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Tsunami : Le Japon dépense sans compter pour se protéger

mardi 28 décembre 2004, par Hassiba

Menacé par un Big One « inévitable », l’archipel construit des digues et mise sur la prévention.

Le Japon vit sur le qui-vive. D’après l’étude du Conseil de gestion des catastrophes naturelles, dévoilée mi-décembre, un Big One (mégaséisme) d’une magnitude 7 ou plus sur l’échelle de Richter pourrait frapper Tokyo d’ici 2035. Jugé « inéluctable », il tuerait 13 000 Tokyoïtes et détruirait 800 000 habitations. Mais dans un Japon cerclé de mers et d’océans, d’autres études sont bien plus inquiétantes. Elles prennent en compte les risques posés par les tsunamis, ces raz de marée déclenchés par une secousse sous-marine, aux effets parfois dévastateurs. Selon un groupe de sismologues du Kansaï, « un mégaséisme dans l’une des trois régions à risques du Japon tuerait 28 000 personnes, dont la moitié sous l’effet d’un tsunami. » Dans le cas d’un Big One qui frapperait la région du Kansaï, le professeur Yoshiaki Kawata (université de Kyoto) a calculé au gré d’une simulation qu’un tsunami majeur pourrait noyer le centre-ville d’Osaka sous 50 000 mètres cubes d’eau, causant « des dégâts jamais vus ».

Dans le Naufrage du Japon, roman paru en 1973, la romancière Sakyo Komatsu décrivait un Japon dévasté par une série de mégaséismes puis sombrant sous des « rouleaux de mer ». Prophétie ou excès de catastrophisme ? Toujours est-il que, depuis longtemps, le Japon dépense sans compter pour mieux prévenir les tsunamis. Premier rempart : les digues. Après 1945, et au fil des années 60 et 70, Tokyo a ordonné aux régions, priées de sacrifier l’esthétique des bords de mer, de bétonner leurs côtes. Résultat : l’archipel compte 9 000 kilomètres de digues et d’aménagements antitsunami. Est-ce assez ? Non. D’après une mission, fin 2003, du ministère nippon de l’Aménagement du territoire, « les digues ne sont pas assez hautes. » Pire, au moins 15 % d’entre elles ne résisteraient pas à un séisme ! L’étude conclut à l’urgence de les renforcer. Mais reconnaît qu’« un siècle de travaux n’en viendrait pas à bout. »

C’est pourquoi la prévention reste le meilleur rempart. Dans l’idéal, elle tient en trois points : information ultrarapide, automaticité de l’alerte et évacuation urgente des populations. En cas de tsunami, l’alerte est délivrée par l’Agence météorologique nippone (JMA), qui a habilement subdivisé le territoire nippon en dix-huit blocs gérés par six centres régionaux et reliés aux municipalités et secours (police, pompiers, hôpitaux, voire armée). Pour informer leur population, les municipalités, villes et villages isolés, sont toutes équipées de sirènes et de haut-parleurs. Radios et télévisions bouleversent leurs programmes. En première ligne, laNHK, radio et chaîne nationale de télévision, réagit à la seconde. Elle informe aussitôt la population et diffuse les instructions à suivre. Chaque 1er septembre, la Journée de prévention des catastrophes permet à la population et aux sauveteurs de faire des exercices de répétition générale.

Le Japon adapte son dispositif d’alerte en permanence. En 1995, le système national de détection automatique des tsunamis (76 centres d’observation côtiers) a été revu. Au printemps 2004, un système de détection testé avec succès depuis trois ans a été installé en mer, au large de Shikoku (sud de l’archipel). Mis au point par des ingénieurs de l’université de Tokyo et l’industriel Hitachi Zozen, il consiste en une sorte de bouée en fer embarquant des technologies reliées par satellite à un système GPS (global positioning system) dont les données peuvent être lues et analysées (presque) en temps réel. Plusieurs fois, ces bouées ont aidé à détecter des tsunamis, parfois avec un délai de quatre minutes. Quelques petites minutes qui, dimanche, auraient probablement aidé à sauver des milliers de vies.

Par Michel Temman, liberation.fr