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Des sans-papiers évacués de la Bourse du travail de Paris

mardi 3 mai 2005, par nassim

Les douze sans-papiers grévistes de la faim ont été évacués, mardi 3 mai, d’une annexe de la Bourse du travail de Paris, où ils étaient réfugiés depuis le 19 avril.

"Les CRS ont bouclé le quartier mais les grévistes ont été sortis calmement" , indique Behija Benkouka, déléguée du 9e collectif, dont font partie les douze hommes. "C’est une évacuation sanitaire effectuée par l’équipe médicale des sapeurs-pompiers qui a jugé nécessaire l’hospitalisation des grévistes" , précise-t-on à la préfecture de police.

La veille, un médecin bénévole, présent dans les locaux, estimait que les douze sans-papiers étaient entrés "dans une phase où ils sont en danger" . "Ils arrivent à un seuil critique, au-delà duquel ils s’exposent à de graves complications, ajoutait-il. Certains ont du mal à se lever. Ils sont tous atteints dans leur chair. Je suis inquiet." Le 29 avril, un gréviste avait déjà été admis à l’hôpital.

Depuis le 17 mars, des sans-papiers d’origine algérienne, marocaine, tunisienne et malienne refusent de s’alimenter. Leur but ? "Obtenir la régularisation des sans-papiers du 9e collectif" , expliquait, faiblement mais fermement, Malik Ouali, lundi.

Les grévistes ne se sont, jusqu’à présent, nourris que d’eau salée et de thé sucré. "J’ai perdu 22 kilos en près de 50 jours" , constatait, lundi, Habib Boukraya, un Tunisien de 42 ans. "C’est un calvaire, je sens la vie quitter mon corps" , ajoutait M. Ouali.

Les grévistes n’en peuvent plus. Mais jusqu’à maintenant, ils ont résisté. "Je suis venu ici pour trouver le droit, la paix, la sécurité. Je fuyais le dénuement de l’Algérie. Après cinq ans de présence en France, je n’ai vu que des portes se fermer, des démarches échouer. J’étais enseignant, je me retrouve employé au noir dans le bâtiment. Et tout ça parce qu’il me manque un bout de papier" , soufflait Kamal Harrache, 38 ans.

Malgré leur diplôme, la plupart des grévistes se retrouvent, comme lui, ouvriers du bâtiment et ne bénéficient d’aucune protection sociale ni juridique. "Le patron ne paie pas toujours et il menace d’appeler la police si on réclame quelque chose" , dénonçait Habib Boukraya.

Malik Ouali est né dans les Ardennes belges. Il y est resté jusqu’à l’âge de 17 ans et les quitte pour suivre sa famille dans son pays d’origine, la Kabylie. En 2001, il a tenté sa chance en France : "Depuis, c’est la galère. On va d’hôtels sociaux en hôtels sociaux. On a perdu notre dignité. On rêve d’avoir notre appartement et payer nos impôts." Cet Algérien de 43 ans vit avec la hantise permanente de l’expulsion : "Quand je sors du travail, je crains toujours de me faire rafler, de ne plus revoir mes enfants. C’est pour eux que je me bats. Mon fils aîné sera bientôt majeur, donc expulsable..."

Le 29 avril, préoccupés par l’état de santé des grévistes, une demi-douzaine d’associations et de syndicats avaient demandé à être reçus en urgence par le ministre de l’intérieur, Dominique de Villepin. "On a été accueillis par les CRS" , s’insurge Bahija Benkouka.

La Ligue des droits de l’homme, qui faisait partie de la délégation, a dénoncé "l’attitude du ministre de l’intérieur" . Place Beauvau, on répond que le problème relève de la compétence de la préfecture de police. Laquelle déclare étudier les dossiers de régularisation au cas par cas.

Malgré leur fatigue et leur inquiétude, les douze grévistes se disaient, lundi, déterminés à aller jusqu’au bout. "Au bout de la vie ou de la mort, on ne sait pas, lâchait M. Ouali. On doit faire entendre notre cri de détresse."

Par Benoîte Jalet, lemonde.fr