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Le Coran profané soulève la colère du monde arabo-musulman

samedi 14 mai 2005, par Hassiba

La profanation présumée du Coran par des soldats américains sur la base de Guantanamo enflamme le monde musulman.

La profanation présumée du Coran soulève la colère du monde musulman.

Avant même qu’elle soit confirmée, la profanation présumée du Coran sur la base américaine de Guantanamo est en train de mettre le feu aux poudres dans le monde arabo-musulman. C’est en Afghanistan qu’ont eu lieu les plus violentes manifestations, le scandale cristallisant un mécontentement latent parmi la population depuis l’invasion américaine en 2001. Les manifestations qui se succèdent depuis mardi ont déjà fait 14 morts, dont la moitié pour la seule journée de vendredi, et une centaine de blessés. Cantonnées d’abord au sud-est du pays, les manifestations ont gagné 10 provinces sur 34. Vendredi, jour de prière, les mollahs ont soufflé sur les braises de la contestation en délivrant des prêches très virulents contre l’Amérique. A la sortie des mosquées, des manifestations très agressives se sont produites. Quatre personnes ont trouvé la mort et une vingtaine d’autres ont été blessées lors d’affrontements avec la police dans des provinces du sud. Dans le nord du pays, trois manifestants sont morts et une vingtaine d’autres ont été blessés. Après la mise à sac et l’incendie de nombreuses ONG, à Faizabad, les expatriés ont été évacués. A Kaboul, en revanche, une cinquantaine de personnes ont manifesté sans incident.

Groupes organisés. C’est la ville pachtoune de Djalalabàd, proche de la frontière pakistanaise, qui a connu, mercredi, les heurts les plus violents lorsque 10 000 manifestants se sont attaqués aux agences de l’ONU, à des ONG et au consulat du Pakistan qui a été incendié. Jeudi, 126 expatriés, dont 7 Français, ont été évacués par avion vers Kaboul. Dans cette province, les manifestations, lancées d’abord par des étudiants, ont ensuite été relayées par de petits groupes militants bien organisés, qui se sont reconstitués à cette occasion. La campagne d’éradication musclée menée cette année contre les plantations de pavot, qui ont durement frappé la paysannerie, est l’une des sources du mécontentement particulièrement exacerbé dans cette région.

Au Pakistan, l’agitation a aussi culminé après les prières du vendredi mais aucun incident notable n’a été signalé. Les manifestations ont surtout eu lieu dans les grandes villes, ne rassemblant que quelques centaines de personnes à chaque fois, aux cris de « A mort l’Amérique » et de slogans hostiles au président Musharraf, allié des Etats-Unis dans « la guerre contre le terrorisme ». Le parti religieux extrémiste du Muttahida Majlis-e-Amal (MMA), qui avait appelé à manifester et réclamé le renvoi de l’ambassadeur américain si Washington ne présentait pas d’excuses aux musulmans, n’a, semble-t-il, pas remporté un grand succès. Dans un camp de réfugiés de Peshawar, en revanche, plus de 6 000 Afghans ont défilé.

Ailleurs en Asie, des centaines d’islamistes radicaux se sont rassemblés dans le calme dans une mosquée de Djakarta pour dénoncer « l’insulte faite par les soldats américains, non seulement au Saint Coran mais à tous les musulmans ».

« Mains les plus sales ». Les plus importantes manifestations dans le monde arabe ont eu lieu dans les territoires palestiniens. Près de 2 000 personnes ont manifesté dans le camp de réfugiés de Jabaliya, au nord de Gaza, contre « la profanation du Coran par les mains les plus sales, celles des Américains ». Brandissant des exemplaires du livre saint et des drapeaux verts du Hamas, ces manifestants ont voulu exprimer, selon Nizar Rayan, l’un des chefs de l’organisation islamiste, « leur colère après la profanation du Coran par les ennemis de Dieu à Guantanamo, comme le font les ennemis sionistes dans les prisons de l’occupation ». A Hébron, des centaines de fidèles ont défilé après la prière au caveau des Patriarches.

Plusieurs organisations et gouvernements se sont émus de la profanation présumée. Le Hezbollah s’est indigné dans un communiqué émis depuis Beyrouth : le parti chiite libanais souligne que « l’horrible acte américain constitue une atteinte aux sentiments de tous les musulmans » et appelle à une « réaction vigoureuse ». En Irak, des imams chiites et sunnites ont également vivement protesté. En Egypte, les Frères musulmans ont demandé des excuses publiques de Washington. Plusieurs pays ont réagi officiellement. L’Arabie Saoudite a réclamé une enquête « rapide ». La Libye a dénoncé des « agissements irresponsables et immoraux », estimant qu’ils étaient susceptibles de nourrir le terrorisme. Le ministère indonésien des Affaires étrangères a demandé « une enquête », estimant que si les faits étaient avérés ils seraient « immoraux ». Voilà qui ne vas pas améliorer l’image des Etats-Unis dans une région où elle est déjà déplorable.

Par le Service Etranger et Jean-Luc Allouche, liberation.fr