Présidentielle algérienne sur fond de tension sociale exacerbée
Algérie . Craignant une forte abstention, le président Bouteflika, candidat à un troisième mandat, est parti en campagne avant l’heure, confronté d’abord à une situation socio-économique préoccupante.
Alger, envoyé spécial
Oran, Biskra, Blida, Sidi Bel Abbes, quatre villes visitées par le chef de l’État algérien, parti en trombe plus de deux semaines avant l’ouverture officielle de la campagne électorale, le 19 mars prochain. Avertis par les faibles taux de participation des scrutins législatifs et locaux (65 % d’abstentions), Abdelaziz Bouteflika, qui brigue un troisième mandat, multiplie les effets d’annonce : à Oran, il a annoncé un plan de développement de 150 milliards de dollars pour les cinq ans à venir, la création d’un million d’emplois et de trois millions de logements ; à Biskra, il a décidé d’annuler les dettes des agriculteurs (4 milliards d’euros) ; à Sidi Bel Abbes, le doublement des bourses pour les étudiants…
Durant sa visite des régions, il a inauguré des projets de logements, de barrages, visité des chantiers, posé la première pierre de projets immobiliers, touristiques, universitaires et industriels ambitieux… À chacune de ses visites, militants des partis qui le soutiennent dont le FLN, fonctionnaires, lycéens et écoliers sont mobilisés, ramenés par bus, afin de faire le nombre sur l’artère empruntée par le cortège présidentiel, et donner ainsi l’image d’un chef d’État populaire. Ce dernier, qui n’est pas dupe de ces mises en scène (dans un passé récent il les avait dénoncées), se prête au jeu et prend des bains de foule qui n’ont rien de spontané ! Le tout retransmis par la télévision algérienne.
risque d’une abstention massive
« Votez en toute liberté », lançait le président candidat le 25 février à Oran. « Si vous ne m’aimez pas, je vous demande de voter contre moi. Mais votez », ajoutait-il ! C’est dire combien le risque d’une abstention massive, que d’aucuns ont qualifié de « seul adversaire » du président candidat », et les appels au boycott de l’opposition démocratique mais aussi islamiste sont pris au sérieux. Pour ce faire, des spots télévisés, y compris pour les malentendants, sont régulièrement diffusés, les mosquées sont mises à contribution (les imams consacrent un sermon spécial au vote), les enseignants du secondaire ne sont pas en reste puisqu’il leur a été demandé d’inclure dans leurs cours des leçons consacrées au scrutin et au rôle des institutions élues. Syndicats et organisation de masse proches du FLN et du RND (Rassemblement national démocratique) du premier ministre Ahmed Ouyahia doivent s’investir plus que de coutume, jusqu’à faire du porte-à-porte dans certaines régions du pays.
l’importation menace les emplois
Pendant ce temps, ses cinq poursuivants, dont la porte-parole du Parti des travailleurs (trotskiste), Louisa Hanoune, que les Algériens ont surnommé les sanafirs (schtroumpfs), devront attendre. Hormis la candidate de l’extrême gauche, les autres ne sont pas connus du grand public. Certains, comme Djahid Younsi, candidat d’une petite formation islamiste, s’est tout de même risqué à dénoncer, via la presse, l’usage des moyens de l’État par le président sortant. Les autres, comme Moussa Touati, du FNA (Front national algérien, nationaliste), se défendent d’être des « lièvres ». « Nous sommes plutôt des chasseurs », a-t-il rétorqué, promettant de créer « la surprise » !
En fait, la situation socio-économique est préoccupante et explique le peu d’engouement populaire pour cette élection. La pauvreté, qui touche 20 % de la population, n’a pas reculé. Et pour cause, la cagnotte du pétrole a plus permis le développement des sociétés d’import (plus de 40 milliards de dollars d’importation à fin 2008) que la création d’emplois durables. Des importations qui menacent l’emploi de dizaines de PME et de dizaines de milliers de salariés, notamment dans l’industrie agroalimentaire. Le chômage reste élevé : le taux officiel de 11 %, mis en cause à la fois par des économistes algériens mais aussi par la Banque mondiale, serait supérieur à 15 %.
la carte de la moralité religieuse
Les mouvements sociaux contre la vie chère, contre les compressions d’effectifs de Mital Algérie connaissent une certaine ampleur. Au mépris de leur vie, de plus en plus de jeunes tentent de gagner l’Espagne et l’Italie sur des embarcations de fortune : plusieurs centaines de corps ont été repêchés par les marines algérienne et espagnole. En Espagne, la décision des autorités espagnoles d’incinérer les corps de jeunes noyés algériens a provoqué un choc en Algérie, contraignant les autorités à envoyer une mission afin de les identifier (ADN) et de les ramener au pays ! En plus du terrorisme, le banditisme et la délinquance prennent des proportions inquiétantes.
Les stades de football sont devenus des lieux d’extrême violence, le rapt d’enfants, d’entrepreneurs, contre rançon, dont la presse se fait régulièrement l’écho, inquiètent de plus en plus la population. La prostitution n’est pas en reste. Qu’à cela ne tienne, les autorités, qui jouent la carte de la moralité religieuse afin de s’attirer la sympathie des islamistes, ont trouvé la parade : la fermeture de plus d’un millier de bars et de débits de boissons alcoolisées. « Une diversion de plus au lieu de régler les problèmes sociaux », confie le propriétaire d’un bar sur la côte algéroise.
