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France : La discrimination raciale en cause dans 1/3 des dérapages policiers

lundi 18 avril 2005, par nassim

La discrimination raciale, en particulier contre les jeunes issus de l’immigration, est en cause dans un tiers des dérapages policiers en France durant l’année 2004, un phénomène qui a doublé depuis 2001, selon une étude publiée lundi par la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS).

Cette étude, réalisée pour la première fois par cette

La discrimination raciale est à l’origine du tiers des bavures policières en France.

commission indépendante à partir des affaires dont elle a été saisie, met en évidence une discrimination raciale dans 36 affaires sur 78 où il y a eu manquement à la déontologie par les forces de l’ordre sur la période 2001-2004. Une discrimination raciale a été relevée dans 15 dossiers sur 47 en 2004, soit un tiers des cas, contre une sur 6 en 2001, et met principalement en cause la police de quartier. Cette augmentation reflète "une plus grande sensibilité à cette question, une meilleure possibilité de saisine de la commission et un contexte qui favorise ces discriminations", a souligné son auteure, membre de la commission et chercheuse au CNRS, Catherine Wihtol de Wenden, lors d’une conférence de presse.

Elle a mis en cause un manque de formation des policiers impliqués, "dont l’âge moyen est de 25 ans et qui ne connaissent les quartiers que par la télévision" et qui sont "les premières victimes d’une formation incomplète".

Le manque d’encadrement est "un élément aggravant", a-t-elle ajouté. Les plaignants comprennent "un fort noyau de jeunes issus de l’immigration maghrébine de 18 à 35 ans, interpellés dans les banlieues défavorisées de la région parisienne" (Seine-Saint-Denis et dans une moindre mesure Val-d’Oise et Val-de-Marne), selon l’étude.

De nationalité française "pour l’écrasante majorité", la plupart d’entre eux "ont un nom ou une apparence physique qui laisse entendre une origine maghrébine ou moyen-orientale". La deuxième catégorie de plaignants sont les Français d’origine africaine ou antillaise, selon la chercheuse, qui évoque également le cas de gens du voyage.

Dans ces affaires, "l’individu disparaît derrière l’identification ethnique et le groupe auquel il appartient", selon la chercheuse. Or, "loin des idées reçues, certains des interpellés sont diplômés, occupent des emplois qualifiés et sont appréciés localement". Les dérapages ont le plus souvent pour origine des contrôles d’identité "pour marquer" la présence des policiers dans les quartiers.

"Des joutes + viriles + s’ensuivent avec échange d’insultes se concluant souvent par des procédures d’outrages et rébellion, le recours fréquent à la force, parfois l’utilisation d’armes de service réservées à un usage défensif, gaz lacrymogènes, flash-ball, menottage". Les dérapages ont pour causes "une accumulation de litiges antérieurs", "un conditionnement préalable" et "un sentiment d’impunité" chez les policiers qui s’illustrent par "une volonté d’humiliation individuelle" et "des discriminations collectives".

A propos de la situation particulière de la police des frontières, exclusivement en contact avec des étrangers, l’étude critique les méthodes employées pour les embarquements forcés qui s’apparentent "à une forme de discrimination institutionnelle".

La direction générale de la Police nationale (DGPN) a réagi en soulignant que "60 cas seulement" avaient donné lieu à un recours en 2004, alors que la police avait "effectué plusieurs millions de contrôles et d’interventions et géré quelque 2,6 millions de missions de police secours".

Pour la direction générale, cela "prouve le comportement irréprochable de l’immense majorité des policiers". Plusieurs syndicats de police ont dénoncé les "amalgames" contenus selon eux dans le rapport.

Le syndicat des commissaires et hauts-fonctionnaires de la police nationale (SCHFPN, majoritaire) a déploré que le rapport "ignore les difficultés grandissantes, notamment en termes de violences, que rencontrent les policiers au cours de leurs missions et dont ils sont les premières victimes".

Source : AFP