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Lounis Aït Menguellet, nouvel album "Yennad Umghar"

mercredi 26 janvier 2005, par Hassiba

Le nouvel album Yennad Umghar (Le vieux sage a dit) du chanteur Lounis Aït Menguellet a laissé bonne impression chez le public mélomane. L’album, qui contient 6 titres de longue durée (le plus long est de 8’ 22 et le plus court est d’une durée de 4’08) en plus de 2 instrumentaux est d’une consistance poétique et littéraire telle que les œuvres du poète ont déjà captivé l’intérêt d’étudiants universitaires pour des travaux de recherche.

Lounis, lui-même, a failli à sa tradition ; il a présenté son album devant la presse sous les conseils de son éditeur Izempro. Ses 40 ans de carrière ont indéniablement mené l’auteur à une composition de textes de référence. Pourtant, Lounis, à chaque fois qu’il entend un commentaire élogieux sur son œuvre, répond humblement : « Je ne prétends pas apporter des solutions aux problèmes. Je ne suis qu’un simple observateur. »

Mais, incontestablement, le titre le plus long Assendu n waman (Les brasseurs de vent) est la composition textuelle la plus parlante et qui contient des textes rebelles qui dénoncent à la fois les manipulateurs d’opinion qui ont un rang d’officiels, mais également, toutes les voix officieuses, partisanes, généralement adeptes de la politique politicienne. Lounis constate que les brasseurs de vent « viennent, promettent. Et reviennent, oublient. Et disent, c’est ainsi que se font les choses ». Nul acteur politique n’est épargné. C’est justement ce que certaines voix reprochent à Aït Menguellet ; son manque d’engagement. Il rétorque qu’il n’est pas chanteur engagé par vocation. Lui, il est humaniste, rebelle, observateur et porte-voix du Lumpen prolétariat, des voix écrasées par toutes sortes d’hégémonies. La profondeur de sa déception par le développement sociopolitique du pays est livrée par le poète dans le même album : « Chaque époque ramène ses coups. Qui passent tour à tour. Quelle peine nous a oubliés ? Les uns se souviennent, d’autres pas. Mais la tourmente a emporté. Les uns comme les autres. A quand le soupir. Qui sera salvateur. Qui, enfin, nous guérira. » Le chanteur interroge alors le sage, lui demandant : « Pourquoi le monde s’affole. L’erreur l’emporte sur le bon sens. Où s’arrête le fléau. Quand les hommes s’entretuent. »

Aït Menguellet garde son caractère d’universaliste, imprégné des valeurs humanistes, une sentinelle qui veille sur la mémoire et réveille les consciences enchaînées. Les textes de cet album suivent la même consistance de la composition poétique propre à Lounis. La densité des mots, la poésie révoltée, chantée par Aït Menguellet, le sage, le créateur, porte aussi un bel habillage musical taillé par le musicien Djaffar Aït Menguellet, fils du chanteur. Sa poésie est d’une déconcertante actualité, des repères sociologiques et historiques. Sa personnalité est d’une déroutante humilité. Et on lui prête toujours ce qu’il refuse d’assumer. « Je préfère être un fusible. Si la population ne veut pas de moi, je préfère m’effacer que de voir celle-ci disparaître », a-t-il toujours dit. C’est toute sa grandeur. Le sage a une nouvelle fois raison.

Par Saïd Gada, El Watan