Hassane Zerrouky ( l'Humanité)
Algérie . Craignant une forte abstention, le président Bouteflika, candidat à un troisième mandat, est parti en campagne avant l’heure, confronté d’abord à une situation socio-économique préoccupante.
Alger, envoyé spécial
Oran, Biskra, Blida, Sidi Bel Abbes, quatre villes visitées par le chef de l’État algérien, parti en trombe plus de deux semaines avant l’ouverture officielle de la campagne électorale, le 19 mars prochain. Avertis par les faibles taux de participation des scrutins législatifs et locaux (65 % d’abstentions), Abdelaziz Bouteflika, qui brigue un troisième mandat, multiplie les effets d’annonce : à Oran, il a annoncé un plan de développement de 150 milliards de dollars pour les cinq ans à venir, la création d’un million d’emplois et de trois millions de logements ; à Biskra, il a décidé d’annuler les dettes des agriculteurs (4 milliards d’euros) ; à Sidi Bel Abbes, le doublement des bourses pour les étudiants…
Durant sa visite des régions, il a inauguré des projets de logements, de barrages, visité des chantiers, posé la première pierre de projets immobiliers, touristiques, universitaires et industriels ambitieux… À chacune de ses visites, militants des partis qui le soutiennent dont le FLN, fonctionnaires, lycéens et écoliers sont mobilisés, ramenés par bus, afin de faire le nombre sur l’artère empruntée par le cortège présidentiel, et donner ainsi l’image d’un chef d’État populaire. Ce dernier, qui n’est pas dupe de ces mises en scène (dans un passé récent il les avait dénoncées), se prête au jeu et prend des bains de foule qui n’ont rien de spontané ! Le tout retransmis par la télévision algérienne.
risque d’une abstention massive
« Votez en toute liberté », lançait le président candidat le 25 février à Oran. « Si vous ne m’aimez pas, je vous demande de voter contre moi. Mais votez », ajoutait-il ! C’est dire combien le risque d’une abstention massive, que d’aucuns ont qualifié de « seul adversaire » du président candidat », et les appels au boycott de l’opposition démocratique mais aussi islamiste sont pris au sérieux. Pour ce faire, des spots télévisés, y compris pour les malentendants, sont régulièrement diffusés, les mosquées sont mises à contribution (les imams consacrent un sermon spécial au vote), les enseignants du secondaire ne sont pas en reste puisqu’il leur a été demandé d’inclure dans leurs cours des leçons consacrées au scrutin et au rôle des institutions élues. Syndicats et organisation de masse proches du FLN et du RND (Rassemblement national démocratique) du premier ministre Ahmed Ouyahia doivent s’investir plus que de coutume, jusqu’à faire du porte-à-porte dans certaines régions du pays.
l’importation menace les emplois
Pendant ce temps, ses cinq poursuivants, dont la porte-parole du Parti des travailleurs (trotskiste), Louisa Hanoune, que les Algériens ont surnommé les sanafirs (schtroumpfs), devront attendre. Hormis la candidate de l’extrême gauche, les autres ne sont pas connus du grand public. Certains, comme Djahid Younsi, candidat d’une petite formation islamiste, s’est tout de même risqué à dénoncer, via la presse, l’usage des moyens de l’État par le président sortant. Les autres, comme Moussa Touati, du FNA (Front national algérien, nationaliste), se défendent d’être des « lièvres ». « Nous sommes plutôt des chasseurs », a-t-il rétorqué, promettant de créer « la surprise » !
En fait, la situation socio-économique est préoccupante et explique le peu d’engouement populaire pour cette élection. La pauvreté, qui touche 20 % de la population, n’a pas reculé. Et pour cause, la cagnotte du pétrole a plus permis le développement des sociétés d’import (plus de 40 milliards de dollars d’importation à fin 2008) que la création d’emplois durables. Des importations qui menacent l’emploi de dizaines de PME et de dizaines de milliers de salariés, notamment dans l’industrie agroalimentaire. Le chômage reste élevé : le taux officiel de 11 %, mis en cause à la fois par des économistes algériens mais aussi par la Banque mondiale, serait supérieur à 15 %.
la carte de la moralité religieuse
Les mouvements sociaux contre la vie chère, contre les compressions d’effectifs de Mital Algérie connaissent une certaine ampleur. Au mépris de leur vie, de plus en plus de jeunes tentent de gagner l’Espagne et l’Italie sur des embarcations de fortune : plusieurs centaines de corps ont été repêchés par les marines algérienne et espagnole. En Espagne, la décision des autorités espagnoles d’incinérer les corps de jeunes noyés algériens a provoqué un choc en Algérie, contraignant les autorités à envoyer une mission afin de les identifier (ADN) et de les ramener au pays ! En plus du terrorisme, le banditisme et la délinquance prennent des proportions inquiétantes.
Les stades de football sont devenus des lieux d’extrême violence, le rapt d’enfants, d’entrepreneurs, contre rançon, dont la presse se fait régulièrement l’écho, inquiètent de plus en plus la population. La prostitution n’est pas en reste. Qu’à cela ne tienne, les autorités, qui jouent la carte de la moralité religieuse afin de s’attirer la sympathie des islamistes, ont trouvé la parade : la fermeture de plus d’un millier de bars et de débits de boissons alcoolisées. « Une diversion de plus au lieu de régler les problèmes sociaux », confie le propriétaire d’un bar sur la côte algéroise.
Hassane Zerrouky ( l'Humanité)
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