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Sony lance sa bombe MP3 à retardement

samedi 16 avril 2005, par nassim

Battue sur son terrain par le baladeur d’Apple, Sony s’apprête à riposter.

L’aveu est sans appel. « Sony a raté la révolution du MP3 et des baladeurs numériques. »

Lecteur MP3 de Sony

Il émane de Chris Deering, le patron européen de la marque symbole de l’électronique japonaise, qui avait convoqué près de 500 journalistes du Vieux Continent, cette semaine à Bordeaux, pour un grand raout afin de les mettre au parfum de la massive contre-attaque musicale que s’apprête à lancer l’entreprise. Une riposte à base d’ingrédients déjà éprouvés par d’autres avec une gamme de produits renouvelée et élargie, des services pour gérer sa musique et la consommer en ligne. Le tout arrosé d’une puissante dose de marketing puisque Sony a annoncé un investissement publicitaire global d’un milliard d’euros sur les trois prochaines années pour la seule Europe.

L’inventeur du disque laser et du walkman, écoulé à 340 millions d’exemplaires depuis son lancement en 1979, vit très mal d’avoir été devancé par un simple fabricant d’ordinateurs, parfait novice dans le secteur lorsqu’il lance, fin 2001, un objet non identifié baptisé iPod. Une sorte d’humiliation à l’heure où l’intrus Apple vient d’annoncer un nouveau record de ventes pour son produit phare, avec 5,31 millions d’iPod achetés dans le monde lors du dernier trimestre. et qui appelle une revanche. « Encore moins qu’ailleurs, nous n’aimons être battus dans la musique, a reconnu Chris Deering, et nous sommes décidés à retrouver la place qui était la nôtre, la première ».

Ogre du numérique. Si la musique ne pèse que 16 % des revenus dans les innombrables activités de cet ogre des loisirs numériques, elle reste ce qui l’a fait connaître hors du Japon. Sa première marque de fabrique. Et lorsque le MP3 s’est imposé à la fin des années 90 comme le nouveau format universel de la musique dématérialisée, Sony n’a pas suivi le mouvement. Au contraire. Présente dans l’industrie du disque à travers sa major Sony Music ­ fusionnée avec l’allemand BMG en 2004 ­, arc-boutée sur son minidisc enregistreur qui cartonne au Japon mais peine à s’imposer dans le reste du monde, Sony ne jure que par ses technologies maison. Persuadée que sa puissance commerciale finira par imposer son propre format de compression musical Atrac comme le standard du marché. « Ce qui était une force pour Sony, sa présence à la fois dans l’industrie des contenants et celle des contenus, est devenue une faiblesse, juge un cadre de l’industrie. Inonder le marché de lecteurs MP3 n’a jamais été un problème pour un fabricant de matériel comme Samsung alors que chez Sony, il fallait convaincre les lointains collègues du disque. » Un contre-modèle de la synergie habituellement vantée.

Du coup, Sony se coupe totalement de l’accès à l’un des marchés majeurs du nouvel eldorado numérique et laisse d’autres constructeurs, plus innovants et moins frileux, s’imposer. Laminée par le succès de l’iPod, bousculée par de nouveaux concurrents comme iRiver ou Creative Labs, il faudra attendre la fin 2004 pour que la marque révise sa stratégie et ouvre enfin sa porte au honni MP3.

En quelques mois, Sony sort neuf baladeurs numériques. Il investit les deux marchés en plein boom estimés à 18 millions de pièces, selon l’institut GFK pour l’Europe en 2005 : les produits de milieu de gamme à petite mémoire flash, éparpillés en une centaine de fabricants, et les baladeurs à disques durs, comme le nouveau HD5 attendu en France en mai et d’une capacité de stockage de plusieurs milliers de morceaux. Avec ces produits, « on n’a pas encore trouvé la solution pour ringardiser l’iPod », reconnaît-on dans l’entreprise.

Secret total. Les employés escomptent pour la fin 2005 un « nouveau produit "iconique" comme le Walkman », pour l’instant entouré d’un secret total. En attendant, Sony a créé « Connect », une branche musicale unique, chargée de concevoir et de vendre les baladeurs, les logiciels comme le juke-box Sonic Stage ­ l’équivalent de l’iTunes d’Apple ­ et la vente de musique en ligne. Un chamboulement dans une société où il n’était pas rare de voir deux branches distinctes développer des produits quasi similaires sans se concerter. « On a retenu la leçon d’Apple, reconnaît Gregory Kukolj, responsable marketing pour l’Europe, qui consiste à lier des applications sur l’ordinateur à des usages mobiles, à la seule différence qu’une partie du catalogue de la boutique nous appartient ».

En matière de contenus, Sony milite en faveur d’un format plus ouvert pour « protéger » la musique vendue en ligne, en tentant d’associer Microsoft à sa démarche. Un allié rêvé pour contrer Apple.

Par Christophe ALIX, liberation.fr