Depuis que la Russie n’a pas hésité à fermer le robinet du gaz dans ses relations avec ses voisins immédiats, les dirigeants européens se sont empressés de s’assurer la «coopération énergétique» de l’Algérie qui fournit 1/3 du gaz de l’Union européenne, et prévoit de doubler ses livraisons d’ici 2009.
Quand il s’agit de défendre leurs intérêts stratégiques, les dirigeants européens savent mettre de côté l’UE pour venir séparément négocier un «partenariat bilatéral», afin que l’Algérie devienne «un appui indispensable à leur sécurité d’approvisionnement énergétique». Comment ne pas relever la dichotomie diplomatique européenne ? Les Algériens ont tout intérêt à regarder d’un autre oeil cette panique européenne et cette nouvelle confrontation d’intérêts continentaux.
Après le virage opéré par le système politique avec l’arrivée de Bouteflika au pouvoir, beaucoup de choses ont changé. La réconciliation avec les islamistes insurrectionnels du FIS a été scellée et la situation financière du pays est passée du rouge au vert foncé. En l’espace de six ans, 2000-2006, l’Algérie a encaissé 200 milliards de dollars de recettes pétrolières. Le revenu nominal par habitant a doublé de 1.600 $ à plus de 3.000 $. La dette extérieure est tombée de 30 à moins de 5 milliards de $. Les réserves de change sont passées de 4 à 80 milliards de $, dont on ne sait plus quoi faire. Ces chiffres reflètent une nouvelle position de force inimaginable il y a dix ans, lorsque l’Europe mettait l’Algérie sous embargo dans sa crise politico-terroriste et financière.
Avec une telle aisance, l’Algérie n’a aucune raison de se presser à satisfaire les besoins gaziers de l’UE, sans mettre sur la table des négociations d’autres éléments de partenariat, pour lesquels les Européens ont toujours fait la sourde oreille.
L’Algérie sous-traitant gazier
Le président russe Vladimir Poutine a subitement poussé l’Europe à s’interroger sur son avenir énergétique et sur les capacités de la Russie à répondre à ses besoins en hydrocarbures. L’UE craint aussi la création d’un cartel du gaz sur le modèle de l’OPEP, mené par le tandem Russie-Algérie. D’ici à 2030, l’UE importera 70% des hydrocarbures qu’elle consomme, tandis que vers 2020 elle aura besoin d’acheter tous les ans 200 millions de tonnes de gaz naturel équivalent pétrole, dont seulement le quart sera fourni par la Russie, sachant que le gaz sera bientôt la 1ère source d’énergie en Europe.
Malgré cette dépendance flagrante, les dirigeants européens continuent à tenir vis-à-vis d’Alger un discours d’arrogance néocoloniale. La perle revient au Chef du gouvernement espagnol pour qui l’Algérie et l’Espagne «partagent une géographie voisine et ont de grands intérêts communs dans les relations économiques bilatérales et spécialement dans le domaine de l’énergie, surtout dans le gaz». Selon la presse espagnole, Zapatero s’est déplacé à Alger avec deux objectifs principaux: «freiner la voie algérienne d’immigration clandestine et renforcer le partenariat énergétique avec l’Algérie», sans oublier la lutte contre le terrorisme et le crime organisé. Pourtant l’Algérie, qui fournit à l’Espagne plus de 60% de sa consommation de gaz, aimerait entendre un autre discours.
Le président Bouteflika a bien signifié à Zapatero que «l’Espagne ne peut pas rester indifférente au sort actuel du peuple sahraoui que vous avez colonisé de 1885 à 1975", en souhaitant «que l’Espagne s’engage de manière plus résolue à amener le Royaume du Maroc et le Front Polisario à accepter de mettre au point les modalités du référendum d’autodétermination». De même que pour l’Algérie, il est «urgent de traiter les questions migratoires dans une approche globale, équilibrée et intégrée, prenant en considération le lien entre migration et développement». Et de rappeler le processus de Barcelone, lancé en 1995 par les 25 pays membres de l’UE et dix pays du sud de la Méditerranée afin de créer une zone de libre-échange euro-méditerranéenne d’ici 2010. En cette fin d’année 2006, on en est très loin.
Cela fait bien longtemps que les «technocrates européens» ont usé plus d’un diplomate algérien. Quel que soit le sujet de discussion, les négociateurs algériens ont toujours été noyés par leurs homologues européens dans des balivernes du genre: «calendrier d’évaluation de l’agenda des étapes par les structures appropriées, le conseil d’association ministériel, le comité d’association des fonctionnaires et des sous-comités d’association, etc.», et qu’ensuite «on attend la réponse de ces autorités» pour donner à l’Algérie «la place qui lui revient dans un cadre rénové et équilibré». Et si on utilisait les mêmes procédés avant de signer tout nouveau contrat gazier ?
