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Net : la musique sur l’air de la légalité

samedi 12 mars 2005, par nassim

L’arrivée de StationRipper, nouveau logiciel qui traque les chansons sur les webradios, risque de bouleverser le marché de la musique.

Pirater est-il devenu légal ? Au moment où Gilles Kahn et Antoine Brugidou, les deux experts nommés par les ministres de la Culture, de la Recherche et de l’Industrie viennent de rendre leur rapport d’étude sur les solutions de filtrage des échanges de musique sur le Net (lire ci-dessous), de nouvelles technologies changent déjà la donne. Mieux, l’une d’entre elles, le logiciel StationRipper, vient d’être reconnue légale par le Syndicat national de l’édition phonographique (Snep) (lire ci-contre). Deux autres, le peer-to-mail et le podcasting, pour rester illégales, n’en sont pas moins, pour l’heure, impossibles à contrôler. Alors que les premiers procès d’internautes divisent artistes et producteurs, ces nouvelles manières de consommer la musique sur le Net pourraient, si le grand public s’en empare, refonder le débat sur la gratuité de la musique en ligne.

Peer-to-mail

Il s’agit d’un échange de fichiers, aussi illégal que le peer-to-peer classique. Mais la musique ne transite plus par des plates-formes de téléchargement telles que Kazaa. Elle s’échange tout simplement par courriel en utilisant les boîtes e-mail à grande capacité de mémoire qui ont fait récemment leur apparition. Concrètement, Monsieur W. envoie tous les albums de sa discothèque à Mesdames X, Y, Z aussi simplement et rapidement qu’il leur envoie un courrier électronique pour les inviter à dîner. Sans qu’aucun gendarme du Net ait les moyens de contrôler sa correspondance.

Blog audio et podcasting

C’est la nouvelle marotte des internautes : mettre à disposition de leur communauté, sur leurs pages personnelles (blogs), leurs morceaux préférés. Certains de ces nouveaux « audiofanzines » sont déjà si respectés que l’industrie du disque leur fait les yeux doux, comme elle courtisait la presse musicale au siècle dernier. Certains de ces blogs audios proposent leur contenu en téléchargement (podcasting). Un logiciel gratuit type Ipodder permet d’enregistrer automatiquement vos podcasts préférés, et les transfère directement sur votre baladeur numérique. Des nouveautés, mais aussi et peut-être surtout, des chansons absentes des sites de téléchargement payant ­ dont l’offre reste risiblement faible ­ ou indisponibles dans des magasins de disques qui réduisent sans cesse leurs stocks pour réduire les frais. Là encore, cette pratique n’est pas légale, mais elle semble incontrôlable.

StationRipper

Sur un principe proche du podcasting, c’est la nouvelle bête noire de l’industrie du disque, qui, une fois de plus, n’a pas senti venir le coup. Inventé en 2000 par l’Américain Greg Ratajik, et dopé par l’arrivée du haut débit, ce logiciel n’est finalement qu’un bon vieux magnétophone, comme ceux qu’on utilisait, enfants, pour enregistrer nos chansons préférées à la radio. Différence de taille : il est virtuel, super rapide et « intelligent ». Il permet d’enregistrer des centaines de programmes diffusés simultanément sur le Web, puis de classer les chansons en quelques minutes. La diffusion en numérique assure une qualité de son sans défaut. En clair, StationRipper ne télécharge pas des titres à partir de fichiers mis à disposition illégalement par d’autres internautes, mais il pioche dans la liste sans fin des musiques diffusées par la dizaine de milliers de webradios émettant, en toute légalité et en continu, sur la Toile. Ces radios sont si nombreuses et variées que le morceau que vous aurez sélectionné sur le moteur de recherche de StationRipper a toutes les chances d’être diffusé quelque part dans le monde au moment précis où vous avez envie de l’écouter. Sinon, le logiciel le traquera pour vous et le transférera sur votre disque dur en un temps record. Cerise sur le gâteau, StationRipper est gratuit dans sa version basique, permettant de traiter deux flux radios en même temps. Pour 15 dollars, la version complète en scanne plus de 300. Jusqu’à preuve du contraire, enregistrer la radio n’est pas illégal. Le cauchemar de l’industrie du disque ne fait que débuter...

Par Alexis BERNIER et Bruno MASI, liberation.fr