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Airbus, gros porteur d’Europe

jeudi 28 avril 2005, par nassim

Euphorie, hier, à l’aéroport de Blagnac et dans la ville de Toulouse, pour le premier vol d’essai de l’Airbus A380, le plus gros avion de ligne du monde.

Ils étaient des milliers le long de la piste 32 à Blagnac et sur la place du Capitole à Toulouse pour applaudir au décollage,

L’Airbus A380 réussi son vol d’essai.

sur écran géant et sous le soleil, de l’A380. A 10 h 29, heure de l’envol, les badauds poussent des « Oooh ! » comme au spectacle. Le président d’Airbus, Noël Forgeard, s’empresse de noter que son avion « est extrêmement silencieux ». Des ballons partent aussitôt vers le ciel. « Nous sommes venues assister à ce grand pas de la technologie de pointe, s’amusent trois institutrices ariégeoises devant l’hôtel de ville. Et pour faire aussi un peu de shopping pendant les vacances... » Pendant que les pilotes d’essai assurent, très tranquillement, que tout est « absolument parfait » lors de leur première communication avec le sol, la ville fête l’événement avec des ballons multicolores et dans des rires, comme un grand jour de foire.

Enigmatique. Claude, retraité de l’Aérospatiale, souhaite « bon vent » à l’avion dans le message accroché au ballon qu’il s’apprête à lâcher. Emma, en vacances à Toulouse chez sa grand-mère, précise sur le sien avoir « 5 ans » et être « venue de l’Isère ». Le papa gabonais d’Ayandji est sur la place du Capitole pour que sa toute jeune fille assiste à « cet événement unique ». Lui-même, préparateur de boxe thaïlandaise, dit toute sa « fierté de Toulousain » de voir décoller l’A380. Plus loin, Alixe, la Camerounaise, est radieuse. Elle voulait « que [son] fils voit ça ». Lucien a accroché un petit « Bravo Alain ! » à son ballon, clin d’oeil à un ami qui a travaillé sur l’appareil. Bedra ajoute au sien qu’elle est « fière » de ses deux pays, « Toulouse et l’Algérie ». Sur son message, Christian, ingénieur dans la surveillance des satellites, qui signe Zarbi, laisse son numéro de téléphone avec l’énigmatique promesse d’un « voyage gratuit » pour qui l’appellera.

Il y a des fous d’avions et d’espace sur la place du Capitole, mais aussi tout ce monde, de tous âges et toutes nationalités, qui colore la ville, ses quartiers, son aéronautique et ses universités. Les ballons de la mairie sont imprimés d’un « Bravo Airbus, merci Toulouse ! ». Les communiqués du conseil régional envoient, eux, un « Merci à Airbus ».

Ballasts. L’A380 file maintenant au-dessus des plaines du Bordelais puis de l’Atlantique par un temps que les pilotes qualifient de « magnifique ». Les deux pilotes, le mécanicien et les trois ingénieurs de l’équipage y testent les volets (qui permettent d’accroître la portance de l’avion), la vitesse et les commandes de vol. L’équilibrage de l’appareil se mesure en jouant sur les tonnes d’eau des ballasts embarqués à bord. Les ordinateurs de contrôle donnent toute satisfaction aux ingénieurs du vol. Les badauds commencent à se disperser sur la place du Capitole.

C’est l’euphorie à l’aéroport de Blagnac, où le président d’Airbus et son staff comparent leur avion à un « gros bébé joufflu » dont les parents peuvent être fiers. A 14 h 22, quand l’appareil touche le sol après près de quatre heures de vol, il n’y a plus guère de spectateurs qu’autour des pistes. Jacques Chirac a déjà salué depuis l’Elysée « la réussite totale » de ce premier vol. Philippe Douste-Blazy, son ministre de la Santé et troisième adjoint de la ville de Toulouse, affirme que l’avion est « la meilleure réponse à ceux qui douteraient du caractère concret de l’Europe ». Diffusés autour de la place du Capitole, des tracts appellent opportunément à voter oui au référendum. Une dame, qui se dit « vraiment ravie » de ce qu’elle a vu, refuse le papier qu’on lui tend : « Pour moi, c’est non, insiste-t-elle. Et je ne veux pas confondre. » Son amie, elle, saisit le tract en souriant : « Pour moi, c’est oui. Mais ça n’a rien à voir avec l’A380 » (lire ci-dessous).

« Fleuron ». A Blagnac, les pilotes d’essais Jacques Rosay et Claude Lelaie font rouler le géant des airs vers les hangars de production d’Aéroconstellation. C’est là, devant plusieurs centaines de journalistes du monde entier, que Lelaie dit avoir « pris réellement conscience du potentiel de ce magnifique appareil ». Lequel se piloterait « comme un vélo ». Noël Forgeard adresse tous ses remerciements à l’équipe et à « tous ceux qui ont participé à la définition du fleuron du XXIe siècle, qui a désormais décollé ». Ce ne sont pas les annonces de Boeing, faites la veille, qui le feront descendre de son nuage (lire aussi page 4). « De toute façon, ce premier vol ne pouvait être qu’une réussite », se félicitent des étudiants. Avec Airbus, même les trains qui arrivent à l’heure sont à Toulouse une occasion de se réjouir. Ce matin, le chef de l’Etat devrait venir à Blagnac saluer le constructeur et ses personnels.

Par Gilbert LAVAL, liberation.fr