De la libre circulation des personnes
Le citoyen algérien impute à ses seuls dirigeants un certain statu quo, voire un immobilisme économique et social sans perspectives. Mais on oublie que l’Algérie vit en quasi-autarcie dans un monde qui chante la mondialisation. Les blocages psychologiques sont dus aux obstacles à la libre circulation des personnes. Devant la revendication algérienne d’allègement des procédures d’octroi des visas, l’UE vient de donner une réponse «policière», en réfléchissant à une nouvelle restriction qui vise à centraliser les demandes entre les mains d’un «seul et unique fonctionnaire européen», pour mieux les contrôler et éviter l’envoi de plusieurs demandes à plusieurs ambassades. Le nouvel ambassadeur français a plaidé pour «une politique positive dans l’octroi de visa d’entrée en Algérie ou, à défaut, des délais de réponse plus courts en cas de refus... pour les investisseurs français qui, souvent, ne peuvent obtenir de visa à entrées multiples. Cette situation ne plaide pas en faveur de la circulation des investisseurs et est donc un frein à l’investissement direct étranger (IDE) en Algérie». Comme si les Maghrébins étaient incapables de réaliser des IDE, alors que leur dynamisme créatif dans le commerce et la PME n’est plus à démontrer en Europe.
Quand on connaît le nombre d’années et d’argent que perdent des Algériens à tenter d’obtenir un hypothétique visa, c’est autant de temps de perdu pour l’économie nationale. Sans compter que pour beaucoup, obtenir un visa, c’est un aller sans retour, en d’autres termes la fuite des cerveaux et des forces vives du pays.
Le gouvernement algérien en a plus que marre de voir cette humiliation quotidienne des Algériens faisant des chaînes interminables devant les consulats européens, et ces milliers de harraga (émigrants clandestins) se jeter à la mer dans des barques de fortune pour joindre les rivages européens. Les gardes-côtes algériens ont rapatrié 4.600 harraga en 2006, des dizaines de corps ont été charriés par les flots, sans qu’on sache combien de jeunes ont été engloutis par la mer. Comme l’a si bien dit un harrag à un journaliste: «Nous achetons la mort avec notre propre argent». La dernière bouteille à la mer jetée par un harrag noyé a ému tout le pays.
L’intransigeance européenne est la cause de ces drames humains de l’exil sans retour et des «candidats à la noyade». Il faut vite y mettre un terme en respectant un des droits fondamentaux de l’homme, sa libre circulation. L’UE, qui est très exigeante sur les droits de l’homme européen, ferme trop les yeux sur les droits de l’homme maghrébin.
Le Sahara Occidental bloque l’UMA
Pourquoi les Européens, si fiers de leur Union, mettent-ils tant de zèle à séparer les pays du Maghreb. Pourquoi négocier séparément leurs fameux «accords d’association»? Pourquoi n’y a-t-il jamais de négociations UMA-UE ? Depuis sa création à Zéralda en 1988, l’Union du Maghreb Arabe est restée une coquille vide. Le commerce au sein de l’UMA ne représente que 2% des échanges des pays de la région en 2006, selon le dernier rapport du FMI, pour un marché de 80 millions d’habitants. Tout le monde sait que l’UMA a été congelée dès sa naissance par le problème du Sahara Occidental.
Une nouvelle résolution vient de réaffirmer la «responsabilité de l’ONU vis-à-vis du Sahara Occidental» et souligner que «l’absence de progrès dans le règlement du différend sur la question continue de provoquer des souffrances pour le peuple du Sahara Occidental et demeure une source d’instabilité potentielle et fait obstacle au développement économique du Maghreb». On ne peut être plus clair. Pourtant, les Européens continuent à tergiverser en venant à Alger dire ce que l’on veut entendre, pour aller ensuite au Maroc dire le contraire. Qu’attend donc l’UE pour accélérer la résolution de cette crise ? Justement rien. Ou plutôt si, elle encourage le roi Mohammed VI à s’entêter dans son refus du référendum.
Depuis la terrible décision de fermeture des frontières terrestres entre l’Algérie et le Maroc, un blocus est imposé aux populations maghrébines, qui a poussé des milliers de frontaliers à sombrer dans la délinquance de la contrebande. La gangrène du trafic de drogue et des armes a même atteint les corps constitués et de hauts gradés marocains et algériens. Alors que toutes les conditions de prospérité économique sont réunies. Il suffit de régler définitivement ce conflit.
