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Exode au Togo

mardi 3 mai 2005, par nassim

Devant la grave crise que traverse le Togo, des milliers de réfugiés fuient le pays en direction du Bénin.

À la proclamation

Réfugiés fuyant le Togo en crise.

des résultats de l’élection présidentielle au Togo, une grenade lacrymogène a atterri dans la maison d’Adèle. Pour Adèle, trente-cinq ans, qui l’explique la voix cassée et tremblante, ce jour a été le plus grand « cauchemar de sa vie ». Des militaires ont pris position autour de sa maison et ont ouvert le feu. Elle n’a dû son salut qu’en se repliant dans sa chambre, sous le lit, avec ses deux enfants. Plusieurs témoignages sont aussi poignants que celui d’Adèle. Comme beaucoup d’autres, Adèle a attendu l’aube pour prendre la route de l’exode, à pied, en parcourant une vingtaine de kilomètres pour être en sécurité à Comé, localité voisine du Bénin. Ici, des milliers de ressortissants togolais comme elle ont fui, mardi, la ville côtière d’Aneho, à 45 kilomètres à l’est de Lomé, où il y a des affrontements meurtriers entre jeunes et forces de l’ordre - après que Faure Gnassingbé, un des fils du président défunt Eyadéma, eut été déclaré vainqueur de l’élection présidentielle, que l’opposition considère comme ayant été entachée de fraudes massives. « Tant que le fils Eyadéma sera au pouvoir, nous sommes considérés comme des opposants pestiférés. Nous sommes en danger, et on n’est pas près de rentrer chez nous », explique un jeune réfugié sous l’anonymat.

Aujourd’hui, Adèle et ses deux enfants vivent sous une tente de la ville de Comé, où le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a érigé un camp de fortune pour les accueillir. Mamadou Baldé, délégué du HCR de Comé, espère « ne pas vivre un exode massif », car il n’est pas préparé pour le gérer. Mais il y a déjà plus de 7 000 réfugiés, indique-t-on. Outre le HCR, plusieurs autres ONG les prennent aussi en charge. Philippe Anawani, en charge des réfugiés chez Caritas au Bénin, explique que la majorité d’entre eux sont des enfants, des femmes et des personnes âgées, dont la plupart sont des blessés par balle, qui ont été dirigés vers des centres hospitaliers.

Inquiet de l’évolution de la situation, l’opposition radicale togolaise a demandé à la communauté internationale de mettre en place un système de protection de la population de son pays. Cette inquiétude est perceptible aussi chez les voisins du Togo au sein de l’Union économique et monétaire ouest-africain (UEMOA, 8 pays). Beaucoup craignent que n’éclate une guerre civile, si l’on n’y prend pas garde. La démission, à deux jours du scrutin, de l’ex-ministre de l’Intérieur François Boko, pour demander le report des élections, laissait prévoir ce dérapage sanglant. D’où cette question : jusqu’où ira le Togo ? Quoi qu’il en soit, c’est de mauvais augure pour l’UEMOA, qui se débat déjà avec la Côte-d’Ivoire, qui a du mal à rebondir. Les opérateurs économiques de la zone, malgré le calme plutôt précaire, en sont à espérer que le port de Lomé ne subisse pas le même sort que celui d’Abidjan. L’intégration risque, dans ce cas-là, de voler en éclats. Trois des huit pays de la zone ne sont-ils pas enclavés ?

Par Serge-Henri Malet, humanite.presse.fr