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Allemagne : l’étoile ternie de Joschka Fischer

mardi 26 avril 2005, par nassim

Le ministre Joschka Fischer a été entendu hier sur l’affaire des délivrances de visas d’entrée en Allemagne.

Joschka Fischer,

Joschka Fischer.

l’« ex-star » de la politique allemande, comme le surnomment déjà certains médias, s’est vigoureusement défendu hier pour sauver son avenir politique. Embourbé depuis quatre mois dans un scandale de délivrance de visas à l’ambassade de Kiev en Ukraine (lire ci-contre), le ministre vert des Affaires étrangères sait que l’avenir de son parti et de la coalition « rouge-verte » est en jeu. Lors d’une audition marathon de la commission d’enquête parlementaire, retransmise en direct pour la première fois dans l’histoire de l’Allemagne, il a fustigé l’« infâme » exploitation « politicienne » de cette affaire, dont il assume pourtant l’entière responsabilité.

Dommages. Si les experts se disputent depuis des mois sur la réalité des chiffres ­ « des millions », clamait l’opposition avant d’évoquer hier « des milliers » de visas délivrés ­, les dommages en termes d’image, eux, sont quantifiables. Longtemps sacré homme politique le plus populaire d’Allemagne, Fischer a vu sa cote de popularité chuter de 20 points pour atteindre 54 % selon un sondage publié cette semaine par l’hebdomadaire Der Spiegel. Affaiblie sur la scène nationale, la vedette du gouvernement Schröder est aussi contestée à l’intérieur de sa propre administration. Relativement loyaux jusqu’alors, certains fonctionnaires et même ambassadeurs, d’un autre bord politique, n’ont pas hésité à enfoncer publiquement leur ministre. Du jamais-vu dans l’histoire de l’Auswärtiges Amt, le Quai d’Orsay allemand.

L’affaiblissement de Fischer est également palpable au sein même de la coalition. « Ces derniers mois, le chancelier a réussi à lui faire avaler de nombreuses pilules qu’il n’aurait jamais laissées passer sans contreparties politiques avant ces déboires personnels », estime Gero Neugerbauer, professeur de sciences politiques à l’Université libre de Berlin.

L’affaire des visas a touché le parti écologiste en plein coeur. « Feu vert pour les trafiquants d’êtres humains », ironisait Der Spiegel sur sa couverture. Fischer lui-même n’a pas pris immédiatement la mesure des effets dévastateurs du scandale pour lui et son parti. Refusant de descendre de son piédestal, il a d’abord snobé ses détracteurs. Jusqu’à ce que la presse allemande, souvent malmenée par le ministre égotiste, ne se déchaîne. « Il suffit de voir son bureau pour comprendre à quel point son côté "moi le petit Joschka qui fréquente les grands de ce monde" est puéril », souligne une journaliste en sortant une énorme photo parue dans la Frankfurter Allgemeine Zeitung du 11 avril, où l’on voit la table du ministre couverte de cadeaux ramenés de ses divers voyages.

Colistier. Une certitude, le ministre est plus à l’aise sur les questions internationales qu’intérieures. A de nombreuses reprises, il avait déjà eu maille à partir avec le ministre de l’Intérieur, Otto Schily, pourtant lui aussi ex-soixante-huitard, au sujet de sa politique libérale des visas. « Son étoile a pris un choc, mais elle n’a pas encore chuté, estime pourtant son ami Daniel Cohn-Bendit. Quels sont les autres Verts dans le monde qui peuvent se vanter d’avoir une cote de popularité de 54 % ? Il n’est pas encore à zéro. » Fischer a le cuir épais. Il a déjà survécu au scandale qu’avait provoqué en 2001 la publication de ses photos de jeunesse, où on le voyait passer à tabac un policier à terre. Il devrait donc survivre à l’affaire des visas. Car, à moins que les Verts ne détrônent eux-mêmes celui qu’ils appellent « Dieu le père », personne n’imagine pour l’instant comment Schröder pourrait renoncer à son colistier. Joschka Fischer est encore le meilleur orateur de la nation.

Par Odile BENYAHIA-KOUIDER, liberation.fr