Quand il s’agit de défendre leurs intérêts stratégiques, les dirigeants européens savent mettre de côté l’UE pour venir séparément négocier un «partenariat bilatéral», afin que l’Algérie devienne «un appui indispensable à leur sécurité d’approvisionnement énergétique». Comment ne pas relever la dichotomie diplomatique européenne ? Les Algériens ont tout intérêt à regarder d’un autre oeil cette panique européenne et cette nouvelle confrontation d’intérêts continentaux.
Après le virage opéré par le système politique avec l’arrivée de Bouteflika au pouvoir, beaucoup de choses ont changé. La réconciliation avec les islamistes insurrectionnels du FIS a été scellée et la situation financière du pays est passée du rouge au vert foncé. En l’espace de six ans, 2000-2006, l’Algérie a encaissé 200 milliards de dollars de recettes pétrolières. Le revenu nominal par habitant a doublé de 1.600 $ à plus de 3.000 $. La dette extérieure est tombée de 30 à moins de 5 milliards de $. Les réserves de change sont passées de 4 à 80 milliards de $, dont on ne sait plus quoi faire. Ces chiffres reflètent une nouvelle position de force inimaginable il y a dix ans, lorsque l’Europe mettait l’Algérie sous embargo dans sa crise politico-terroriste et financière.
Avec une telle aisance, l’Algérie n’a aucune raison de se presser à satisfaire les besoins gaziers de l’UE, sans mettre sur la table des négociations d’autres éléments de partenariat, pour lesquels les Européens ont toujours fait la sourde oreille.
L’Algérie sous-traitant gazier
Le président russe Vladimir Poutine a subitement poussé l’Europe à s’interroger sur son avenir énergétique et sur les capacités de la Russie à répondre à ses besoins en hydrocarbures. L’UE craint aussi la création d’un cartel du gaz sur le modèle de l’OPEP, mené par le tandem Russie-Algérie. D’ici à 2030, l’UE importera 70% des hydrocarbures qu’elle consomme, tandis que vers 2020 elle aura besoin d’acheter tous les ans 200 millions de tonnes de gaz naturel équivalent pétrole, dont seulement le quart sera fourni par la Russie, sachant que le gaz sera bientôt la 1ère source d’énergie en Europe.
Malgré cette dépendance flagrante, les dirigeants européens continuent à tenir vis-à-vis d’Alger un discours d’arrogance néocoloniale. La perle revient au Chef du gouvernement espagnol pour qui l’Algérie et l’Espagne «partagent une géographie voisine et ont de grands intérêts communs dans les relations économiques bilatérales et spécialement dans le domaine de l’énergie, surtout dans le gaz». Selon la presse espagnole, Zapatero s’est déplacé à Alger avec deux objectifs principaux: «freiner la voie algérienne d’immigration clandestine et renforcer le partenariat énergétique avec l’Algérie», sans oublier la lutte contre le terrorisme et le crime organisé. Pourtant l’Algérie, qui fournit à l’Espagne plus de 60% de sa consommation de gaz, aimerait entendre un autre discours.
Le président Bouteflika a bien signifié à Zapatero que «l’Espagne ne peut pas rester indifférente au sort actuel du peuple sahraoui que vous avez colonisé de 1885 à 1975", en souhaitant «que l’Espagne s’engage de manière plus résolue à amener le Royaume du Maroc et le Front Polisario à accepter de mettre au point les modalités du référendum d’autodétermination». De même que pour l’Algérie, il est «urgent de traiter les questions migratoires dans une approche globale, équilibrée et intégrée, prenant en considération le lien entre migration et développement». Et de rappeler le processus de Barcelone, lancé en 1995 par les 25 pays membres de l’UE et dix pays du sud de la Méditerranée afin de créer une zone de libre-échange euro-méditerranéenne d’ici 2010. En cette fin d’année 2006, on en est très loin.
Cela fait bien longtemps que les «technocrates européens» ont usé plus d’un diplomate algérien. Quel que soit le sujet de discussion, les négociateurs algériens ont toujours été noyés par leurs homologues européens dans des balivernes du genre: «calendrier d’évaluation de l’agenda des étapes par les structures appropriées, le conseil d’association ministériel, le comité d’association des fonctionnaires et des sous-comités d’association, etc.», et qu’ensuite «on attend la réponse de ces autorités» pour donner à l’Algérie «la place qui lui revient dans un cadre rénové et équilibré». Et si on utilisait les mêmes procédés avant de signer tout nouveau contrat gazier ?
