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Les singes de Gibraltar ont « immigrés » d’Algérie

mercredi 27 avril 2005, par Stanislas

Considérés comme le symbole de la souveraineté britannique sur Gibraltar, les singes de Barbarie qui peuplent les montagnes de cette enclave espagnole sont en fait des « immigrants » venus principalement d’Algérie, selon des chercheurs suisses.

Des analyses génétiques, effectuées sur des spécimens de cette race de singes,

Les singes de Gibraltar ont « immigrés » d’Algérie.

ont révélé leur parenté avec ceux d’Algérie et du Maroc. Ils ne constituent pas une espèce indigène mais sont plutôt tous des descendants de leurs semblables algériens, qui ont été expatriés il y a des siècles vers les montagnes du rocher de Gibraltar, aujourd’hui sous domination de la couronne britannique. Durant plusieurs années, les scientifiques spéculaient sur l’origine de cette espèce, qui forme une colonie dont il n’existe de sembable nulle part ailleurs sur le continent européen. L’étude menée par une équipe de scientifiques suisses a fini par lever le voile sur le mystère de ces singes dans un article publié hier dans l’édition en ligne de American sientific journal « Nous sommes aujourd’hui convaincus que les macaques de Gibraltar ne sont en aucun cas les descendants d’une ancienne espèce européenne », a affirmé Lara Modolo, anthropologiste à l’université de Zurich.

Les conclusions des recherches ont démontré que les « singes britanniques » proviennent essentiellement d’Algérie. Les singes de Barbarie ou leurs ancêtres étaient considérés comme une race ayant vécu dans quelques régions d’Europe durant l’époque glaciaire.

Certains historiens et chercheurs soutenaient que cette espèce disparue existait encore en Espagne au XVIIIe siècle. Mais des recherches entreprises avec l’aide d’équipes de l’université de Constance en Allemagne et le Field museum de Chicago, ont fini par trancher le nœud gordien.

Des analyses effectuées par le Pr Modolo sur l’ADN de quelque 30% de ces singes et celui de l’espèce d’Algérie ont apporté une réponse sans équivoque. « Nous avons pu ainsi déterminer la source de cette population qui est l’Algérie ainsi que le Maroc, en raison des ressemblances génétiques », a souligné l’anthropologue qui a estimé que ces deux populations ont été séparées l’une de l’autre depuis des siècles.

Les macaques sont arrivés à Gibraltar il y environ 2 000 ans, selon Mlle Modolo, qui a estimé qu’il était difficile d’établir la date avec exactitude. L’hypothèse la plus vraisemblable, selon elle, est que ces macaques ont été introduits par les Arabes après la conquête de la péninsule Ibérique à partir de 711, puis la fondation de l’Andalousie.

« Si on doit se référer aux archives historiques, on constate que ces singes sont arrivés à Gibraltar bien avant l’occupation britannique, dans une période allant de 700 à 1400 », a jouté la scientifique suisse. Jusque-là, la légende locale les associait aux Britanniques.

Au cours de la Seconde Guerre mondiale, le nombre de ces singes avait diminué en raison des maladies et de l’empiétement de leur espace par l’homme. Craignant une extinction de cette espèce, le Premier Ministre britannique, Winston Churchill, avait ordonné que des singes soient ramenées d’Algérie pour combler le déficit.

Cette opération avait été alors effectuée dans le secret entre 1942 et 1946, car une croyance prétendait que leur disparition serait une malédiction pour la couronne britannique. « Si les singes disparaissent, la Grande-Bretagne perdrait le contrôle de Gibraltar », disait la légende.

Les scientifiques estiment que la Grande-Bretagne avait introduit de nouveaux groupes de ces singes d’Algérie afin de stimuler leur confiance vis-à-vis des soldats stationnés dans ce rocher stratégique. La population de macaques est estimée à 240 indidividus répartis en quatre groupes de 37 à 68 membres, selon des statistiques établies en 2002.

Leurs semblables du Maghreb sont, quant à eux, estimés à 10 000 avec une forte concentration en Algérie selon les chercheurs suisses. Selon la légende, les singes avaient sauvé l’enclave d’une invasion espagnole au XVIIIe siécle lorsqu’ils avaient donné l’alerte aux soldats britanniques.

Dès lors, une croyance s’est installée parmi les habitants de Gibraltar, selon laquelle les Britanniques resteront à Gibraltar aussi longtemps que les macaques peupleront le rocher. Les chercheurs suisses ont constaté que les Britanniques tiennent à eux comme à la prunelle de leurs yeux.

Par Zouaoui Mouloud, jeune-independant.com