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René Vautier à Tizi-Ouzou

samedi 18 septembre 2004, par Hassiba

René Vautier, en véritable témoin des luttes du XXe siècle, s’est fixé une idée, quarante ans après avoir lancé son projet, de réhabiliter le cinéma itinérant. Sa présence à Tizi-Ouzou, ce week-end, pour deux objectifs ayant tout de même la finalité, conforte l’idée, la sienne, résumée, tel un slogan : “Ecrire l’histoire en images”.

Parce qu’il représente l’archétype du cinéaste engagé, à titre de réalisateur, d’acteur ou “d’aventurier”, deux jeunes filles universitaires, Oriane et Leïla, préparent une “autoproduction associative” retraçant la période d’utilisation du cinéma itinérant en Algérie, durant la période 1962/1966. Tout en s’inspirant de Vautier, l’encadreur, les deux jeunes cinéastes projettent de donner, via la caméra , la parole à tous ceux qui n’ont pas le pouvoir ou qui n’ont jamais eu l’opportunité de s’exprimer sur l’une des périodes douloureuses de l’histoire de l’Algérie. Un pari que lancent les deux jeunes filles, pas si évident pour elles de partir à la conquête d’un thème, quand bien même élucidé à travers un dialogue réel. La présence de Vautier à leurs côtés, du moins ses nombreuses productions et son expérience de décrire l’histoire à travers l’image, va certainement servir de “base de réflexion” pour leur future production intitulée tout simplement : René Vautier, contre vents et marées, dont la sortie est prévue vers la fin de l’année prochaine. Il n’est pas question ici de faire un film-documentaire biographique sur René Vautier, mais de s’inspirer de sa longue expérience du terrain, - Leïla et Oriane ont découvert l’Algérie grâce à lui, pour la petite histoire - ce grand homme militant, de par son courage intellectuel et physique a visiblement donné beaucoup d’idées à ces deux demoiselles qui veulent donner un cachet militant à leur “futur” cinéma. Une production qui s’appuie sur une rigueur plastique, le caractère méthodique de réflexions et la liberté formelle des intervenants.

Pour son deuxième objectif, la présence de Vautier à Tizi- Ouzou a permis au nombreux public de “faire sa connaissance”, de “découvrir” le grand talent et surtout d’apprécier la dernière production d’Ahcène Osmani consacrée au “petit Breton à la caméra rouge”, qui a pour titre : René Vautier, l’homme de paix, un bel hommage de 133 mn “un peu trop sérieux”, selon ses propres dires. A travers des témoignages, des interviews et des extraits de film, Ahcène Osmani rend hommage à ce septuagénaire qui ne manque décidément pas de projets.

Lors de son tournage, alors que le court métrage est en phase de montage à Tizi-Ouzou, une nouvelle tombe tel un couperet. Le chantre de la chanson kabyle, Matoub Lounès, est assassiné. L’équipe décide alors de laisser en plan le film pour aller, caméra au poing, assister à l’enterrement de l’idole kabyle, chez lui à Taourirt-Moussa, et immortaliser pour l’histoire les évènements et la révolte kabyle, qui s’ensuivent. Le film s’achève alors sur l’image du chanteur militant, l’ami de toutes les luttes. Un film qui a reçu le prix de l’Unesco sur le thème de la tolérance.

René Vautier a 76 ans, il est né le 15 janvier 1928 dans le Finistère (en Bretagne), a toujours pris sa caméra pour témoigner aux côtés de ceux qui n’avaient pas la parole et le pouvoir. Il ne cessera, depuis qu’il s’est engagé dans le maquis à l’âge de 16 ans, caméra au poing, de lutter aux côtés des opprimés de la terre entière et ne manquera pas en tant que cinéaste, témoin les premières heures d’aucune des grandes luttes de la seconde moitié du XXe siècle, et tous les autres combats anticoloniaux, féministes, sociales... à titre de réalisateur, il a participé à plus de 180 films. Parmi ceux qui restent visibles à ce jour, ses courts métrages prouvent l’ampleur de son savoir-faire stylistique. On en cite La folle de Toujane, Classe de lutte, Avoir 20 ans dans les Aurès, J’ai huit ans, La caravelle...

S’il s’est exprimé sur les luttes sociales en France, la condition féminine ou sur le contient africain, René Vautier est surtout connu aussi pour son engagement contre les exactions de l’armée française durant la Révolution algérienne. Avoir 20 ans dans les Aurèsconstitue l’un des chefs-d’œuvre majeurs du cinéaste “rebelle et prolifique”.

J. L. Hassani, Le Soir d’Algérie