De la libre circulation des personnes
Le citoyen algérien impute à ses seuls dirigeants un certain statu quo, voire un immobilisme économique et social sans perspectives. Mais on oublie que l’Algérie vit en quasi-autarcie dans un monde qui chante la mondialisation. Les blocages psychologiques sont dus aux obstacles à la libre circulation des personnes. Devant la revendication algérienne d’allègement des procédures d’octroi des visas, l’UE vient de donner une réponse «policière», en réfléchissant à une nouvelle restriction qui vise à centraliser les demandes entre les mains d’un «seul et unique fonctionnaire européen», pour mieux les contrôler et éviter l’envoi de plusieurs demandes à plusieurs ambassades. Le nouvel ambassadeur français a plaidé pour «une politique positive dans l’octroi de visa d’entrée en Algérie ou, à défaut, des délais de réponse plus courts en cas de refus... pour les investisseurs français qui, souvent, ne peuvent obtenir de visa à entrées multiples. Cette situation ne plaide pas en faveur de la circulation des investisseurs et est donc un frein à l’investissement direct étranger (IDE) en Algérie». Comme si les Maghrébins étaient incapables de réaliser des IDE, alors que leur dynamisme créatif dans le commerce et la PME n’est plus à démontrer en Europe.
Quand on connaît le nombre d’années et d’argent que perdent des Algériens à tenter d’obtenir un hypothétique visa, c’est autant de temps de perdu pour l’économie nationale. Sans compter que pour beaucoup, obtenir un visa, c’est un aller sans retour, en d’autres termes la fuite des cerveaux et des forces vives du pays.
Le gouvernement algérien en a plus que marre de voir cette humiliation quotidienne des Algériens faisant des chaînes interminables devant les consulats européens, et ces milliers de harraga (émigrants clandestins) se jeter à la mer dans des barques de fortune pour joindre les rivages européens. Les gardes-côtes algériens ont rapatrié 4.600 harraga en 2006, des dizaines de corps ont été charriés par les flots, sans qu’on sache combien de jeunes ont été engloutis par la mer. Comme l’a si bien dit un harrag à un journaliste: «Nous achetons la mort avec notre propre argent». La dernière bouteille à la mer jetée par un harrag noyé a ému tout le pays.
L’intransigeance européenne est la cause de ces drames humains de l’exil sans retour et des «candidats à la noyade». Il faut vite y mettre un terme en respectant un des droits fondamentaux de l’homme, sa libre circulation. L’UE, qui est très exigeante sur les droits de l’homme européen, ferme trop les yeux sur les droits de l’homme maghrébin.
Le Sahara Occidental bloque l’UMA
Pourquoi les Européens, si fiers de leur Union, mettent-ils tant de zèle à séparer les pays du Maghreb. Pourquoi négocier séparément leurs fameux «accords d’association»? Pourquoi n’y a-t-il jamais de négociations UMA-UE ? Depuis sa création à Zéralda en 1988, l’Union du Maghreb Arabe est restée une coquille vide. Le commerce au sein de l’UMA ne représente que 2% des échanges des pays de la région en 2006, selon le dernier rapport du FMI, pour un marché de 80 millions d’habitants. Tout le monde sait que l’UMA a été congelée dès sa naissance par le problème du Sahara Occidental.
Une nouvelle résolution vient de réaffirmer la «responsabilité de l’ONU vis-à-vis du Sahara Occidental» et souligner que «l’absence de progrès dans le règlement du différend sur la question continue de provoquer des souffrances pour le peuple du Sahara Occidental et demeure une source d’instabilité potentielle et fait obstacle au développement économique du Maghreb». On ne peut être plus clair. Pourtant, les Européens continuent à tergiverser en venant à Alger dire ce que l’on veut entendre, pour aller ensuite au Maroc dire le contraire. Qu’attend donc l’UE pour accélérer la résolution de cette crise ? Justement rien. Ou plutôt si, elle encourage le roi Mohammed VI à s’entêter dans son refus du référendum.
Depuis la terrible décision de fermeture des frontières terrestres entre l’Algérie et le Maroc, un blocus est imposé aux populations maghrébines, qui a poussé des milliers de frontaliers à sombrer dans la délinquance de la contrebande. La gangrène du trafic de drogue et des armes a même atteint les corps constitués et de hauts gradés marocains et algériens. Alors que toutes les conditions de prospérité économique sont réunies. Il suffit de régler définitivement ce conflit.
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