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Les bijoux traditionnels dans les Aurès

jeudi 31 mars 2005, par Stanislas

Les bijoux étaient et sont encore l’ornement principal de la femme des Aurès. Il y a umesak (la broche), akhelkhal (anneaux qui se mettent autour des chevilles), timchereft (boucles d’oreilles ou grands anneaux que la femme porte à l’oreille) ou emguys (le bracelet).

A l’instar de toutes les femmes, les Auréssiennes aiment les bijoux, toutes en possèdent et elles en sont, plus ou moins, bien pourvues suivant les moyens et la position sociale de chacune, mais la jeune fille en a moins que la femme mariée. Les vieilles Auréssiennes les cèdent à leurs filles, ne gardant que l’indispensable.

Dans les Aurès, les bijoux étaient fabriqués en argent (des pièces de monnaies fondues). Leur valeur était donc de 9/10 ; il arrivait néanmoins, que les artisans fassent des alliages inférieurs. L’or n’était, il y a quelques décennies, jamais utilisé dans la fabrication des bijoux dans le massif auréssien profond. Les bijoux auréssiens sont pleins, creux ou ajourés. Ils ne sont jamais émaillés, ce qui les différencie totalement des bijoux de Kabylie et du Rif marocain. Les plus originaux, ceux de l’oued Abdi et de l’oued Labiod, sont généralement massifs et ornés de corail ; ils ont la même structure que les bijoux de Gabès (Tunisie), quoique moins lourds ; certains sont fait de filigrane ou de chaînettes. Les bijoux qui se font à l’heure actuelle, dans les Aurès, ont subi l’influence d’un cachet étranger au massif ; ils donnent l’impression d’être de grossières imitations. De plus, le montage du filigrane, dans lequel les artisans bijoutiers auréssiens sont passés maîtres, est le plus souvent remplacé par le moulage.

Encore fabriqué à travers tout le massif, akhelkhal est une parure pleine, très ancienne, constituée d’une lame plate en forme de bracelet ; la femme le porte aux chevilles. Il a généralement huit centimètres de hauteur et vingt-six de circonférence ; il se ferme avec un fermoir qui entre dans deux orifices prévus à ses extrémités. En général - c’est même une tradition - il ne faut jamais l’enlever ; c’est pourquoi l’Auréssienne ne s’en sépare pratiquement jamais.

Pour fabriquer un akhelkhal, l’artisan bijoutier coule un lingot d’argent dans un moule de terre, l’aplatit à coups de marteau pour l’élargir et le cisèle. La lame de l’akhelkhal est partagée en quatre parties, décorées de deux motifs dont chacun est repris deux fois. Ces motifs sont alternés ou disposés de telle sorte que l’un soit encadré par l’autre. Les motifs décoratifs, assez variés, sont des triangles, des losanges, des fuseaux, des volutes et des fleurs ; les encadrements des lignes doubles ou brisées, des petits demi-cercles réalisés au moyen d’une gouge, des hachures, des petites perles, etc.

Emguys est le bracelet ; les Auréssiennes préfèrent en général un bracelet étroit, orné de petits motifs en relief ayant la forme de boutons. Toutes les femmes du massif auréssien en possèdent au moins une paire. Les petits motifs d’argent qui les couvrent en font l’originalité.

Les tchouchanat sont parmi les bijoux les plus anciens du massif. Elles se présentent sous la forme d’anneaux ronds et ouverts, de 9 à 10 centimètres de diamètre, que les artisans bijoutiers ne fabriquent plus depuis des décennies, et que seules quelques rares vieilles auréssiennes portent encore. Les tchouchanat sont, en général, ornées de corail et de motifs creux en argent, de forme fuselée, sphérique ou tabulaire. La timchereft (boucle d’oreille) peut, tout en gardant la même structure, être nettement plus petite ; elle se porte alors dans le lobe de l’oreille. Ce petit modèle a remplacé le grand et toutes les jeunes Auréssiennes le préfèrent. Elle est le plus souvent ornée de chaînettes terminées par des boules de corail et des motifs en argent.

Toutes les chaînes et chaînettes que portent les Auréssiennes sont appelées tselselts. Elles sont montées de petits anneaux circulaires, assez épais, enfilés les uns dans les autres, sans aucune soudure. Elles servent soit à agrémenter d’autres bijoux, soit à monter des colliers et des jugulaires. Le collier, cherketh, est fait de plusieurs rangées de chaînettes, desquelles d’autres, plus petites, se détachent pour descendre sur la poitrine, quelquefois, jusqu’à la taille.

La jugulaire est faite de quelques rangs de chaînes d’où pendent des piécettes de monnaie (d’argent ou de métal), suspendues à des chaînettes très courtes. Ce bijou original est suspendu à droite et à gauche de la coiffure, donnant au visage un charme mystérieux et lointain. Quelquefois, la jugulaire se compose de deux parties ; chacune est composée de plusieurs tselselts fixés d’un côté à un triangle ajouré terminé par un anneau auquel sont suspendues de courtes chaînettes à plaquettes d’argent.

Akhelet ou abzimt est la fibule antique ; elle sert à maintenir le drapé du l’haf, du tajdidh et les autres vêtements sur la poitrine. La fibule est faite d’une plaque d’argent, triangulaire ou arrondie, ajourée au ciseau.

Amessek est une broche ronde, souvent ouvragée, en filigrane. Les motifs filigranés sont soudés, soit directement entre eux, soit sur une sorte de plaque épaisse, réalisée au moule de cuivre, et dont la forme générale est celle que l’on veut donner au bijou. Le milieu est laissé vide pour permettre à l’étoffe d’y pénétrer et à l’épingle de la retenir. L’amessek est orné de plusieurs chaînettes terminées par de petits morceaux de corail rouge et par des plaquettes d’argent. Ce bijou sert en général à fixer sur la poitrine les divers habits de l’Auréssienne.

Le taneâst est une parure de la coiffure ; il peut être comparé à amessek ; il diffère de ce dernier par le fait que le centre du bijou, au lieu d’être vide pour permettre à l’épingle de retenir l’étoffe, est occupée par un motif quelconque. Le taneâst est muni d’un anneau dans sa partie supérieure ; il est porté à l’oreille ; les chaînettes pendent de chaque côté du visage ; il est retenu par un simple cordon attaché à l’anneau, d’un taneâst à l’autre en passant sur le dessus de la tête. Souvent, pour éviter que le poids du tchounât rabatte le pavillon de l’oreille, les Auréssiennes attachent ces boucles au taneâst.

Les boîtes à miroirs sont de forme ronde ; elles peuvent être ciselées ou ajourées. Quand elles sont ajourées, elles s’ornent de tselselts ; leur ornementation comporte alors une pierre centrale et deux cercles réunis par des volutes filigranées. Elles sont le plus souvent utilisées pour cacher les pièces de monnaie.

Le skhab est un lourd collier, très ancien ; ses éléments, de forme sphérique ou fuselés rappellent ceux qui ornent les tchouchnêt. Ils sont enfilés sur un solide fil de laine, séparés les uns des autres par des morceaux de corail. Le skhab se termine le plus souvent par un petit peigne en argent ouvragé au ciseau. L’originalité et l’élégance de ce bijou dépend de sa longueur (il doit descendre jusqu’à la taille), du nombre de ses motifs d’argent, de la couleur du corail, dont les morceaux doivent être choisis pour attirer le regard.

Chez les Bénibousliman et chez les Ouled Daoud, les femmes portent souvent, en guise de collier, des chapelets de perles noires terminés par un ornement fuselé d’argent.

Par Chenouf Ahmed Boudi, lesdebats.com