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Lakhdar Brahimi face à une équation complexe en Irak

jeudi 27 mai 2004, par Hassiba

Déjà connu pour être un faiseur de paix depuis qu’il a réussi, en 1990, à mettre fin à la guerre civile au Liban, Lakhdar Brahimi se retrouve encore engagé dans une mission similaire avec cette particularité qu’il doit cette fois aligner vingt-six noms de personnalités irakiennes qui composeront le prochain cabinet provisoire puisqu’il ne durera que six mois.

Lakhdar Brahimi en avait déjà soulevé les critères comme la crédibilité et la respectabilité sans lesquelles le futur gouvernement sera décrié et deviendra même la source de querelles et de conflits entre Irakiens. Il sait donc que sa mission est extrêmement délicate, car il s’agit aussi pour lui de respecter un équilibre ethnique, régional et communautaire. Le futur Exécutif irakien doit comprendre un président, deux vice-présidents et un Premier ministre. Selon des responsables irakiens, le président devrait être sunnite, les vice-présidents chiite et kurde et le Premier ministre chiite. Tout ce travail doit être fait rapidement pour qu’il n’y ait pas vacance de l’autorité à partir du 30 juin prochain. Mais l’émissaire de l’ONU a tenu à souligner que le 30 juin « n’est pas une date magique qui va résoudre tous les problèmes de l’Irak, mais c’est un tournant historique, une occasion très importante pour le pays ».

Les Américains qui l’ont sollicité doivent certainement avoir leur idée sur la fameuse liste qui exclut déjà une personnalité comme Ahmad Chalabi à qui M. Brahimi, à son corps défendant, a rappelé son parcours. Même si Lakhdar Brahimi poursuit à Baghdad ses consultations dans une totale discrétion, les supputations vont bon train. C’est ainsi que le Washington Post affirmait hier qu’un scientifique chiite, spécialiste du nucléaire, emprisonné sous le régime de Saddam Hussein, est le principal candidat de l’Onu pour devenir le Premier ministre du gouvernement intérimaire irakien.

Un lien entre les factions

Révélé au grand public durant la guerre contre son pays, Hussain Shahristani, 62 ans, a consacré ses années d’exil à des projets d’aide humanitaire et n’a aucune affiliation politique, ce qui pourrait lui permettre de servir de lien entre les différentes factions irakiennes, ont déclaré au journal des responsables irakiens. Le savant a rencontré à plusieurs reprises ce mois-ci Lakhdar Brahimi, dont l’intérêt a été éveillé par un article écrit le mois dernier par M. Shahristani pour le Wall Street Journal, critiquant les autorités d’occupation pour ne pas préparer l’Irak à des élections, ont indiqué au journal des Irakiens au fait de la mission de Brahimi. Selon des responsables américains, cités par le Washington Post, les négociations continuent pour la constitution du gouvernement intérimaire qui doit être installé après le 30 juin, mais M. Shahristani a émergé comme le principal candidat au poste de Premier ministre. « Le jeu n’est pas encore terminé, mais Shahristani est le candidat à battre », a indiqué un haut responsable du département d’Etat. Un Irakien, qui le connaît de longue date, a qualifié le savant atomiste de « meneur d’hommes » en dépit de son expérience politique limitée. M. Shahristani lui-même a déclaré au Post qu’il accepterait, mais sans enthousiasme, la direction du gouvernement, si elle lui était proposée.

Quant à la fameuse liste du futur gouvernement intérimaire irakien, chargé de gérer le pays après le 30 juin, elle pourrait être soumise à l’approbation des Nations unies, a suggéré M. Brahimi. « Il y a une possibilité, c’est qu’une fois l’accord (sur le gouvernement) finalisé, nous transmettions la liste au secrétaire général de l’Onu (Kofi Annan) et que ce dernier la transmette ensuite au Conseil de sécurité », a déclaré M. Brahimi. « C’est une solution possible », a-t-il dit, estimant qu’il était préférable que le futur gouvernement ait l’aval de l’Onu plutôt que celui de la coalition. Concernant la répartition ethnique et confessionnelle du futur Exécutif, M. Brahimi a indiqué qu’il y avait « un semi-accord pour que le Premier ministre soit chiite ». « Ce sera une personnalité de grande expérience qui devra avoir le soutien de tous les partis politiques dans le pays. Il ne sera pas seulement le Premier ministre des chiites, mais celui de tout le pays », a-t-il dit. « De même que le président ne sera pas seulement celui des Arabes sunnites et des Kurdes », a-t-il poursuivi. Il revient donc à M. Brahimi de réussir ce dosage qui crédibiliserait l’opération en cours, sans toutefois, il est vrai, lui conférer la légitimité que seules les urnes peuvent procurer.

L’Irak, si tout va bien encore que cette expression doive être relativisée, pourra avoir une autorité élue d’ici à l’année prochaine. Les Américains ont donné un certain nombre d’assurances pour que cette élection soit réellement libre en s’engageant à reconnaître et accepter l’autorité qui sortira des urnes, mais est-ce que le climat sécuritaire permettra réellement la tenue d’une consultation électorale libre ? Ce qui est une autre question.

Par T. Hocine,elwatan.com