiques religieuses, tenues vestimentaires et autres aspects de la vie quotidienne. Cela implique également de reconnaître que les immigrés n’ont pas la possibilité de s’exprimer et sont vulnérables face à l’exploitation, et de les aider à s’intégrer, notamment en leur donnant accès à une formation linguistique et à des services de rechercher d’emploi.

Certains pays élargissent les droits participation civique aux non-citoyens- le statut d’étranger ayant droit de cité ( " denizenship ")
Belgique, Suède). Et plus de 30 pays acceptent maintenant la double citoyenneté. Pour faire reculer les idées fausses et préjugés, le bureau du commissaire du Sénat de Berlin pour l’intégration et la migration apporte son appui financier à des organisations d’immigré, utilise des campagnes d’information publiques et propose des consultations juridiques dans 12 langues pour aider à la recherche d’emplois et combattre la discrimination.
Mais ces politiques sont contestées. L’éducation bilingue aux état Unis et le port du foulard en France sont des sujets de controverses. Certains craignent qu’ils ne remettent en question certaines des valeurs les plus fondamentales de la société- comme l’engagement de faire sienne la culture américaine ou les principes français de laïcité et d’égalité des sexes. Elargir les libertés culturelles est un objectif important au sein, du développement humain un objectif qui mérite attention de toute urgence au XXIe siècle.

Tous les individus veulent être libres d’être ce qu’ils souhaitent. Tous les individus veulent être libre d’exprimer leur identité en tant que membres d’un groupe dont ils s’agisse de la nationalité, de l’appartenance ethnique, de la langue ou de la religion, ou bien encore de la famille, de la profession ou de centres d’intérêts. La mondialisation entraîne toujours plus d’interactions entre les individus du monde entier. Ce monde a besoin à la fois d’un plus grand respect pour la diversité et d’un engagement plus fort envers l’unité. Les individus doivent abandonner leurs identités rigides s’ils sont appelés à faire partie de société diverses, et épouser les valeurs cosmopolites de tolérance et de respect pour les droits de l’homme universels.

Ce rapport est un point de départ pour discuter de la manière dont les pays peuvent s’y prendre pour y arriver. Si la courte histoire du XXIe siècle nous a enseigné quelque chose, c’est que dans ce domaine, la politique de l’autruche n’est pas envisageable.

Résumé rapport mondial sur le développement humain 2004, La Nouvelle République